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28/06/2023 | FRANCE | N°23BX00254

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 23BX00254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2205246 du 8 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. A... C..., représenté par M

e Lassort, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2205246 du 8 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. A... C..., représenté par Me Lassort, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 décembre 2022 ;

3°) d'annuler cet arrêté de la préfète de la Gironde du 19 septembre 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une attestation de demande d'asile l'autorisant à séjourner sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de le mettre, dans l'attente, en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ; elle révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur quant à la matérialité des faits et d'une erreur d'appréciation ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 621-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les nouveaux éléments produits à l'appui de sa demande de réexamen de sa demande d'asile qui démontrent l'actualité de la menace à laquelle il est exposé en cas de retour en Turquie, constituant une circonstance humanitaire faisant obstacle à la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français dont il fait l'objet, et ce alors qu'il a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile pour contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 27 juillet 2022 rejetant sa demande de réexamen ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à sa durée de présence en France alors qu'il réside depuis 2019, qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît le droit au maintien sur le territoire national lors de l'examen de la demande d'asile et le droit au recours effectif, garantis par la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par une décision n° 2022/018447 du 16 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant turc né le 22 octobre 1995, déclare être entré en France le 24 octobre 2019. Il a présenté une première demande d'asile le 11 décembre 2019. Par une décision du 20 octobre 2021, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 mars 2022. Par un arrêté du 19 avril 2022, la préfète de la Gironde a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 7 juillet 2022, M. C... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Statuant en procédure accélérée, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande comme irrecevable par une décision du 27 juillet 2022. Par un arrêté du 19 septembre 2022, la préfète de la Gironde a fait interdiction à M. C... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet. Par un jugement du 8 décembre 2022 dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 septembre 2022.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 16 mars 2023, postérieure à l'enregistrement de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... le 15 décembre 2022. Il s'ensuit que les conclusions du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Si, au point 9 de son jugement, le magistrat désigné a mentionné, à tort, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an alors que le préfet a fixé la durée de cette mesure à deux ans, cette erreur de plume n'a pas, en l'espèce, exercé une influence sur le jugement de l'affaire.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

5. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

6. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

7. En l'espèce, la décision attaquée du 19 septembre 2022 par laquelle la préfète de la Gironde a fait interdiction à M. C... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise en outre que l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'éloignement datée du 19 avril 2022, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire après l'expiration du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé, qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français après le rejet de la demande de réexamen de sa demande d'asile le 27 juillet 2022 et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, après avoir rappelé la date d'entrée en France du requérant, le 24 octobre 2019. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit au point précédent, que la préfète de la Gironde aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C....

9. En troisième lieu, il est constant que M. C... n'a pas exécuté dans le délai de trente jours qui lui était imparti la mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 avril 2022 et qui est devenue définitive faute d'avoir été contestée. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le caractère récent du séjour en France de M. C..., entré sur le territoire national le 24 octobre 2019, ne s'est provisoirement justifié que par l'instruction de sa demande d'asile. Par ailleurs, le requérant ne se prévaut d'aucun lien particulier ni d'aucune insertion dans la société française. Si M. C... se prévaut des nouvelles pièces, qui démontreraient l'actualité de la menace à laquelle il serait exposé en cas de retour en Turquie, ces éléments qui ont été produits à l'appui de sa demande de réexamen par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides de sa demande d'asile, ne sauraient caractériser une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ne constitue pas davantage une circonstance humanitaire le fait que le requérant a formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision du 27 juillet 2022 rejetant cette demande de réexamen. Dans ces conditions, et alors même que M. C... ne représente pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

10. En dernier lieu, M. C... qui n'a pas contesté la mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 avril 2022 à la suite du rejet de sa demande d'asile par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 20 octobre 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 mars 2022, ne peut utilement invoquer la méconnaissance du droit au maintien sur le territoire français lors de l'examen de la demande d'asile et du droit à un recours effectif, garantis par la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, à l'encontre de la décision litigieuse qui a pour seul objet de lui faire interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et ne lui refuse pas, contrairement à ce qui est soutenu, la délivrance d'une attestation de demande d'asile. Il s'ensuit que la circonstance que le requérant a déposé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'office du 27 juillet 2022 rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et relatives aux frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'admission de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Lassort et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

Anthony B...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX00254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00254
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LASSORT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;23bx00254 ?
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