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11/07/2023 | FRANCE | N°21BX00960

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 juillet 2023, 21BX00960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France Alpa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le ministre de la transition écologique et solidaire a autorisé la compagnie Volotea à mettre en œuvre pour son personnel navigant un régime dérogatoire de temps de travail, d'autre part, la décision du 22 février 2019 par laquelle cette même autorité a refusé de lui communiquer cet arrêté.

Par un jugement n° 1901959 du 31

décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir prononcé un non-lie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France Alpa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le ministre de la transition écologique et solidaire a autorisé la compagnie Volotea à mettre en œuvre pour son personnel navigant un régime dérogatoire de temps de travail, d'autre part, la décision du 22 février 2019 par laquelle cette même autorité a refusé de lui communiquer cet arrêté.

Par un jugement n° 1901959 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation du refus de communication de l'arrêté du 16 janvier 2019, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er mars et 16 avril 2021, et le 1er avril 2022, le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France Alpa, représenté en dernier lieu par Me Descorps-Declère, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 décembre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 16 janvier 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat SNPL France Alpa soutient que :

- sa requête est recevable ;

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :

- le jugement attaqué est irrégulier en la forme, faute de comporter les signatures du président et du premier conseiller, rapporteur ;

- il est entaché d'erreur de droit, et à tout le moins d'une insuffisance de motivation, pour avoir jugé que les dispositions du code de l'aviation civile ne subordonnent pas les régimes dérogatoires à l'existence d'un accord collectif ;

- c'est également à la faveur d'une erreur de droit que le tribunal a estimé que l'arrêté dérogatoire ne méconnaissait ni les dispositions de l'article 5.2 de l'accord-cadre étendu le 21 mars 2011, ni le règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes ;

Il soutient, au fond, que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une incompétence de son signataire ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de consultation des organisations syndicales représentatives des personnels navigants ;

- il méconnaît le champ d'application des dispositions du code de l'aviation civile, en permettant à la compagnie Volotea de poursuivre son activité en organisant le temps de travail du personnel navigant, alors même qu'aucun accord collectif résultant de négociations au sein de l'entreprise n'a encore été conclu ;

- il méconnaît le règlement (UE) n° 83/2014 du 29 janvier 2014 modifiant le règlement (UE) n° 965/2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, lequel vise à définir les limitations des temps de vol et de service ainsi que des exigences en matière de repos pour le personnel mobile dans l'aviation civile ;

- il est entaché d'un détournement de pouvoir, la seule finalité de cet arrêté étant d'autoriser la compagnie Volotea à se soustraire à ses obligations de négociations collectives des conditions de travail ;

- il est illégal, en raison de l'illégalité des dispositions de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile sur le fondement desquelles il a été pris ; d'une part, ces dispositions, prises en application de l'article L. 6525-3 du code des transports qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour fixer le temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile des personnels navigants de l'aéronautique civile, ont été adoptées par un décret simple ; d'autre part et en tout état de cause, l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile est devenu illégal par suite d'un changement des circonstances de droit opéré par les lois n° 98-461 du 13 juin 1998 d'incitation relative à la réduction du temps de travail, la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail et l'ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que le ministre était en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande présentée pour le compte de la société Volotea d'autoriser un régime dérogatoire fondé sur une alternance jours d'inactivité / jours d'activité sur la base d'un régime défini unilatéralement par l'employeur alors que ce régime est contraire au principe de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail garanti par le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et aboutit à un contournement pur et simple de l'application de l'accord-cadre du 10 février 2000 d'aménagement et de réduction du temps de travail des personnels navigants professionnels de transport aérien, et méconnaît les dispositions de l'article D. 422-5-2 du code de l'aviation civile ;

- il est également entaché d'une erreur de droit en ce que la fédération nationale de l'aviation marchande n'a pas sollicité l'application d'un régime dérogatoire dans le délai raisonnable prévu à l''article D. 422-6 du code de l'aviation civile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2022, la ministre de la transition écologique, représentée par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat requérant la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, faute pour le syndicat SNPL France Alpa de justifier d'un intérêt à agir et ce alors que le régime dérogatoire autorisé est plus favorable que le régime de droit commun ;

