La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°23BX00584

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 juillet 2023, 23BX00584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101506 du 16 février 2023, le tribunal admin

istratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021, a enjoint au préfet de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101506 du 16 février 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021, a enjoint au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 février 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à la vie privée et familiale de M. B... en se fondant sur la circonstance que ce dernier avait préalablement bénéficié de titres l'autorisant à séjourner sur le territoire français ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, M. B... ne justifie pas d'une résidence habituelle et stable sur le territoire français, notamment en ce qu'il a effectué de nombreux séjours dans son pays d'origine et a reconnu s'y rendre régulièrement ;

- M. B..., qui ne maîtrise pas la langue française, ne démontre pas son insertion dans la société française et, en particulier, ses connaissances des valeurs de la République ;

- il ne justifie d'aucune activité professionnelle, alors même qu'il a eu la possibilité de travailler via l'obtention de précédents titres de séjour ;

- M. B... ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France, alors que son épouse et leur enfant résident dans son pays d'origine.

Par une ordonnance du 14 mars 2023, la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2023. A la suite d'une demande de délai supplémentaire présentée le 15 mai 2023 par Me Djimi, représentant M. B..., la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 26 mai 2023 à 12:00 par une ordonnance du 16 mai 2023.

Un mémoire a été présenté pour M. B..., représenté par Me Djimi, enregistré postérieurement à la clôture d'instruction, le 16 juin 2023, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de Mme Nathalie Gay.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., de nationalité haïtienne, né le 10 janvier 1963, est entré sur le territoire français en 1993 selon ses déclarations. Il a obtenu différents titres de séjour à compter du 21 décembre 2007 et a sollicité, le 13 novembre 2020, le renouvellement de son dernier titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 octobre 2021, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une période d'un an. Par un jugement du 16 février 2023 dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté.

Sur le moyen retenu par le tribunal :

2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que M. B... justifiait d'une résidence régulière, stable et ancienne sur le territoire français dès lors qu'il avait disposé de titres l'autorisant à séjourner en France pendant plus de treize années et a retenu le moyen tiré de ce que le préfet avait commis une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B....

3. Si M. B..., qui déclare être arrivé sur le territoire français en 1993, se prévaut de ses nombreuses années de présence en France et bien qu'il soit établi qu'il y réside de manière régulière depuis l'année 2007, il ne démontre pour autant aucune insertion particulière ni ne justifie de liens professionnels, familiaux ou personnels sur le territoire français. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas des quelques bulletins de salaire produits, établis à des dates éparses entre 2009 et 2012, que M. B..., bénéficiaire du revenu de solidarité active et inscrit à Pôle emploi depuis 2017, aurait exercé depuis son arrivée sur le territoire français une activité professionnelle stable, alors que les différents titres de séjour dont il était titulaire entre 2007 et 2020 lui en donnait la possibilité, en dépit de la circonstance, postérieure à la date de l'arrêté en litige, qu'il ait obtenu une promesse d'embauche le 30 décembre 2021. D'autre part, M. B..., dont il ressort des pièces du dossier qu'il ne maîtrise pas la langue française, ne fait état d'aucun lien familial ou personnel sur le territoire français, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, où il retourne chaque année ainsi que l'indiquent les visas de son passeport, et où résident son épouse, avec laquelle il s'est marié en 2010 en Haïti, alors qu'il résidait pourtant à cette date sur le territoire français au titre de la vie privée et familiale, ainsi que leur enfant mineur, né en 2010. Par suite, compte tenu des conditions du séjour en France du requérant et de ses attaches familiales dans son pays d'origine, et malgré l'ancienneté établie de sa présence sur le territoire français, le préfet de la Guadeloupe n'a pas commis d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de la Guadeloupe a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. B... pour annuler l'arrêté du 14 octobre 2021.

4. Il appartient donc à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.

Sur les autres moyens de première instance :

5. Aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. Compte tenu des circonstances exposées au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Guadeloupe aurait porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels son arrêté a été pris. Il n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel il a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions présentées par M. B... aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101506 du 16 février 2023 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00584 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00584
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;23bx00584 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award