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20/06/2023 | FRANCE | N°21BX03834

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 20 juin 2023, 21BX03834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 23 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section des Hautes-Pyrénées a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1900976 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire,

enregistrés le 3 octobre 2021 et le 13 mai 2022 (non communiqué), M. A..., représenté par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 23 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section des Hautes-Pyrénées a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1900976 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 octobre 2021 et le 13 mai 2022 (non communiqué), M. A..., représenté par Me Bedouret, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 juillet 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 23 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section des Hautes-Pyrénées a autorisé son licenciement pour faute ;

3°) de mettre à la charge de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs de fautes en ce qu'ils étaient nécessaires à l'exercice de son mandat syndical, et qu'ils n'ont pas porté atteinte à l'autorité de son employeur et ne sont pas constitutifs d'ingérence dans le fonctionnement de la société ;

- leur gravité est insuffisante pour justifier son licenciement compte tenu qu'il n'est pas responsable de la dégradation des relations professionnelles avec son employeur qui lui est reprochée ;

- la faute a été appréciée au regard d'une précédente sanction disciplinaire qui n'est pas devenue définitive et d'un rappel à l'ordre qui ne constitue pas une sanction.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mars 2022 et le 5 avril 2022, la société Grottes de Bétharam (société par action simplifiée), représentée par Me Morin, conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens et une somme de 3500 euros soient mis à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bedouret représentant M. A... et de Me Morin représentant la société Les Grottes de Bétharram.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été embauché en 2007 par la société Les grottes de Bétharram en qualité d'employé polyvalent chargé des fonctions de guide et d'agent d'entretien. Il a été élu délégué du personnel en dernier lieu le 30 juin 2014 et a été désigné délégué syndical le 17 juillet 2014. Par une décision du 23 juillet 2018, l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité départementale des Hautes-Pyrénées, saisi en ce sens le 22 mai 2018 par la société Les grottes de Bétharram, a autorisé le licenciement pour faute de l'intéressé. Cette décision a été confirmée par la ministre du travail, par une décision du 1er mars 2019, prise sur recours hiérarchique. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau, après avoir regardé ses conclusions comme dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 23 juillet 2018 et celle de la ministre du travail en date du 1er mars 2019, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle prévue par la loi. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail du 23 juillet 2018 :

3. Pour prendre la décision attaquée, l'inspecteur du travail s'est fondé, premièrement, sur le fait que M. A... avait persisté dans un comportement d'insubordination, nuisible vis-à-vis de sa direction, et avait commis des ingérences inappropriées dans le fonctionnement de la société en prenant l'initiative de rapporter à la direction, à trois reprises, la feuille d'émargement des piles usagées des lampes et des lasers destinés aux guides au motif qu'il s'interrogeait sur le fait que seul son nom y figurait, deuxièmement, sur le fait que l'intéressé avait retiré du panneau d'affichage, à deux reprises, le règlement intérieur de l'entreprise au motif que ce dernier n'était ni signé ni daté, et troisièmement, sur le fait qu'il avait volontairement dégradé le matériel de l'entreprise en forçant le portillon du bureau d'accueil le 2 mai 2018. Ces faits, bien qu'essentiellement commis dans l'exercice de ses fonctions représentatives, excédaient, selon la décision contestée, les exigences propres à l'exécution normale des mandats, caractérisant ainsi un abus, et étaient regardés par son employeur en conséquence comme fautifs.

4. M. A... ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés mais fait valoir qu'eu égard aux circonstances ils ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un comportement fautif.