- les moyens invoqués par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, la société Volotea, représentée par Me Fernandez-Boni, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du Syndicat National du Personnel Commercial FO, de la Fédération Equipement Environnement Transports et Services FO et du Syndicat National des Pilotes de Ligne France Alpa la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'associe aux écritures du ministre en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance du syndicat et du moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile ;

- le moyen tiré de ce que la demande de régime dérogatoire n'aurait pas été présentée dans le délai raisonnable prévu à l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile est inopérant ;

- les autres moyens invoqués par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 décembre 2022 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été enregistré le 21 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012, modifié ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code des transports ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 21 mars 2001 portant extension d'un accord national professionnel conclu dans le secteur du transport aérien et concernant les personnels navigants professionnels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Descorps-Declère, représentant le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France Alpa.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 décembre 2018, la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) a, sur le fondement de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile, sollicité pour le compte de la compagnie Volotea, société de droit espagnol dont le principal établissement français est situé à Mérignac (Gironde) et qui emploie du personnel navigant régi par le droit français, le bénéfice d'un régime de travail répartissant les temps de vol et les temps d'arrêt sur une période de temps autre que celle mentionnée aux articles D. 422-2 et D. 422-5 du même code. Par un arrêté du 16 janvier 2019, le ministre de la transition écologique a fait droit à cette demande et a autorisé cette compagnie aérienne à mettre en œuvre, pour son personnel navigant, un régime dérogatoire de travail. Le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) France Alpa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté ainsi que la décision du 22 février 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique a refusé de lui communiquer cet arrêté. Par un jugement du 31 décembre 2020, le tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation du refus de communication de l'arrêté du 16 janvier 2019, a rejeté sa demande. Le syndicat SNPL France Alpa doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté ministériel du 16 janvier 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". En l'espèce, il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée conformément à ces dispositions. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à l'appelant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

3. En second lieu, si le syndicat requérant soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en jugeant, d'une part, que les dispositions du code de l'aviation civile ne subordonnent pas les régimes dérogatoires à l'existence d'un accord collectif et, d'autre part, que l'arrêté en litige ne méconnaît ni les dispositions de l'article 5.2 de l'accord-cadre étendu le 21 mars 2001, ni le règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012, l'erreur qu'il invoque, susceptible d'affecter la validité du raisonnement suivi par le tribunal et le bien-fondé du jugement, dont le contrôle est opéré dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

4. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 6521-6 du code des transports : " Le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre. ". Aux termes de l'article L. 6525-3 du même code : " Pour les personnels navigants de l'aéronautique civile, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aérien, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie à l'article L. 3121-27 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile, déterminé par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article L. 6525-4 de ce code : " Outre les périodes de congé légal définies par les chapitres Ier et II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail, [les salariés qui exercent la fonction de personnel navigant] bénéficient d'au moins sept jours par mois et d'au moins 96 jours par année civile libres de tout service et de toute astreinte. Ces jours, notifiés à l'avance, peuvent comprendre les périodes de repos et tout ou partie des temps d'arrêt déterminés par la loi ou le règlement. ".

6. D'autre part, l'article D. 422-2 du code de l'aviation civile définit des temps d'arrêt périodiques dont le personnel navigant doit bénéficier à sa base d'affectation, tandis que l'article D. 422-5 de ce code précise la durée et l'amplitude des périodes de vol, et des temps d'arrêt qui doivent suivre obligatoirement ces périodes. Selon l'article D. 422-4 du même code : " Dans les conditions actuelles d'exploitation des entreprises, il est admis qu'à la durée du travail effectif (...) correspond un temps de travail exprimé en heures de vol soit d'une durée mensuelle résultant de l'application du premier alinéa de l'article D. 422-8, soit d'une durée de 740 heures à l'année. ". Aux termes de l'article D. 422-6 de ce code : " Sur demande présentée dans un délai raisonnable par une organisation patronale ou du personnel de la profession, (...) le ministre chargé de l'aviation civile peut prendre, après consultation des organisations représentatives au niveau national intéressées, et en se référant, là où il en existe, aux accords intervenus, des arrêtés autorisant, nonobstant les règles fixées aux articles D. 422-2 et D. 422-5, un régime répartissant les temps de vol et les temps d'arrêt sur une autre période de temps, compte tenu notamment de l'éventuel renfort de l'équipage. ".

