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22/06/2023 | FRANCE | N°23BX00662

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 22 juin 2023, 23BX00662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2300110 du 28 février 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

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rocédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, M. A..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2300110 du 28 février 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, M. A..., représenté par Me Bédouret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau du 28 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 6 janvier 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; en méconnaissance du principe des droits de la défense et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'a été destinataire ni de l'ordonnance de clôture d'instruction, ni de l'avis d'audience ; en conséquence, il n'a pu ni être présent, ni être représenté lors de l'audience sui s'est tenue devant le tribunal ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire ;

- en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté n'est pas motivé ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ; alors qu'il est incarcéré à la maison de Tarbes depuis le 3 décembre 2022, l'arrêté ne mentionne pas la possibilité de déposer une requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef d'établissement pénitentiaire ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les membres de sa famille résident en France et il n'a plus d'attache en Albanie ; son père étant décédé en Albanie dans des conditions étranges, il serait contraint, en cas de retour dans son pays d'origine, de changer d'identité.

Par ordonnance du 18 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2023.

Un mémoire a été présenté par le préfet des Hautes-Pyrénées le 30 mai 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 21 mai 1995, est entré en France en 2009 et a été confié au service d'aide sociale à l'enfance du département des Hautes-Pyrénées. Il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 16 avril 2014 au 15 avril 2015, dont le renouvellement lui a été refusé par une décision du 6 août 2015, et s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire français. A la suite d'interpellations, il a fait l'objet, les 5 septembre 2019 et 15 novembre 2021, de décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pour une durée de trois ans. L'intéressé a été incarcéré à la maison d'arrêt de Tarbes à compter du 3 décembre 2022. Par un arrêté du 6 janvier 2023, le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 janvier 2023.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience (...). Aux termes de l'article R. 711-2-1 du même code : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée l'article R. 414- 4 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application ". Aux termes de l'article R. 431-1 de ce code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

3. Il ne ressort ni des pièces du dossier de première instance, ni des mentions portées sur l'application Télérecours, que la mandataire de M. A... ait été convoquée à l'audience qui s'est tenue le 24 février 2022 devant le tribunal administratif. Il ne ressort pas davantage de ces pièces que M. A... ait été présent ou représenté à cette audience. Le requérant est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Pau.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 6 janvier 2023 :

5. En premier lieu, par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet des Hautes-Pyrénées a donné délégation à Mme Nathalie Guillot-Juin, secrétaire générale de la préfecture des Hautes-Pyrénées, à l'effet de signer, notamment, les mesures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " II. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément ". Depuis l'entrée en vigueur des articles R. 776-19, R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative issus du décret n° 2016-1458 du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, il incombe à l'administration de faire figurer, dans la notification, notamment, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours.

7. Ainsi que le fait valoir M. A..., la notification de l'arrêté en litige ne mentionne pas la possibilité pour l'intéressé, alors détenu à la maison d'arrêt de Tarbes, de déposer sa requête, dans le délai de recours de 48 heures qui lui était imparti, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. En l'absence de cette mention, la notification n'a pu avoir pour effet de déclencher le délai de recours contre l'arrêté litigieux. En revanche, et contrairement à ce que soutient le requérant, les conditions de notification de cet arrêté sont sans incidence sur sa légalité.

8. En troisième lieu, l'arrêté en litige comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait qui le fondent et est ainsi suffisamment motivé.

9. En quatrième lieu, il ressort de la rédaction de l'arrêté que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de M. A....

10. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 14 ans et y dispose d'attaches familiales, en particulier sa mère et ses deux frères. Toutefois, le requérant, célibataire et sans charge de famille, n'apporte aucun élément relatif à l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec ces derniers. M. A... n'établit pas davantage être dépourvu de tout lien privé et familial en Albanie, et ne démontre en particulier pas que son père y serait décédé " dans des conditions étranges ". De plus, et ainsi qu'il a été dit au point 1, l'intéressé se maintient depuis 2015 sur le territoire français en dépit des mesures d'éloignement édictées à son encontre, et sans solliciter la régularisation de sa situation. Enfin, M. A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Tarbes, en 2016, pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, en 2019, pour des faits de vol aggravé, en réunion et par ruse, commis en récidive, et, en 2020, pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis ni assurance, et a en outre été interpellé à plusieurs reprises, entre 2013 et 2019, pour des faits similaires. Dans ces conditions, en édictant l'arrêté attaqué, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 6 janvier 2023.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300110 du 28 février 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Pau, ensemble le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Luc Derepas

Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00662
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BEDOURET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-22;23bx00662 ?
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