Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI La Rotonde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler deux arrêtés du 13 novembre 2019 et du 15 juillet 2020 par lesquels le maire de la commune de Lège-Cap-Ferret s'est opposé à des déclarations préalables déposées en vue de travaux de rénovation sur une construction située 1 place de la Liberté.
Par un jugement n°1906192, 2004072 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, et un mémoire récapitulatif non communiqué, enregistré le 9 février 2023, la SCI La Rotonde, représentée par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 mars 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler les arrêtés du 13 novembre 2019 et du 15 juillet 2020 du maire de Lège-Cap-Ferret ;
3°) d'enjoindre à la commune de Lège-Cap-Ferret de lui délivrer une décision expresse de non-opposition aux travaux sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ce jugement est insuffisamment motivé s'agissant des motifs de droit et de fait qui ont conduit les juges à considérer que le changement de destination intervenu dans les années 1970 était soumis à un permis de construire ou à une autorisation d'urbanisme ;
- il est entaché de dénaturation et d'une erreur dans la charge de la preuve s'agissant de la date du changement de destination et de son caractère concomitant avec la modification des façades ;
- aucune pièce ne permet d'établir que le changement de destination serait intervenu après le 1er janvier 1977, ni que le changement de destination serait concomitant de la modification des façades, ni que, à cette date, la population communale était supérieure à 2 000 habitants et que ce secteur de la commune ne correspondait pas à un hameau ; ainsi, il n'est pas démontré que ce changement de destination était soumis à permis de construire ;
- dès lors que l'acte d'acquisition suggérait que le bien avait été régulièrement édifié, il ne peut être exigé d'elle qu'elle prouve que le précédent propriétaire avait obtenu un permis de construire ou en était dispensé ; c'est à la commune, qui dispose des archives et qui pouvait engager des procédures en cas de méconnaissance des textes, de supporter la charge de la preuve d'une éventuelle irrégularité ;
- si le changement de destination est intervenu avant le 1er janvier 1977, il est régulier et la régularisation des seuls travaux de façade relèverait d'une simple déclaration préalable au regard des dispositions actuelles du code de l'urbanisme, ainsi les refus en litige sont entachés d'erreur de droit ;
- les conditions sont remplies pour bénéficier des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, c'est à la commune qu'il appartient de prouver la date d'achèvement des travaux ;
- la compétence du signataire de ces décisions n'est pas établie au regard de l'imprécision et du caractère trop général de cette délégation ; la compétence liée n'est pas établie ;
- ces décisions sont insuffisamment motivées en l'absence de précision sur la date de changement de destination et des travaux, ce qui ne permet pas de justifier que le projet relèverait du permis de construire ;
- dès lors que les travaux sollicités sont conformes aux dispositions du plan local d'urbanisme et aux prescriptions du plan de prévention des risques, les conditions sont remplies pour qu'il soit rejoint à la commune de lui délivrer l'autorisation demandée.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2023, la commune de Lège-Cap-Ferret, représentée par le cabinet HMS Atlantique avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI La Rotonde sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- les observations de Me Cazamajour, représentant la SCI La Rotonde et de Me Cordier-Amour, représentant la commune de Lège-Cap-Ferret.