7. Enfin, l'accord national professionnel relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels navigants professionnels dans le secteur du transport aérien du 10 février 2000, étendu par l'arrêté du 21 mars 2001, prévoit que les modalités d'aménagement et de réduction du temps de travail au travers des périodes de repos devront s'organiser au sein de chaque entreprise selon deux modalités, soit le décompte en repos périodique (article 5.1), soit le décompte en jour d'inactivité (article 5.2). S'agissant de cette dernière modalité, l'article 5.2 stipule : " Les dispositions (...) s'appliquent conformément aux dispositions de l'article D. 422-6 et de façon alternative aux dispositions du 5.1 du présent accord et aux dispositions de l'article D. 422-2 du code de l'aviation civile. / Il est programmé un minimum de 64 jours d'activité par semestre civil complet d'activité dont, par mois civil complet d'activité, un minimum de 10 jours programmés, pouvant être ramenés à 9 quatre mois par an. / art. 5.2.1. Petits et moyens parcours : / Il ne peut être programmé plus de sept jours d'activité entre deux périodes de repos d'une durée minimale de 36 heures garantissant deux arrêts nocturnes normaux. (...) / Des modalités de programmation et de répartition des jours d'inactivité, alternatives ou complémentaires aux dispositions précitées sont définies par accord d'entreprise. ".

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande, présentée le 18 décembre 2018 par la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), pour le compte de la société Volotea, sur le fondement de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile cité au point 6, vise à la mise en place, pour son personnel navigant, d'un système de décompte des temps de repos en jours d'inactivité, la compagnie octroyant un nombre de jours libres de tout service et de toute astreinte par mois civil supérieur à celui prévu à l'article L. 6525-4 du code des transports et précisé dans le document annexé à la demande d'autorisation.

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 16 janvier 2019 :

9. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 16 janvier 2019 a été signé par M. A... C..., directeur du travail, directeur de projet auprès du directeur du transport aérien, au sein de la direction générale de l'aviation civile, lequel bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 28 avril 2017, régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 5 mai suivant, d'une délégation à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des transports, notamment tous actes, arrêtés et décisions relatifs au droit du travail, aux conditions de travail et à la protection sociale des salariés du transport aérien et des entreprises intervenant sur les aéroports. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le mentionne l'arrêté attaqué, que, par courrier électronique du 19 décembre 2018, les services de la direction générale de l'aviation civile ont transmis aux représentants des organisations représentatives des personnels, dont le syndicat requérant, les documents relatifs à la demande de mise en œuvre d'un régime de travail dérogatoire pour le personnel navigant de la compagnie Volotea en les invitant à faire connaître leurs observations sur cette demande au plus tard le 15 janvier 2019. Le syndicat requérant, qui a présenté des observations écrites par courrier du 15 janvier 2019, ne critique plus en appel les modalités de la consultation. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de la consultation prévue à l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile, doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 16 janvier 2019 :

S'agissant de l'exception d'illégalité des dispositions de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile :

11. D'une part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Si, dans le cadre d'une telle contestation, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

12. Il résulte de ce qui précède que le syndicat SNPL France Alpa ne peut, et en tout état de cause, utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 16 janvier 2019, autorisant la société Volotea à mettre en œuvre pour son personnel navigant un régime dérogatoire de temps de travail, le moyen tiré de l'illégalité de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile, en application desquelles cet arrêté a été pris, au motif que ses dispositions ont été édictées par décret simple et non par décret en Conseil d'Etat, moyen qui, contrairement à ce que soutient le requérant, relève non pas de la compétence de l'auteur de l'acte mais de la régularité de la procédure d'édiction de cet acte.

