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20/06/2023 | FRANCE | N°21BX02147

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 20 juin 2023, 21BX02147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 23 octobre 2019 par laquelle le président de la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1901585 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mai 2021 et le 18 avril 2023, la communauté intercommunale

Réunion Est, représentée par Me Lafay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 23 octobre 2019 par laquelle le président de la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1901585 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mai 2021 et le 18 avril 2023, la communauté intercommunale Réunion Est, représentée par Me Lafay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 31 mars 2021 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il n'est pas établi que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- il est entaché d'une inexacte appréciation des faits dès lors que l'agression dont M. B... estime avoir été victime ne se rattachant pas à l'exercice de ses fonctions d'agent territorial mais est en lien avec ses fonctions syndicales, c'est à bon droit que la CIREST a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mars 2023, le 14 avril 2023 et le 11 mai 2023 (non communiqué), M. B..., représenté par Me Lebreton conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté intercommunale Réunion Est une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique territorial de la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) affecté au service de contrôle de la collecte des déchets (service de l'environnement), a déposé une plainte pour des faits d'agression verbale et physique dont il estime avoir été victime, survenus le 6 décembre 2018, à proximité immédiate du lieu où se tenaient les élections professionnelles. Par des courriers des 7 décembre 2018 et 8 mars 2019 il a informé le président de la communauté intercommunale Réunion Est de ces faits et a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par décision du 2 août 2019, le président de la CIREST a rejeté cette demande et, par décision du 23 octobre 2019, il a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressé le 1er octobre 2019. M. B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de cette décision du 23 octobre 2019. La communauté intercommunale Réunion Est relève appel du jugement par lequel le tribunal a fait droit à cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l'examen de décisions individuelles dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 11 de loi du 13 juillet 1983 : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée (...) ".

3. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. D'autre part, il résulte de ces dispositions que la protection prévue par ces dispositions n'est due qu'à raison de faits liés à l'exercice par des fonctionnaires de leurs fonctions dans une collectivité publique.

4. Il ressort des pièces du dossier que, le 6 décembre 2018 entre 9 heures et 9 heures 30, à l'entrée du site où se tenaient les élections des représentants du personnel au comité technique de la CIREST, M. B..., alors candidat aux élections en 9ème position sur la liste SAFPTR soutient avoir été victime de propos injurieux et menaçants tenant notamment à sa qualité de travailleur handicapé de la part de deux collègues également membres d'autres organisations syndicales alors que, selon le requérant, ces derniers tentaient de dissuader de voter trois collègues venues prendre part au vote et qui s'étaient adressées à lui pour avoir des informations.

5. Pour rejeter la demande de protection fonctionnelle de M. B..., la CIREST a indiqué que : " cette prise en charge, d'une part, accentuera l'existence d'un climat déjà conflictuel entre les syndicats et, d'autre part, affectera l'image de la Collectivité du fait qu'elle sera amenée à utiliser des fonds publics pour régler un conflit de personnes entre deux syndicats. " Ce faisant, la CIREST a estimé que ce conflit se rattachait à l'exercice par M. B... de ses fonctions syndicales.

6. Le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision au motif que l'incident en cause se rattachait aux fonctions d'agent public exercées par M. B... et non à son mandat syndical. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... bénéficiait le jour de l'incident d'une autorisation d'absence pour raisons syndicales. Si M. B... fait valoir qu'il s'est rendu ce jour-là sur son lieu de travail à 7 heures 30 et qu'il était présent sur les lieux de l'altercation en sa qualité de votant, il ne conteste pas qu'il a bénéficié de cette autorisation d'absence afin de pouvoir se rendre à la réunion de son syndicat prévue à 10 heures au même endroit. Ainsi, quand bien même l'altercation avec des collègues membres d'une autre organisation syndicale est survenue sur les lieux où se tenaient les élections organisées par l'administration, l'agression au titre de laquelle M. B... a sollicité la protection fonctionnelle constitue un évènement survenu à l'occasion de l'accomplissement de fonctions syndicales et n'est, dès lors, pas rattachable à l'exercice de ses fonctions d'agent public. Par suite, la CIREST est fondée à soutenir que le tribunal administratif de La Réunion ne pouvait accueillir le moyen tiré de l'inexacte application de la loi pour annuler la décision contestée portant refus de protection fonctionnelle.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la communauté intercommunale Réunion Est est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 23 octobre 2019 en litige. En conséquence, le jugement du tribunal administratif de La Réunion doit être annulé.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CIREST, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la CIREST au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 31 mars 2021 est annulé.

Article 2 : La requête de première instance et les conclusions d'appel présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. B... versera à la communauté intercommunale Réunion Est la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté intercommunale Réunion Est et à M. A... B.... Copie en sera délivrée au Préfet de la Réunion.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02147
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LAFAY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-20;21bx02147 ?
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