Une note en délibéré présentée par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, pour la SCI La Rotonde a été enregistrée le 2 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI La Rotonde a acquis en 2017 un immeuble situé 1 place de la Liberté à Lège-Cap-Ferret, pour lequel elle a déposé en 2018 des déclarations de travaux en vue de la modification et de la rénovation des façades qui ont fait l'objet de deux premiers refus du 17 avril et du 2 juillet 2018. À la suite d'un procès-verbal d'infraction dressé le 28 février 2019 constatant la réalisation de travaux non autorisés, le maire de Lège-Cap-Ferret a ordonné, au nom de l'État, par arrêté daté du 26 avril 2019, l'interruption immédiate des travaux. La SCI a alors déposé le 10 octobre 2019, une nouvelle déclaration préalable de travaux visant à " rénover divers éléments de façade, remettre l'immeuble aux normes et changer les menuiseries extérieures ", à laquelle le maire s'est opposé par arrêté du 13 novembre 2019. Par arrêté du 15 juillet 2020, le maire de la commune s'est opposé à une nouvelle déclaration du 18 juin 2020 ayant le même objet. La SCI La Rotonde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler ces deux arrêtés des 13 novembre 2019 et 15 juillet 2020. Elle relève appel du jugement du 4 mars 2021 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la régularité :
2. En premier lieu, il résulte des motifs figurants au point 7 du jugement attaqué qu'après avoir cité les textes applicables avant et après le 1er janvier 1977, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que la SCI Mimbeau a, après son acquisition, en 1976, transformé cet immeuble en appartements destinés à l'habitation principale par des travaux, qui ont affecté l'aspect extérieur de la construction et ses façades et qui n'ont jamais été autorisés, alors que ces travaux étaient soumis, quelle que soit la date à laquelle ils ont été effectués, et quelle que soit la date de changement d'affectation de l'immeuble, à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme. Ce faisant les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à la totalité des arguments avancés par la SCI La Rotonde, ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de ce que le changement de destination n'était pas soumis à une autorisation d'urbanisme au regard de sa date et de ses conditions d'intervention. Par suite, la SCI La Rotonde n'est pas fondeé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité de ce fait.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier par les premiers juges ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Si la requérante a entendu, en invoquant une telle dénaturation, contester l'analyse faite par les premiers juges des pièces produites par la commune, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Il en est de même du moyen tiré d'une erreur dans le maniement de la charge de la preuve.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ;(...) ". Aux termes de l'article R. 151-27 du même code : " Les destinations de constructions sont : (...) ; 2° Habitation ; 3° Commerce et activités de service ; (...) ". Aux termes de l'article R. 151-28 du même code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (...) 2° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ; 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ; (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 1977 : " Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire. (....) Le même permis est exigé pour les modifications extérieures apportées aux constructions existantes, les reprises de gros-œuvre et les surélévations. Toutefois, dans les communes de moins de 2.000 habitants et, hors des périmètres d'agglomérations, dans les hameaux et pour les bâtiments isolés, l'aménagement des constructions existantes qui n'a pas pour but d'en modifier les volumes extérieurs et la destination n'est pas soumis à la délivrance d'un permis de construire. La demande de permis est, dans ce cas, remplacée par une déclaration préalable en mairie. (...) ". Aux termes de ce même article dans sa rédaction applicable entre le 1er janvier 1977 et le 19 juillet 1985 : " Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire. (...) Le même permis est exigé pour les travaux exécutés sur les constructions existantes, lorsqu'ils ont pour effet d'en changer la destination, de modifier leur aspect extérieur ou leur volume de créer des niveaux supplémentaires. ". Il résulte de ces dispositions que le changement de destination n'était soumis à une obligation d'obtenir un permis de construire que lorsqu'il intervenait à l'occasion de nouveaux travaux effectués sur le bâtiment existant.
6. Enfin aux termes de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables :(...) 5° Lorsque la construction a été réalisée sans qu'aucun permis de construire n'ait été obtenu alors que celui-ci était requis (...) ".
7. Lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination. Il en va ainsi de même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier d'après les règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision. Elle doit tenir compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, qui prévoient, dans leur version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2019, la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l'occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n'aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables.
8. Les décisions d'oppositions à déclarations préalables du maire de Lège-Cap-Ferret sont fondées sur le motif tiré de ce que, en l'absence de toute demande d'autorisation d'urbanisme de nature à régulariser les travaux ayant pour objet les changements de destination réalisés antérieurement, les travaux objets de la déclaration préalable de modification des façades de la construction existante s'accompagnaient d'un changement de destination et devaient donc faire l'objet d'un permis de construire.
