Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Orange France a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le titre exécutoire émis par la commune de Fort-de-France le 30 octobre 2020 à son encontre en vue de recouvrer la somme 5 270 euros à raison de l'occupation irrégulière du domaine routier communal par trois véhicules entre le 9 et le 27 novembre 2020 et de la fermeture de trois rues de la commune sur une période de cinq jours dans le cadre de travaux d'installation de la fibre optique et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 2000624 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de la Martinique a fait droit à ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 septembre 2021, la commune de Fort-de-France, représentée par Me Relouzat Bruno, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 21 juin 2021 ;
2°) de mettre à la charge de la société Orange France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la correspondance du 30 octobre 2020 ne constitue qu'un acte préparatoire à l'établissement d'un titre de recettes et ne pouvait donc faire l'objet d'un recours contentieux ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la commune est compétente pour fixer elle-même le tarif de la redevance d'occupation du domaine public routier due par les opérateurs de communication électronique dans le cadre de travaux d'installation de réseaux de fibre optique, en application de l'article R. 20-52 du code des postes et des communications électroniques, dès lors que ce texte se borne à fixer des plafonds pour le calcul de cette redevance ;
- le tribunal a jugé à tort que les articles L. 45-9 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques constituait la base légale du titre de recettes en litige, alors que celle-ci découle de l'article 8 de la délibération du conseil municipal du 30 janvier 2017 portant règlement général relatif aux occupations du domaine public ; l'occupation en cause ne pouvait être assimilée ni à une permission de voirie ni à une occupation permanente du domaine ;
- comme l'indique le Conseil d'Etat dans une décision topique, la commune était ainsi fondée à calculer une redevance relative à un permis de stationnement provisoire sur la voie publique.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2022, la société anonyme Orange France, représentée par Mes Gaudemet et Mallet, conclut au rejet de la requête et à la mise à charge de la commune de Fort-de-France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Delarousse, représentant la société Orange France.
Considérant ce qui suit :
1. Le service de suivi des occupations du domaine public de la commune de Fort-de-France a émis le 30 octobre 2020 un titre exécutoire à l'encontre de la société Orange en vue du recouvrement d'une somme de 5 270 euros correspondant à la redevance d'occupation du domaine public pour le stationnement de plusieurs véhicules sur la voie publique pour la période du 9 au 27 novembre 2020, ainsi que la fermeture à la circulation de trois rues durant la période de cinq jours, dans le cadre de travaux d'installation d'un réseau de fibre optique. La commune de Fort-de-France relève appel du jugement du 21 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé ce titre exécutoire et a déchargé la société Orange de l'obligation de payer la somme y afférente.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " (...) les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (...) peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre ". L'article L. 113-4 du même code prévoit que : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ". Aux termes de l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques : " Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier (...). / (...) / L'occupation du domaine public routier (...) peut donner lieu au versement de redevances aux conditions prévues [à l'article] L. 47 ". Aux termes de cet article L. 47 : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière. / L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie. / (...) / La permission de voirie ne peut contenir des dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle donne lieu à versement de redevances dues à la collectivité publique concernée pour l'occupation de son domaine public dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs. / L'autorité mentionnée au troisième alinéa se prononce dans un délai de deux mois sur les demandes de permission de voirie. / Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci-dessus ". Aux termes de l'article R. 20-45 du même code : " La permission de voirie prévue au premier alinéa de l'article L. 47 est délivrée : / (...) / - par l'exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du domaine dans les autres cas ". Selon l'article R. 20-51 du même code : " Le montant des redevances tient compte de la durée de l'occupation, de la valeur locative de l'emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu'en tire le permissionnaire. / Le gestionnaire du domaine public peut fixer un montant de redevance inférieur pour les fourreaux non occupés par rapport à celui fixé pour les fourreaux occupés. / Le produit des redevances est versé au gestionnaire ou au concessionnaire du domaine occupé, dans les conditions fixées par la permission de voirie ". L'article R. 20-52 de ce code dispose enfin que : " Le montant annuel des redevances, déterminé, dans chaque cas, conformément à l'article R. 20-51, en fonction de la durée de l'occupation, des avantages qu'en tire le permissionnaire et de la valeur locative de l'emplacement occupé, ne peut excéder : / I.- Sur le domaine public routier : / 1° Dans le cas d'une utilisation du sol ou du sous-sol, par kilomètre et par artère : 300 euros pour les autoroutes ; 30 euros pour le reste de la voirie routière ; / 2° Dans les autres cas, par kilomètre et par artère : / 40 euros ; / 3° S'agissant des installations autres que les stations radioélectriques : 20 euros par mètre carré au sol. L'emprise des supports des artères mentionnées aux 1° et 2° ne donne toutefois pas lieu à redevance. / (...) ".
