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28/06/2023 | FRANCE | N°23BX00880

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 23BX00880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300190 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 16 novembre 2022 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer M. A... un titre de séjour portant la

mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300190 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 16 novembre 2022 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour d'annuler le jugement n° 2300190 et de rejeter la demande de première instance de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif que M. A... avait prouvé son état de minorité lorsqu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ; le rapport établi par la cellule de fraude documentaire de la police de l'air et des frontières montre que l'acte de naissance et l'extrait d'acte de naissance produits par M. A... étaient des faux documents ; le fait que le jugement supplétif d'acte de naissance ait été regardé comme conforme par l'auteur du rapport précité ne suffit pas à établir la minorité de M. A... ;

- alors même que M. A... aurait produit des documents d'état civil non entachés de contrefaçons, il ne remplirait pas les autres conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour ; il n'a pas produit de relevés de notes attestant de son assiduité à sa formation pour l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle comme maçon ; l'avis de la structure d'accueil a souligné qu'il rencontrait des difficultés pour apprendre et comprendre le français ; il n'est pas isolé au Mali où vivent sa mère et sa sœur et il n'est pas démontré qu'il n'entretiendrait plus de contact avec ces dernières.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, M. C... A..., représenté par Me Lassort, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de la Gironde la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les observations de Mme D..., représentant le préfet de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien qui serait né le 10 novembre 2003, déclare être entré sur le territoire français en février 2019 à l'âge de quinze ans. Par un jugement du 18 septembre 2019, le juge des enfants près le tribunal judiciaire de Bordeaux a confié M. A... au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde. A sa majorité et jusqu'au 9 mai 2022, il a bénéficié d'une prise en charge par le département dans le cadre d'un contrat d'accompagnement en tant que jeune majeur. Le 24 mars 2022, M. A... a déposé en préfecture de Gironde une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 novembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. A la demande de M. A..., le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement rendu le 23 mars 2023, annulé l'arrêté du 16 novembre 2022 et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Gironde relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...) l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a notamment produit, afin d'établir sa minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, un acte de naissance, un extrait d'acte de naissance E... ainsi qu'un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal civil de la commune V du 21 janvier 2019. Selon les analyses de la cellule " Fraude Documentaire et à l'identité " de la direction de la police aux frontières de Bordeaux consignées dans un rapport du 30 juin 2022, l'acte de naissance comporte plusieurs anomalies de forme montrant que ce document ne provient pas d'un registre d'état civil sécurisé et qu'il constitue un faux document dont les indications ne reflètent pas l'identité réelle de la personne. En revanche, les auteurs du rapport ont estimé que le jugement supplétif d'acte de naissance présentait toutes les caractéristiques d'un acte conforme et ont ainsi émis un " avis favorable " à ce document. Par ailleurs, s'il est constant que la préfète de la Gironde a signalé à la procureure de la République près le tribunal judicaire de Bordeaux, par un courrier du 14 novembre 2022, une fraude à l'identité, elle ne produit aucun élément relatif aux suites données à ce signalement. Dans ces conditions, eu égard au jugement supplétif produit, l'administration ne peut être regardée comme établissant que la demande de titre de séjour de M. A... serait entachée de fraude à l'identité. Dès lors, la préfète de la Gironde ne pouvait légalement rejeter la demande dont elle était saisie au motif que M. A... ne justifiait pas de son état civil.

5. Toutefois, il résulte également des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le titre de séjour est délivré sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie par l'étranger, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a suivi, au cours de l'année scolaire 2020/2021, en classe de seconde au lycée Polyvalent Victor Louis à Talence, une scolarité marquée, ainsi qu'en attestaient alors ses bulletins de note, par ses difficultés dans la compréhension et l'apprentissage du français. L'attestation de compétences " élèves des dispositifs fonds social européen " établie le 30 juin 2021 par le chef d'établissement souligne un certain nombre d'acquis " fragile " et " insuffisant " chez M. A... en français, en mathématiques ainsi qu'en histoire-géographie et éducation morale et civique. Il ressort des pièces du dossier que M. A... suit, depuis l'année scolaire 2021/2022, une formation pour obtenir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en maçonnerie auprès du centre de formation des apprentis (BTP CFA) de Gironde Blanquefort et qu'il a signé un contrat en apprentissage avec l'entreprise FBJ Construction valable du 25 mai 2021 au 31 juillet 2024. Il a, dans ce cadre, fait l'objet de plusieurs rapports de sa structure d'accueil des 18 octobre 2021, 22 avril 2022 et 6 octobre 2022 qui ont tous relevé ses difficultés d'apprentissage et de compréhension du français en dépit de quelques progrès. En particulier, le rapport du 22 avril 2022 note que les " retours " du CFA quant aux aptitudes de M. A... à communiquer oralement et à s'intégrer dans l'équipe de travail " peuvent être mitigés " tandis que le rapport du 6 octobre 2022 confirme la nécessité pour l'intéressé de continuer à bénéficier d'un accompagnement socio-éducatif pour progresser dans l'acquisition du français, acquérir les codes sociaux de la société française et favoriser son autonomie dans la gestion de son quotidien. Ainsi, près de trois ans après son entrée sur le territoire français, M. A... persiste à éprouver des difficultés de communication qui sont un frein à la réussite de la formation qu'il suit et à son insertion dans la société française. Par ailleurs, il est constant que M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et sa sœur.