5. S'agissant du premier grief tenant au comportement d'insubordination répété et intentionnel de M A..., ce dernier soutient qu'il n'est pas le seul responsable de la dégradation des relations professionnelles avec son employeur. Il fait notamment valoir qu'il a été contraint à plusieurs reprises d'adresser des alertes à l'inspecteur du travail sur des sujets sensibles, tels que la potabilité de l'eau distribuée dans les grottes et l'exposition des salariés au radon, alertes qui ont pu déplaire à son directeur, et que ce dernier aurait cherché à l'isoler de ses collègues de travail et à l'éviter. Il produit au soutien de ses allégations des témoignages d'anciens collègues ayant quitté l'entreprise. Cependant, si ces témoignages attestent de leur mécontentement quant au comportement parfois provocateur du directeur vis-à-vis de M. A..., ils ne contredisent pas la matérialité des faits litigieux, auxquels ils n'ont d'ailleurs pas assisté. Il résulte des pièces du dossier, notamment des échanges écrits entre M. A... et son directeur de même que de plusieurs témoignages circonstanciés et concordants émanant d'autres salariés, que M. A... a multiplié les courriers électroniques et les appels téléphoniques à l'attention de son employeur, en dehors des procédures de communication habituellement prévues, sur un ton polémique, ironique, parfois agressif, et qu'il a eu des altercations violentes avec lui en présence de tiers, au cours desquelles il a tenu des propos outrageants. La véracité des témoignages produits ne saurait être remise en cause au motif qu'une trame aurait été rédigée et que leurs auteurs seraient en position de subordination, dès lors que rien ne permet d'établir que ces derniers auraient été forcés de signer contre leur volonté. Dans ces conditions, de tels faits, commis par M. A... dans l'exercice de ses fonctions de représentant du personnel, présentaient un caractère fautif tenant au caractère excessif et inapproprié de son comportement qui excédait l'exercice normal d'un mandat représentatif.

6. S'agissant du deuxième grief retenu par l'inspecteur du travail, tenant à l'opposition physique de M. A... à l'organisation mise en place par son employeur concernant des feuilles d'émargement et le retrait à trois reprises par M. A... du panneau d'affichage du règlement intérieur, il ne ressort pas du dossier que ces initiatives n'auraient pas eu pour seul objectif d'obtenir des explications sur la nouvelle organisation ou la mise en conformité du règlement intérieur de l'entreprise, ni qu'elles auraient entraîné des répercussions sur le bon fonctionnement de la société. Dans ses conditions, ces faits ne sont pas constitutifs d'une faute.

7. Enfin, s'agissant du troisième grief tenant à la dégradation volontaire, le 2 mai 2018, de la porte du bureau d'accueil, forcée par M. A... afin de pénétrer dans le bureau de son employeur, l'intéressé n'en conteste pas la matérialité mais indique qu'il n'a pas eu connaissance de la pose, deux jours auparavant, d'un loquet verrouillant cette porte. Dans ces conditions, cet acte ne constitue pas une faute.

8. Par ailleurs, la décision contestée fait également mention des antécédents disciplinaires de M. A... et notamment de sa mise à pied le 12 juillet 2016 confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Pau, ainsi que du rappel à l'ordre du 27 juin 2017. Or ces éléments démontrent que l'intéressé persiste depuis plusieurs années dans son comportement nuisible vis-à-vis de la direction, sans tenir compte des recommandations qui lui ont été précédemment délivrées. Si M. A... fait valoir que son employeur détient une part de responsabilité dans leur relation conflictuelle dans la mesure où il a cherché à l'isoler des autres salariés, cette circonstance ne saurait, en l'espèce, compte tenu de la gravité et du caractère répété des fautes commises dont la matérialité est établie, justifier son comportement. Eu égard à leur nature et à leur récurrence, ces faits qui révèlent un comportement inadapté de M. A... envers le dirigeant de l'entreprise sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

En ce qui concerne la légalité de la décision de la ministre du travail du 1er mars 2019 :

9. La décision attaquée est fondée sur le motif tiré de ce que le comportement inapproprié de M. A... à l'égard de sa direction et son ingérence dans le fonctionnement de la société, dans son ensemble, compte tenu des antécédents disciplinaires de l'intéressé pour des faits de même nature et des conséquences qu'ils ont entraînées sur les relations au sein de l'entreprise, est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement du requérant.

10. Pour les mêmes motifs que ceux développés précédemment, ce grief dont la matérialité est établie constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à ce qui précède, le comportement de M. A... à l'égard de son employeur constitue une faute d'une gravité suffisante qui justifie la mesure de licenciement prise à son encontre. Dans ces conditions, la ministre du travail a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, autoriser pour ce motif le licenciement de M. A....

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Les Grottes de Bétharram, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la société Les Grottes de Betharram au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens les conclusions de la société tendant au paiement des dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société Les Grottes de Betharram la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société par action simplifiée Les Grottes de Betharram et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03834
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BEDOURET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-20;21bx03834 ?
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