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04/07/2023 | FRANCE | N°21BX02927

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 juillet 2023, 21BX02927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Porteau Rouge a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015.

Par un jugement n° 1903011 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 9 juillet 2021 et 16 mars 2023, la SARL Le Porteau Rouge, re

présentée par Me Ouvrard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903011 du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Porteau Rouge a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015.

Par un jugement n° 1903011 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 9 juillet 2021 et 16 mars 2023, la SARL Le Porteau Rouge, représentée par Me Ouvrard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903011 du tribunal administratif de Poitiers du 12 mai 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015 ;

3°) de prononcer l'annulation corrélative de l'avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2018 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur les conclusions à fin de décharge :

- le rachat de la créance litigieuse s'inscrit, de manière indissociable, dans une opération économique globale ; à l'issue de l'opération elle a acquis une participation immobilière significative dans l'enseigne " Max+ " ; en considérant que ce rachat n'a pas été réalisé dans l'intérêt de l'entreprise, le tribunal a commis une erreur de fait ;

- elle a retiré un avantage économique de cette opération dès lors qu'elle a investi dans un secteur d'avenir avec des perspectives de développement certaines ; en jugeant que cette opération constituait un acte anormal de gestion, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

- à titre subsidiaire, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, les parties pouvaient considérer que l'entrée de nouveaux magasins dans le groupe se traduirait par un renforcement des fonds propres de la SARL La Maison Neuve à moyen terme ; les éléments comptables ne permettent pas de critiquer la capacité de remboursement de la SARL La Maison Neuve ; ainsi, à la date de la cession, aucun élément ne permettait d'affirmer que la valeur réelle de la créance en compte courant serait différente de sa valeur nominale ;

Sur les pénalités :

- les majorations pour manquements délibérés ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 23 décembre 2021 et 21 mars 2023, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- dès lors qu'elle n'est assortie d'aucun moyen sur ce point, la requête est irrecevable en tant qu'elle conteste la part de la provision relative aux avances complémentaires consenties à la SARL La Maison Neuve pour soutenir les magasins exploités par ses filiales ;

- les moyens développés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Hababou représentant la SARL le Porteau Rouge.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Le Porteau Rouge a fait l'objet, du 10 mai au 28 juillet 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Par une proposition de rectification du 19 septembre 2017, l'administration fiscale a informé la SARL Le Porteau Rouge qu'elle envisageait de mettre à la charge de la société, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015 en raison de la réintégration dans son résultat d'une provision pour dépréciation d'un montant de 780 000 euros. Par un avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2018, les cotisations supplémentaires correspondantes ont été mises à la charge de la société pour un montant total, droits et pénalités compris, de 380 640 euros. Par courrier du 7 décembre 2018, la SARL Le Porteau Rouge a présenté une réclamation préalable, rejetée par courrier du 14 octobre 2019. Par la présente requête, la SARL Le Porteau Rouge relève appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge de cette imposition supplémentaire.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...)".

3. D'autre part, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

4. Par acte du 24 décembre 2014, la société Le Porteau Rouge, ayant une activité de holding, détenue à hauteur de 31,48 % par M. A..., qui en est le gérant, et 24,07 % par son épouse, le reste du capital étant détenu par leurs deux filles à parts égales, a acquis pour le prix de 2 euros les 240 parts que détenaient M. et Mme A... dans la société à responsabilité limitée Les Maisons Neuves, ayant une activité de courtage de valeurs mobilières et de marchandises, les 40% du capital restant détenu par leurs filles, à hauteur de 80 parts chacune. Par acte distinct du même jour, la société Le Porteau Rouge a acquis auprès de M. et Mme A... la créance de 718 211,05 euros que ceux-ci détenaient sur la société Les Maisons Neuves et inscrite à leur compte courant d'associé. A la fin de l'exercice clos en 2015, la société Le Porteau Rouge a constaté la dépréciation de cette créance par la comptabilisation d'une provision. Considérant que la SARL Le Porteau Rouge n'avait aucun intérêt commercial ou économique à acquérir cette créance sur une société insolvable avec laquelle elle n'entretenait aucune relation économique, commerciale ou financière, l'administration a qualifié cette opération d'acte anormal de gestion et a réintégré dans le résultat de l'entreprise ladite provision.

5. Il résulte de l'instruction que la société La maison Neuve, au titre des exercices clos en 2013 et 2014, affichait une trésorerie nulle, que son chiffre d'affaires était en diminution pour s'établir à 25 776 euros à la clôture de l'exercice 2014, que son résultat d'exploitation était très faible à la clôture de l'exercice 2013 et déficitaire à la clôture de l'exercice 2014 et que ses capitaux propres et sa capacité d'autofinancement s'établissaient à - 397 000 euros et - 113 591 euros à la clôture de l'exercice 2014. Il résulte également de l'instruction que ses deux filiales, la SARL Le Champ de Foire et la SARL Stock Plus, exploitant des magasins sous l'enseigne Max Plus, présentaient un résultat déficitaire pour les deux exercices clos en 2013 et 2014. Cette situation, qui compromettait sérieusement le recouvrement de la créance, était nécessairement connue de la société Le Porteau Rouge le jour du rachat de cette créance, date à laquelle elle a, par ailleurs, acquis, comme il a été dit, la majorité du capital de cette société pour le prix de 2 euros.

6. Si la société Le Porteau Rouge invoque son intérêt à acquérir les parts de la société Les Maisons Neuves en vue de contrôler le secteur d'activité des magasins et entrepôts exploités sous l'enseigne Max Plus, l'acquisition de la créance des associés ne constituait pas une condition mise à l'acte de vente des parts de la société et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le rachat de la créance aurait favorisé la prise de participation de la société Le Porteau Rouge au capital de la société Les Maisons Neuves ou au capital d'autres sociétés. Ainsi, et en l'absence d'éléments permettant de retenir des perspectives de développement de la société Les Maisons Neuves et le caractère conjoncturel invoqué de ses difficultés financières, la prise en charge par la société Le Porteau Rouge des dettes de sa filiale vis-à-vis de M. et Mme A... ne peut être regardée comme relevant d'une gestion normale. La société Le Porteau Rouge ne pouvait en conséquence constituer une provision pour constater le caractère douteux de la créance.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration.

8. Il résulte de l'instruction, comme il a été dit au point 5, que la société requérante, dont M. A... était le gérant, ne pouvait ignorer le caractère irrécouvrable de la créance qu'elle a rachetée, inscrite au compte créditeur des époux A... dans la société La Maison Neuve, pour un montant très important et au seul bénéfice de ces derniers. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a retenu une majoration de 40% prévue en cas de caractère délibéré des manquements.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'administration en défense, que la SARL Le Porteau Rouge n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires mises à sa charge pour l'année 2015.

Sur les frais liés au litige :

10. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1 : La requête de la SARL Le Porteau Rouge est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Porteau Rouge et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Héloïse B...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX02927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02927
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;21bx02927 ?
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