13. D'autre part, la juridiction compétente pour statuer sur l'exception tirée de l'illégalité d'un règlement peut être invitée à rechercher, non seulement si ce règlement a été légalement pris, mais s'il était resté légalement en vigueur à la date à laquelle il en a été fait application.

14. Le syndicat SNPL France Alpa fait valoir que depuis la loi du 13 juin 1998 d'incitation relative à la réduction du temps de travail, la durée et l'aménagement du temps de travail sont désormais définies par voie conventionnelle, et se réfère notamment à l'article

L. 3121-44 du code du travail selon lequel une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine, ainsi qu'à l'accord national professionnel d'aménagement et de réduction du temps de travail des personnels navigants professionnels de transport aérien adopté le 10 février 2000. Toutefois, si, contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions de l'article L. 3121-44 du code du travail sont applicables au personnel navigant de l'aviation civile, les circonstances de droit nouvelles depuis l'adoption de la loi précitée du 13 juin 1998 dont se prévaut l'appelant, intervenues postérieurement à l'adoption du décret du 29 octobre 1997 relatif à la durée du travail du personnel navigant et modifiant certaines dispositions du code de l'aviation civile, dont celles de l'article D. 422-6 de ce code, n'ont pas eu pour effet de rendre illégales ces dernières dispositions, lesquelles imposent précisément à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de mise en place d'un régime dérogatoire de temps de travail, de prendre en compte, lorsqu'ils existent, les accords intervenus en la matière.

15. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des dispositions de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile doit être écarté dans ses deux branches.

S'agissant des autres moyens :

16. En premier lieu, il ne résulte ni des dispositions de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que la demande de régime dérogatoire de temps de travail pour les personnels navigants devrait être présentée à compter du début d'exploitation commerciale par la compagnie aérienne ou de son installation sur le territoire national, cet article prévoyant seulement que la demande, justifiée par l'évolution des conditions d'exploitation et notamment par un renfort de l'équipage, doit être présentée dans un délai raisonnable afin de permettre à l'administration d'instruire la demande du pétitionnaire et de consulter les organisations représentatives au niveau national. Par suite, le syndicat SNPL France Alpa n'est pas fondé à soutenir que la demande de régime dérogatoire de temps de travail pour le personnel navigant de la compagnie Volotea, datée du 18 décembre 2018, n'aurait pas été présentée dans un délai raisonnable du seul fait que la compagnie Volotea a débuté son exploitation commerciale en France en 2012.

17. En deuxième lieu, d'une part, comme l'a relevé le tribunal, les dispositions de l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile ne conditionnent pas l'autorisation d'un régime dérogatoire au droit commun, prévu par les articles D. 422-2 et D. 422-5 du même code pour la répartition des temps de vol et des temps d'arrêt, à l'existence d'une convention ou d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, mais imposent seulement à l'autorité administrative, pour accorder un telle dérogation, de se référer aux éventuels accords intervenus.

18. D'autre part, le syndicat requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article D. 422-5-2 du code de l'aviation civile qui prévoient les modalités selon lesquelles, pour l'application de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail et de manière alternative à l'application des articles D. 422-2 et D. 422-5-1, la durée du travail du personnel navigant peut être réduite par convention ou accord collectif dans le cadre d'un régime de travail fondé sur une alternance de jours d'activité et d'inactivité, et autorisé dans les formes prévues à l'article D. 422-6. Eu égard à leur objet, les dispositions de l'article D. 422-5-2 du code de l'aviation civile concernent non pas la répartition des temps de vol et des temps d'arrêt mais la réduction négociée du temps de travail, laquelle a d'ailleurs fait l'objet de l'accord, mentionné au point 7, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels navigants professionnels dans le secteur du transport aérien, dont le syndicat requérant est signataire, et étendu par arrêté du 21 mars 2001.