9. En premier lieu, il est constant que la construction en litige a été édifiée dans les années 1950 et était initialement occupée par un hôtel-restaurant. Il ressort par ailleurs de l'acte de vente de l'immeuble par la gérante de cet hôtel à la SCI Mimbeau daté du 16 mars 1976 que la SCI Mimbeau avait pour projet, après son acquisition, de transformer cet immeuble en appartements destinés à l'habitation principale. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des photographies d'archives du bâtiment et des plans joints à la déclaration préalable déposée par la société requérante le 23 février 2018 ainsi que de cartes postales d'époque représentant l'établissement, que les travaux de division du bâtiment en plusieurs logements en vue de son changement d'affectation ont nécessairement modifié l'aspect extérieur de la construction et ses façades. En outre, il ressort également de ces éléments qu'au regard de sa localisation, le bâtiment n'entrait pas dans le champ des exceptions prévues par l'article L. 421-1 dans sa version applicable avant le 1er janvier 1977 pour les constructions édifiées dans les communes de moins de 2 000 habitants, les hameaux et les bâtiments isolés. Ainsi, quelle que soit la date à laquelle ils sont intervenus, les travaux réalisés étaient nécessairement soumis à la délivrance d'un permis de construire. Or, alors que la commune de Lège-Cap-Ferret indique qu'elle n'a pas trouvé trace d'une telle demande dans ses archives, la requérante, en se bornant à soutenir que la date des travaux et du changement de destination ainsi que leur concomitance ne sont pas établis, que le changement de destination est antérieur au 1er janvier 1977, que la destination d'habitation figure sur les actes de vente de 2014 et 2017 et qu'elle est assujettie à la taxe d'habitation et à la taxe foncière, n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'un permis de construire n'était pas requis à la date du changement de destination, ni que le bâtiment situé sur la parcelle d'assiette du projet avait, antérieurement à la demande de permis de construire, une destination à usage d'habitation. Par ailleurs, la circonstance que la commune aurait nécessairement eu connaissance de la destination d'habitation du bâtiment sans avoir engagé d'action à l'encontre des précédents propriétaires n'est pas de nature à établir que le changement de destination ne nécessitait pas de permis de construire, ni à régulariser la situation de la construction. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les demandes déposées par la SCI La Rotonde le 10 octobre 2019 et le 18 juin 2020 devaient porter sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination et prendre la forme, en application des dispositions précitées de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, d'une demande de permis de construire.
10. En deuxième lieu, dès lors que les travaux litigieux ont été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ces arrêtés sont entachés d'erreur de droit en l'absence de prise en compte de la prescription de 10 ans prévue par les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme.
11. En troisième lieu, lorsqu'une demande porte sur des travaux qui concernent un bâtiment ayant été édifié ou modifié sans l'autorisation prévue par les dispositions du code de l'urbanisme, cette demande doit porter sur l'ensemble du bâtiment. Le maire a donc compétence liée pour s'opposer à une déclaration de travaux concernant ces seuls travaux. Dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que l'autorisation des travaux déclarés par la SCI La Rotonde aurait exigé une demande de permis de construire portant également sur l'ensemble des éléments modifiés sans autorisation, le maire de Lège-Cap-Ferret était tenu de s'y opposer. En conséquence, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, d'une insuffisance de motivation et de détournement de pouvoir doivent être écartés comme inopérants.
12. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 13 novembre 2019 et du 15 juillet 2020 du maire de Lège-Cap-Ferret.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par la SCI La Rotonde, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la SCI La Rotonde doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI La Rotonde une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Lège-Cap-Ferret et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI La Rotonde est rejetée.
Article 2 : La SCI La Rotonde versera une somme de 1 500 euros à la commune de Lège-Cap-Ferret au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SCI La Rotonde et à la commune de Lège-Cap-Ferret.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01794 2