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27/06/2023 | FRANCE | N°23BX00174

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 juin 2023, 23BX00174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

Il a également demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le préfet de la

Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours et a abrogé l'arrêté du 30 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

Il a également demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le préfet de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours et a abrogé l'arrêté du 30 novembre 2022 par lequel il l'avait assigné à résidence pour une durée de 180 jours.

Par un jugement n° 2202950, 230011 du 6 janvier 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour devant une formation collégiale et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 21 novembre 2022, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du préfet de la Vienne du 2 janvier 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté du 21 novembre 2022 :

- sa demande n'était pas tardive ; la mention des voies et délais de recours portée sur l'arrêté du 21 novembre 2022 ne lui permettaient pas de savoir qu'il pouvait former un recours par d'autres moyens que la voie postale, et ne comporte notamment pas la mention de la possibilité de saisir la juridiction par Télérecours citoyen ou de celle de contacter l'ordre des avocats ; ni le courriel, ni le numéro de fax de la juridiction ou encore l'existence d'un horodateur ne sont mentionnés ; son recours a été envoyé le 26 novembre 2022 à 9h34, soit dans le délai de 48 heures ; il n'a pas été mis en mesure d'exercer de manière effective son droit au recours ;

- cet arrêté méconnaît l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il vit en France depuis qu'il a un an avec son père et ses frères, sa mère étant aujourd'hui décédée ;

- le préfet de la Vienne a méconnu l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant sa situation personnelle ; il ne saurait sérieusement remettre en cause sa présence sur le territoire français et ses liens avec son père et ses frères ;

- cet arrêté méconnaît l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de 13 ans, justifie d'une scolarité réussie, et bénéficie d'une promesse d'embauche ;

- son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; il n'a fait l'objet que d'une seule condamnation ;

- cet arrêté méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il en va de même concernant l'arrêté du 3 janvier 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 21 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 3 août 2004, entré sur le territoire français en 2005 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-21 et L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans. Par un arrêté du 30 novembre 2022, le préfet de la Vienne l'a assigné à résidence pour une durée de 180 jours. Enfin, par un arrêté du 3 janvier 2023, le préfet de la Vienne a abrogé l'arrêté du 30 novembre 2022 et a assigné M. A... à résidence pour une durée de 45 jours. M. A... relève appel du jugement du 6 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour à une formation collégiale et a rejeté le surplus de ses demandes.

2. En premier lieu, le tribunal administratif de Poitiers a d'une part, renvoyé les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour à une formation collégiale, et, d'autre part, considéré que la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2022, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers au-delà d'un délai de quarante-huit heures, était irrecevable.

3. Aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ". Et aux termes de l'article L. 614-6 de ce code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ". Et aux termes de l'article L. 614-15 du même code : " Les dispositions des articles L. 614-4 à L. 614-6 sont applicables à l'étranger détenu (...) ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 776-2 de ce code : " (...) II.- Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code ". Et aux termes de l'article R 776-5 du même code : " (...) II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) Le requérant qui, dans le délai de quarante-huit heures ou de quinze jours selon les cas, a demandé l'annulation de l'une des décisions qui lui ont été notifiées simultanément peut, jusqu'à la clôture de l'instruction, former des conclusions dirigées contre toute autre de ces décisions ".

5. Il résulte de ces dispositions que les requêtes dirigées contre une décision d'obligation de quitter le territoire sans délai, et les décisions qui l'accompagnent le cas échéant, doivent être présentées au greffe du tribunal, pour y être enregistrées, dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêté comportant cette décision. Ce délai de quarante-huit heures, qui n'est pas un délai franc, se décompte d'heure à heure et n'est susceptible d'aucune prorogation. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 21 novembre 2022 a été notifié à M. A... le 25 novembre suivant à 14h25 et accompagné d'une information mentionnant les délais et voies de recours contre cette décision. La demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif que le 28 novembre 2022, soit après l'expiration du délai de quarante-huit heures prévu par le II de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. La circonstance que l'information concernant les voies et délais de recours indiquait que le recours devant la juridiction administrative devait être formé " par écrit " permettait à l'intéressé de comprendre sans ambiguïté que ce recours pouvait être formé par d'autres moyens que la voie postale, alors même qu'il n'était pas expressément mentionné que la juridiction pouvait être saisie par fax, par courriel, par la voie de Télérecours citoyen, ou encore qu'il était possible de se déplacer au tribunal administratif et de faire constater le jour et l'heure du dépôt grâce à un horodateur. A cet égard, la mention de l'adresse du tribunal administratif de Poitiers avec l'indication du numéro de boîte postale et la mention " Cedex ", qui correspond d'ailleurs à l'adresse mentionnée sur le site Internet de cette juridiction, ne peut être regardée comme impliquant que seul un recours par voie postale était possible. Le requérant ne saurait davantage utilement soutenir qu'il n'était pas indiqué qu'il pouvait contacter l'ordre des avocats, cette mention n'étant pas obligatoire.

7. En outre, il résulte des termes mêmes du II de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-5 du code de justice administrative que le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai ne peut demander l'annulation de cette décision au président du tribunal administratif que dans un délai de quarante-huit heures, la circonstance qu'un samedi, un dimanche ou un jour férié est compris dans le cours de ce délai n'ayant pas pour effet de l'interrompre ou de le suspendre. Si M. A... fait valoir que les conditions dans lesquelles lui a été notifié l'arrêté litigieux, soit la veille d'un week-end à 14h25, alors que la dernière levée du courrier est à 15 heures, l'auraient privé de son droit effectif au recours, l'information concernant les voies et délais de recours indiquait qu'il était possible au requérant de déposer son recours auprès du greffe du centre pénitentiaire. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'a pas été empêché de présenter un recours en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que les circonstances invoquées par M. A... ne sont pas de nature à établir que le délai de recours de quarante-huit heures ne lui était pas opposable. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2022 comme irrecevable.

9. En second lieu, si M. A... a entendu soulever la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester l'arrêté du 2 janvier 2023 portant assignation à résidence pour une durée de 45 jours, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes concernant cette mesure pour en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 novembre 2022 et du 2 janvier 2023. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00174 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00174
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-27;23bx00174 ?
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