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28/06/2023 | FRANCE | N°23BX00513

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 23BX00513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour après le rejet de sa demande d'asile, a refusé de lui renouveler son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugem

ent n° 2204209 du 31 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour après le rejet de sa demande d'asile, a refusé de lui renouveler son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2204209 du 31 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2204209 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; à défaut d'enjoindre au préfet de se prononcer de nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient, en ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble, que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé.

Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :

- cet arrêté méconnaît son droit à une vie privée et familiale en France garanti par les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui ouvre droit à une admission exceptionnelle au séjour ;

- cet arrêté est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :

- dès lors qu'il a un droit au séjour en France, l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise à son encontre ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour en Turquie ; il appartient à la minorité kurde et s'est engagé dans des actions politiques en Turquie.

Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :

- cette décision est insuffisamment motivée au regard des critères que le préfet doit prendre en compte avant de se prononcer ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc né le 2 janvier 2003, est entré irrégulièrement sur le territoire français en octobre 2021. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OPFRA) du 25 janvier 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 juillet 2022. La préfète de la Gironde a pris à l'encontre de M. B... un arrêté du 13 juillet 2022 portant refus d'admission au séjour, refus de renouvellement de l'attestation de demandeur d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022. Il relève appel du jugement rendu le 31 octobre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

2. L'arrêté en litige indique que M. B... est entré en octobre 2021 sur le territoire français où il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA. Il précise que M. B... est célibataire et sans charge de famille, qu'il n'a fait valoir aucun élément établissant son intégration en France, et qu'il ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine où il n'est pas établi qu'il serait dans l'impossibilité de se réinsérer socialement alors qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans. La préfète de la Gironde, qui a ainsi indiqué avec une précision suffisante les conditions de séjour en France de M. B..., en a conclu que sa décision ne portait pas atteinte disproportionnée au droit de ce dernier à une vie privée et familiale. Par ailleurs, l'arrêté en litige indique que M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée, n'établit pas être exposé à des peines ou à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, après avoir visé l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Gironde a édicté à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français en tenant compte, ainsi qu'il ressort des motifs de la décision, de son entrée récente en France et de ce qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec ce pays, sans retenir que l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public et aurait fait l'objet, par le passé, d'une mesure d'éloignement. Cette motivation atteste ainsi de la prise en compte par l'autorité préfectorale, au vu de la situation de M. B..., des critères prévus par la loi pour l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde a suffisamment motivé les décisions contenues dans son arrêté du 13 juillet 2022 en litige. Cette motivation révèle enfin qu'il a été procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... justifiait d'une présence sur le territoire français de neuf mois seulement à la date de l'arrêté en litige. Célibataire et sans charge de famille, il ne justifie pas avoir noué des liens privés ou familiaux particuliers en France où il a séjourné durant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, laquelle a été rejetée. Par ailleurs, M. B... n'apporte aucun élément permettant d'estimer qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a séjourné jusqu'à l'âge de 18 ans. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'a pas non plus méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement soutenir que l'arrêté lui refusant un titre de séjour serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que, ayant droit au séjour sur le territoire français, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Si M. B... soutient qu'il appartient à la minorité kurde, qu'il s'est engagé en faveur du parti d'opposition HDP (parti démocratique des peuples) et a refusé d'effectuer en Turquie son service militaire, il n'apporte aucun élément précis et probant au soutien de ses allégations, alors qu'au demeurant tant l'OFPRA que la CNDA ont rejeté sa demande d'asile. Ainsi, faute pour M. B... d'établir qu'il serait personnellement exposé à des risques pour sa sécurité personnelle en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...) l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au préfet, s'il entend assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire dans un délai déterminé, d'une interdiction de retour sur le territoire de prendre en considération les quatre critères énumérés par l'article précité que sont la durée de présence sur territoire de l'intéressé, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et les circonstances, le cas échéant, qu'il ait fait l'objet d'une ou plusieurs précédentes mesures d'éloignement et que sa présence constitue une menace pour l'ordre public.

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la brève durée de présence de M. B... en France, où il est entré en octobre 2021, n'a été rendue possible que par l'instruction de sa demande d'asile. Il résulte également de ce qui précède, notamment du point 4 du présent arrêt, que M. B... ne justifie pas de liens privés ou familiaux particuliers sur le territoire français. Par suite, et alors même que M. B... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde a pu légalement édicter à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.

13. En second lieu, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions de l'appelant tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00513 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00513
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;23bx00513 ?
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