19. Il s'ensuit que le syndicat SNPL France Alpa n'est pas fondé à soutenir que le principe de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, garanti par le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, a été méconnu. Le moyen tiré de ce que le ministre de la transition écologique et solidaire, qui n'était pas en situation de compétence liée pour refuser la dérogation sollicitée au régime de temps de travail, aurait entaché son arrêté d'une erreur de droit doit donc être écarté.

20. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le régime dérogatoire de temps de travail pour le personnel navigant de la compagnie Volotea, autorisé par l'arrêté litigieux, correspond aux règles prévues par les stipulations de l'article 5.2 de l'accord national professionnel précité du 10 février 2000, étendu par arrêté du 21 mars 2001, selon lesquelles il est programmé au minimum 64 jours d'inactivité par semestre civil complet d'activité, dont, par mois civil complet d'activité, un minimum de dix jours programmés pouvant être ramenés à neuf quatre mois par an. Par suite, le syndicat requérant qui ne justifie pas que ce régime dérogatoire comporterait des modalités de programmation et de répartition des jours d'inactivité, alternatives ou complémentaires à celles contenues dans l'accord, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance de ce dernier accord.

21. En quatrième lieu, l'annexe II du règlement du 5 octobre 2012, déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, modifié par le règlement (UE) n° 83/2014 du 29 janvier 2014 prévoit, au a) du paragraphe ARO.OPS.235, que : " L'autorité compétente approuve les régimes de spécification de temps de vol proposés par les exploitants de transport aérien commercial si l'exploitant démontre qu'il est en conformité avec le règlement (CE) n° 216/2008 et avec la sous-partie FTL de l'annexe III du présent règlement ". L'annexe III de ce règlement fixe les exigences applicables aux organismes pour les opérations aériennes.

22. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué du 16 janvier 2019 précise expressément que la programmation doit respecter les dispositions de la sous-partie " FTL " de l'annexe III du règlement n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes. Le syndicat ne précise pas en quoi le régime dérogatoire aurait été autorisé en méconnaissance des dispositions de cette annexe, relatives aux limitations de temps de vol et de service, ainsi qu'aux exigences en matière de repos pour les membres d'équipage. En outre, l'arrêté attaqué a pour seul objet d'autoriser la société Volotea à mettre en œuvre un régime de temps de travail répartissant les temps de vol et les temps d'arrêt sur une période de temps autre que celle mentionnée aux article D. 422-2 et D. 422-5 du code de l'aviation civile. Si le document transmis à l'administration, à l'appui de la demande, aborde d'autres aspects du régime de temps de travail du personnel navigant de la compagnie, ceux-ci n'ont pas fait l'objet de l'autorisation litigieuse. Dans ces conditions, les moyens critiquant les modalités d'organisation des réserves, et les conditions d'alimentation en vol, ne peuvent être utilement invoqués. Le moyen tiré de la méconnaissance du règlement n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012, modifié en dernier lieu par le règlement (UE) n° 83/2014 du 29 janvier 2014, doit donc être écarté.

23. En dernier lieu, si le syndicat requérant soutient que l'arrêté en litige n'a pour seule finalité que d'autoriser la compagnie Volotea à se soustraire à ses obligations de négociations collectives des conditions de travail, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la dérogation prévue par l'article D. 422-6 du code de l'aviation civile n'implique aucune obligation de négociation collective. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit donc être écarté.

24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que le syndicat SNPL France Alpa n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2019.

Sur les frais d'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le syndicat requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat SNPL France Alpa le versement à l'Etat et à la société Volotea de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais de même nature. En revanche, le syndicat national du personnel commercial FO et la Fédération Equipement Environnement Transports et Services FO n'étant pas parties à l'instance, les conclusions de la société Volotea qui sont mal dirigées ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête du syndicat SNPL France Alpa est rejetée.

Article 2 : Le syndicat SNPL France Alpa versera à l'Etat et à la société Volotea la somme de 1 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat national des pilotes de ligne France Alpa, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Volotea.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.

Le rapporteur,

Anthony B...

Le président,

Frédéric Faïck La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX00960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00960
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY POUPOT VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;21bx00960 ?
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