3. En l'absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente, sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, pour délivrer les permissions d'occupation temporaire de ce domaine et fixer le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation, en tenant compte des avantages de toute nature que le titulaire de l'autorisation est susceptible de retirer de cette occupation.
4. Il ressort des articles L. 45-9 et L. 47 du code des postes et communications électroniques précités qu'ils ont pour objet de réglementer respectivement le droit de passage et la permission de voirie nécessaires à l'implantation des ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques et aux travaux correspondants qui doivent être effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière, et de prévoir le principe du paiement d'une redevance due au titre de l'occupation permanente du domaine public routier par ces ouvrages. Par ailleurs, les articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du même code, auxquels renvoie l'article L. 47, ne font référence qu'à ce même droit de passage et, à ce titre, ne mentionnent que l'occupation du domaine public routier par les artères et les fourreaux, occupés ou non.
5. Par suite, en l'absence de dispositions particulières applicables à l'occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, le conseil municipal de la commune de Fort-de-France était en droit, par la délibération du 30 janvier 2017, d'instituer une redevance due à la charge notamment aux opérateurs précités en contrepartie de l'occupation provisoire du domaine public routier pour des travaux, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal. En outre, il ressort de ce qui précède que le motif retenu par le tribunal tiré de ce que la délibération en cause serait, par voie d'exception, illégale pour incompétence de la collectivité ne peut être retenu.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Orange devant le tribunal administratif de la Martinique ainsi qu'en appel.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
7. La décision contestée du 30 octobre 2020 adressée par la ville de Fort de Franc, intitulée " Redevance d'occupation du domaine public " demande à la société Orange de lui verser une somme 5 270 euros pour le stationnement de deux véhicules et d'un camion nacelle ainsi que la fermeture de rues dans le cadre des travaux d'installations de la fibre optique durant la période du 9 au 27 novembre 2020. Elle précise les bases de liquidation et les modalités de calcul de la somme réclamée ainsi que les modalités de paiement. Cette décision qui émane d'une collectivité territoriale dotée d'un comptable public, ne présente pas, contrairement à ce que soutient la commune de Fort-de-France, le caractère d'un acte préparatoire, mais constitue un titre de perception au sens des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales faisant grief et susceptible de recours contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune à la demande de la société Orange doit être écartée.
Sur la légalité de la décision attaquée :
8. Aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. (...) / En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ".
9. Il ne résulte pas de l'instruction, malgré une mesure d'instruction effectuée auprès de la commune, que M. A..., affecté au service du suivi des occupations du domaine public, signataire de la décision en litige, aurait disposé d'une délégation du maire de la commune de Fort-de-France en matière d'affaires budgétaires et financière de la commune pour ce faire. Par suite, le moyen invoqué devant le tribunal et repris en appel par la société Orange, tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée dont la qualité n'est au demeurant pas précisée doit être accueilli.
Sur les conclusions à fins de décharge :
10. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte en l'espèce que, dès lors que l'avis de somme à payer comme il est indiqué au point 9 du présent arrêt n'est annulé que pour incompétence, les conclusions présentées par la société requérante, aux fins de décharge de la somme de 5 270 euros mise à sa charge par la commune de Fort de France, ne peuvent être que rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fort-de-France est fondée à demander l'annulation du jugement du 21 juin 2021 du tribunal administratif de la Martinique en tant seulement qu'il a déchargé la société Orange du paiement de la somme de 5 270 euros.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, verse la somme réclamée par la commune de Fort-de-France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France la somme réclamée à la société Orange au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n°2000624 du 21 juin 2021 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Fort-de-France est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la société Orange présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fort-de-France et à la société anonyme Orange.
Une copie sera adressée pour information au directeur territorial des finances publiques de La Martinique.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
Birsen Sarac-Deleigne
Le président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03742 2