7. Dans ces circonstances, il résulte de ce qui précède que la préfète de la Gironde aurait pris la même décision de refus si elle avait fondé son appréciation sur le seul motif tiré des difficultés rencontrées par M. A... dans sa formation, des liens que celui-ci a conservés avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil relatif à son insertion en France.

8. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en litige après avoir jugé que la préfète de la Gironde avait méconnu les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

Sur les autres moyens de première instance :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

10. Par un arrêté n° 33-2022-10-05-0001 du 5 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde et librement consultable sur le site internet de la préfecture, la préfète a donné délégation à M. B..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, notamment, toutes décisions en matière de droit au séjour relevant des livres II, IV et III (partie législative et réglementaire) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en matière d'éloignement, toute décision décisions prises en application des livres II, IV, V, VI, VII et VIII (partie législative et réglementaire) du même code. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'exercice de cette délégation n'est pas subordonné à l'absence ou à l'empêchement du préfet ou du secrétaire général de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

11. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.

12. En l'espèce, il appartenait à M. A..., à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il estimait devoir être admis au séjour et de produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Par ailleurs, il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile quant à sa situation. Dès lors, la seule circonstance que M. A... n'ait pas été invité par la préfète de la Gironde à formuler des observations avant le refus de l'admettre au séjour n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu.

13. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger n'obligent pas le préfet à saisir les autorités étrangères en cas de doute sur l'authenticité des documents d'état civil d'un étranger présentant une demande de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète n'a pas fait procéder à des vérifications auprès des autorités maliennes est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

14. En troisième lieu, la décision contestée du 16 novembre 2022 retrace les conditions d'entrée et de séjour en France de M. A... et les raisons pour lesquelles, à la suite du rapport de la police aux frontières, les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de titre ont été considérés comme non probants. En outre, l'arrêté rappelle les différents dispositifs d'accompagnement dont M. A... a bénéficié depuis son entrée sur le territoire français, puis précise que ce dernier ne peut être regardé comme ayant le centre de ses intérêts privés, familiaux en France où il ne séjourne pas depuis un temps suffisamment long alors qu'il possède des attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans et où résident sa mère et sa sœur. Ainsi, l'autorité préfectorale, qui n'était pas tenue de mentionner l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. A..., a fait état de considérations suffisantes pour permettre à ce dernier de comprendre et de contester la décision en litige. La motivation ainsi retenue révèle par ailleurs que la préfète a procédé à un examen suffisamment circonstancié de la situation personnelle de M. A... avant de prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation et de l'absence d'examen réel et sérieux doit être écarté.

15. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

16. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... séjournait depuis trois ans environ sur le territoire français. Ainsi qu'il a été dit, si M. A... a entamé une scolarité en lycée puis suivi une formation au centre de formation des apprentis (CFA BTP) de Bordeaux Blanquefort, son cursus de formation a été rendu plus difficile par les problèmes de compréhension et d'apprentissage du français qu'il a rencontrés et qui ont été encore soulignés par sa structure d'accueil dans son dernier rapport du 6 octobre 2022. Plus généralement, M. A... est célibataire sans enfant et ne fait état d'aucun lien privé sur le territoire français présentant un caractère stable, ancien et intense alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans et dans lequel résident sa mère et sa sœur. La circonstance qu'il ait travaillé sur le territoire français, ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaires couvrant la période de juillet 2021 à octobre 2022, n'est pas suffisante pour permettre d'estimer qu'il aurait noué en France des liens privés suffisants. Enfin, M. A... pourra mettre en œuvre dans son pays d'origine les compétences qu'il a pu acquérir à la suite de sa formation. Dans ces conditions, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi qu'il a été dit au point 12, il appartenait à M. A..., à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il estimait devoir être admis au séjour et de produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, et il lui était loisible au cours de l'instruction de sa demande de faire valoir toute observation complémentaire utile. Dans ces conditions, le droit d'être entendu n'imposait pas à la préfète de mettre M. A... à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Le moyen soulevé doit ainsi être écarté.

18. En deuxième lieu, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 14, ce refus est lui-même motivé et procède d'un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen doit être écarté.

19. En troisième lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.

20. En quatrième lieu, il résulte du point 16 ci-dessus que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 16 novembre 2022 en litige et lui a prescrit de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, ce jugement doit être annulé et la demande de première instance de M. A... doit être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions de M. A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 2300190 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel présentés par M. A... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A.... Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00880

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00880
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LASSORT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;23bx00880 ?
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