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28/06/2023 | FRANCE | N°22BX02838

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 22BX02838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2200371 du 14 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces (non communiquées), enregistrées le 9 novembre 2022 et le 5 juin 2023, Mme E..., représentée par Me Guyon, demande à la cour :
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2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2200371 du 14 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces (non communiquées), enregistrées le 9 novembre 2022 et le 5 juin 2023, Mme E..., représentée par Me Guyon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la maladie psychiatrique dont elle souffre ne peut pas être soignée dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du même code, dès lors que sa fille souffre d'un trouble autistique grave qui ne peut pas être soigné dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation particulière justifie son admission exceptionnelle au séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, compte-tenu de la nécessité du maintien de la prise en charge des soins de sa fille en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la décision contestée ne concerne qu'un refus de titre de séjour et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par la requérante a été rejetée par décision du 24 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E..., ressortissante géorgienne, est entrée en France le 19 avril 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 avril 2019. Sa demande d'admission au séjour en qualité de parent d'enfant malade a été refusée par un arrêté du 5 mai 2020 portant également obligation de quitter le territoire français. Le 21 juin 2021, elle a sollicité auprès des services de la préfecture de la Gironde son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 décembre 2021 la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité :

2. Les conclusions de la requête dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sont irrecevables, dès lors que l'arrêté contesté se borne à refuser l'admission au séjour de la requérante.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Mme E... soutient que le jugement attaqué comporte une omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit que les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions posées à l'article L. 425-9 du même code peuvent bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour. Toutefois, dès lors que la requérante n'allègue ni n'établit avoir présenté une demande d'admission au séjour sur ce fondement, elle ne pouvait utilement se prévaloir de la méconnaissance par la préfète de la Gironde de cette disposition. Par suite, en s'abstenant de répondre à un moyen inopérant, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, au soutien des moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et a été pris sans examen particulier de sa situation, la requérante ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal et ne se prévaut en appel d'aucun élément de droit ou de fait nouveau. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. Par un avis du 31 août 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale mais que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

8. Pour remettre en cause la décision en litige fondé notamment sur l'avis précité, la requérante produit une attestation du 21 avril 2021 et indique qu'elle est prise en charge par un médecin psychiatre de l'équipe de soins mobile de " psychiatrie précarité " du centre hospitalier Charles Perrens. Ce faisant, elle n'apporte cependant aucun élément susceptible d'établir que le défaut de prise en charge de son affection, dont elle ne précise pas la nature, serait d'une exceptionnelle gravité, la circonstance alléguée selon laquelle les structures de soins de son pays d'origine, la Géorgie, ne seraient pas adaptées étant sans incidence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".

10. Mme E... soutient que ses deux enfants C... et B... sont scolarisés en France depuis quatre ans, que sa fille C..., atteinte de troubles autistiques, est intégrée dans un protocole de soins et que son concubin exerce des activités bénévoles et suit des cours de français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, entrée sur le territoire en 2018, ne justifie pas d'une ancienneté de séjour particulière en France, où elle se maintient avec M. D... en dépit d'une obligation de quitter le territoire français prononcée le 5 mai 2020 à leur encontre. Sans domicile fixe et sans ressources en France, elle ne justifie d'aucune insertion particulière, alors qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans en Géorgie, pays où résident ses parents et la totalité de sa fratrie et où elle pourra reconstituer une cellule familiale avec M. D..., son époux de même nationalité, et leurs enfants. En outre, si elle soutient que sa fille ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie, le rapport de l'OSAR du 20 juin 2020 dont elle fait état, qui mentionne les carences du système de soins psychothérapeutiques dans ce pays ne permet pas, eu égard à son caractère général, d'établir la réalité d'une telle carence. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'Elizabedi suivrait un traitement médicamenteux à la date de la décision attaquée. Enfin, la requérante n'établit pas que l'état de santé de sa fille se serait aggravé, ni que la disponibilité des soins en Géorgie se serait détériorée depuis le 8 août 2019, date du dernier avis par lequel le collège des médecins de l'OFII avait estimé que l'état de santé C... nécessitait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner à son égard des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, la préfète de la Gironde n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a pris sa décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, Mme E..., n'établit pas que la préfète de la Gironde aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ni qu'elle aurait dû l'admettre ai séjour à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

13. Ainsi qu'il a été énoncé précédemment, la requérante n'établit pas que sa fille ne pourra bénéficier en Géorgie d'un traitement approprié, étant observé que la situation précaire de l'intéressée en France entrave les soins qui lui sont prodigués, selon une attestation d'un médecin du centre médico psychologique de Villenave d'Ornon. Par ailleurs, ses deux enfants pourront être scolarisés en Géorgie, pays dont ils ont la nationalité et dont ils parlent la langue. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2021. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, d'astreinte et de versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à Me Guyon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Florence Demurger La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02838
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : GUYON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;22bx02838 ?
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