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20/06/2023 | FRANCE | N°22BX02028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 20 juin 2023, 22BX02028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... épouse A... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux, M. I... A... H....

Par un jugement n° 2106733 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2022, Mme F... G..., représentée par Me Diompy, demande à la c

our :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... épouse A... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux, M. I... A... H....

Par un jugement n° 2106733 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2022, Mme F... G..., représentée par Me Diompy, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2106733 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 juin 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au bénéfice de son époux, M. I... A... H... ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer à Monsieur A... H... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/011537 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 29 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Florence Demurger a été entendu.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... G..., épouse A... H..., ressortissante marocaine née le 1er juin 1979 au Maroc, est entrée sur le territoire français en novembre 2011. Elle s'est vu délivrer un premier titre de séjour temporaire en qualité de conjoint de français, valable du 26 octobre 2012 au 25 octobre 2013, dont elle a obtenu le renouvellement jusqu'au 1er novembre 2016. Elle a, par la suite, bénéficié d'une carte de résident, valable du 15 novembre 2016 au 14 novembre 2026, en qualité de parent d'enfant français. Le 19 février 2020, Mme G... a sollicité, auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le bénéfice du regroupement familial pour son époux, M. I... A... H.... Sa demande a été déclarée irrecevable au motif que son époux était présent en France au jour de la demande et en situation irrégulière. Par un arrêté en date du 12 novembre 2020, la préfète de la Gironde a ainsi opposé un refus à la demande de regroupement familial formulée par Mme G.... Mme G... relève appel du jugement n° 2106733 du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2020.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par la décision n° 2022/011357 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 29 septembre 2022. Dès lors, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il ressort de l'arrêté préfectoral du 31 août 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2020-138 du même jour de la préfecture de la Gironde et disponible sur son site internet, que M. E... B..., chef du bureau de l'admission au séjour des étrangers, signataire de l'arrêté attaqué, disposait d'une délégation de signature en l'absence de M. D..., directeur des migrations et de l'intégration et de Mme C..., adjointe, pour signer " toutes décisions de refus de regroupement familial ". Il n'est pas établi que ces agents n'auraient pas été absents ou empêchés le jour de la signature de l'acte contesté. En outre, il ressort des termes de l'arrêté que celui-ci donne bien compétence explicite à M. B... en matière de refus de regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. La décision attaquée vise les articles L. 411-1 à L. 411-8 et R. 411-1 à R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. En outre, pour refuser le bénéfice du regroupement familial à l'époux de la requérante, la préfète de la Gironde a relevé qu'il se trouvait en France lors du dépôt de la demande et qu'il était en situation irrégulière. Ainsi, la décision portant refus de regroupement familial comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 411-1 et R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur que le regroupement familial ne peut en principe être autorisé qu'au profit de personnes résidant à l'étranger. Ainsi, même si le conjoint est entré régulièrement en France, il doit retourner dans son pays d'origine pour pouvoir bénéficier de l'attribution d'un titre de séjour au titre du regroupement familial. Si les dispositions précitées ne sauraient avoir pour effet de mettre l'administration en situation de compétence liée et qu'il lui est toujours possible d'autoriser, au vu de certaines circonstances, un regroupement familial " sur place ", la présence sur le territoire français de l'époux au bénéfice duquel est demandé le regroupement familial, de surcroît en situation irrégulière, est à elle-seule à même de justifier le refus de regroupement familial.

7. Il n'est pas contesté que l'époux de la requérante réside irrégulièrement en France depuis 2011. Dès lors, en application des dispositions de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, la préfète de la Gironde pouvait légalement refuser à la requérante le bénéfice du regroupement familial pour son époux. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait entaché sa décision d'une erreur de droit doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. En l'espèce, la requérante soutient que son époux contribuerait à l'entretien et à l'éducation de son enfant né d'une première union. Toutefois, si elle produit une attestation en date du 26 janvier 2022 du directeur de l'Institut Médico-Pédagogique au sein duquel est inscrit son enfant mentionnant que son époux " accompagne ou récupère régulièrement cet enfant au sein de cette institution ", ainsi qu'un certificat médical daté du même jour mentionnant qu'il " s'occupe du fils de Mme G..., l'enfant Marouane Lafond, né le 21 janvier 2013 pour la gestion des activités courantes notamment l'amener à l'école, le récupérer, l'amener aux activités sportives et l'accompagne lors des visites médicales ", ces documents, postérieurs à la décision portant refus de regroupement familial attaquée, ne font état que de la présence de son époux en tant qu'accompagnant de l'enfant à l'école et chez le médecin, ce qui est insuffisant à caractériser à la fois la participation de ce dernier à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ainsi que les liens qui auraient pu se nouer entre eux. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

11. En l'espèce, la requérante soutient qu'elle est isolée en France et que la présence de son époux lui est nécessaire pour accomplir les tâches de la vie quotidienne en raison de sa pathologie. Cependant, bien qu'elle produise, à l'appui de ses allégations, un certificat médical ainsi qu'une attestation d'Allocation aux Adultes Handicapés, elle ne démontre pas être isolée sur le territoire français ni ne pouvoir bénéficier, le cas échéant, d'une aide quotidienne par d'autres moyens le temps nécessaire à l'instruction régulière de la demande de regroupement familial. Par ailleurs, si la requérante affirme que son époux est intégré sur le territoire français et maîtrise la langue française, les éléments qu'elle apporte à l'appui de ses allégations, à savoir un certificat de travail pour la période allant du 4 juillet 2018 au 31 août 2018 ainsi qu'une promesse unilatérale de contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 septembre 2021, ne suffisent pas à démontrer l'importance de ses attaches personnelles ou familiales en France, ni à caractériser une insertion sociale et professionnelle. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le mari de la requérante serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de son existence. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la préfète de la Gironde portant refus de regroupement familial porterait une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 9 et 11, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé le bénéfice du regroupement familial à son époux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent donc être rejetées.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme G... demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G... épouse A... H..., à Me Diompy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.

La présidente-rapporteure,

Florence Demurger

Le président-assesseur,

Fréderic Faïck

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX02028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02028
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DIOMPY ABRAHAM HERVÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-20;22bx02028 ?
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