Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de la cotisation de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 au titre de la plus-value de cession de l'entreprise de M. A... ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 108 507 euros qui leur a été notifiée par procès-verbal de saisie-vente du 25 mars 2019, correspondant au solde de la cotisation de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.
Par un jugement n° 1901415 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2021, le 2 février 2022 et le 13 juin 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Lopes, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1901415 du tribunal administratif de Poitiers du 10 novembre 2020 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 108 507 euros qui leur a été notifiée par procès-verbal de saisie-vente du 25 mars 2019, correspondant au solde de cette cotisation de contributions sociales ;
3°) d'enjoindre à l'Etat d'établir un avis d'imposition rectifié ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne le contentieux d'assiette :
- leur contestation n'est pas tardive dès lors que le certificat d'irrécouvrabilité de la créance qu'ils détenaient sur la société A... TP n'a été établi par le liquidateur judiciaire que le 23 novembre 2018 ;
- l'imposition méconnait l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle revient à prélever des cotisations sur des revenus que le contribuable n'a, en définitive, pas perçus pour des raisons indépendantes de sa volonté ;
- les dispositions des articles 38, 39 duodecies et 150 VA du code général des impôts n'imposent pas d'assujettir les plus-values d'une cession dont le prix n'a pas été perçu par le cédant ;
En ce qui concerne le contentieux du recouvrement :
- en application des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, l'action en recouvrement était prescrite dès lors que les versements spontanés effectués entre les années 2011 et 2014 ne peuvent, en l'absence d'écrit permettant de les imputer effectivement à l'imposition contestée, caractériser l'existence d'une reconnaissance de dette expresse ou même tacite provoquant un effet interruptif de prescription et que, par ailleurs, l'administration ne peut se prévaloir d'aucun acte interruptif de prescription régulièrement notifié.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mai 2021, 30 juillet 2021, 28 février 2022, 1er mars 2022, 26 août 2022 et 1er septembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les conclusions relatives au contentieux d'assiette sont irrecevables pour tardiveté et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michaël Kauffmann,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte notarié du 6 juillet 2009, M. A... a cédé à la société A... TP son fonds artisanal de terrassement, bâtiment et travaux publics, au prix de 700 000 euros payables en 120 mensualités. Cette cession a généré une plus-value qui a été soumise aux contributions sociales au titre de l'année 2009 pour un montant de 131 915 euros. L'avis d'imposition correspondant aux contributions sociales supplémentaires a été mis en recouvrement le 15 octobre 2010. Les requérants ont formé une réclamation le 29 mars 2012 qui a fait l'objet d'une décision d'admission partielle le 21 mai 2012, donnant lieu à un dégrèvement de 15 136 euros. Par procès-verbal du 25 mars 2019, l'administration a engagé une procédure de saisie-vente des biens meubles appartenant à M. et Mme A... pour le recouvrement du montant laissé à leur charge et qui n'avait pas encore fait l'objet d'un règlement, soit 108 507 euros. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 10 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à la décharge de la cotisation de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, d'autre part, à celle de l'obligation de payer la somme de 108 507 euros.
Sur le contentieux d'assiette :
2. Aux termes de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai ainsi prévu les événements qui sont de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant. Par ailleurs, aux termes de la seconde partie de ce même article : " (...) Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / (...) / c) Au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi. ".
3. Il résulte de l'instruction que l'imposition aux contributions sociales assignée à M. et Mme A... au titre de l'année 2009 a été mise en recouvrement par voie de rôle n° 033 du 15 octobre 2010. La réclamation qu'ils ont adressée à l'administration fiscale le 11 février 2019 a ainsi été formée au-delà du délai général imparti par les dispositions précitées du a) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Si les requérants soutiennent que le certificat d'irrécouvrabilité de la créance qu'ils détenaient sur la société A... TP n'a été établi par le liquidateur judiciaire que le 23 novembre 2018, cet évènement n'est, en l'espèce, pas de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, dès lors qu'il est survenu postérieurement à l'année et au fait générateur de cette imposition, constitué par la cession, qui n'a été affectée d'aucune condition suspensive, du fonds artisanal à la société A... TP, le 6 juillet 2009. Dès lors, l'établissement de ce certificat ne peut être regardé ni comme un évènement au sens et pour l'application du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ni, en tout état de cause, comme une circonstance de nature à révéler que l'imposition litigieuse a été établie à tort, au sens du c) de la seconde partie de cet article, de nature à rouvrir le délai de réclamation. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'administration, qui était en droit de l'opposer pour la première fois en appel, tirée de la tardiveté de la réclamation préalable portée devant le tribunal, doit être accueillie.
Sur le contentieux du recouvrement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / (...) / 2° (...) sur l'exigibilité de la somme réclamée. (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 2240 du code civil : " La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. ". A cet égard, la reconnaissance, par le redevable de l'impôt, de l'exigibilité de sa dette s'entend de tout acte ou de toute démarche par lesquels celui-ci admet son obligation de payer une créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son titulaire.
5. Il résulte de l'instruction que le bien-fondé de l'imposition litigieuse a été contesté une première fois par les requérants le 10 novembre 2010 et que le service a rejeté cette réclamation le 24 janvier 2011. A compter de ce même mois et jusqu'au mois d'octobre 2014, les contribuables ont spontanément effectué, auprès de l'administration fiscale, des paiements mensuels d'un montant de 500 euros puis, entre les mois de septembre 2016 et février 2019, d'un montant de 50 euros, M. A... indiquant à l'administration, dans un courrier du 14 septembre 2016, que le règlement de ces sommes avait pour objet les " prélèvements sociaux ". Eu égard à la concomitance entre la date de la décision du 24 janvier 2011 rejetant la réclamation des contribuables et celle du premier versement effectué par ces derniers, à la circonstance invoquée par le ministre et non contestée par les requérants, tenant à ce qu'ils n'étaient redevables auprès du comptable chargé du recouvrement d'aucune autre dette fiscale hormis celle liée aux contributions sociales dues au titre de l'année 2009, ainsi qu'aux termes du courrier du 14 septembre 2016, l'ensemble de ces paiements spontanés doit être regardé comme révélant une démarche dénuée d'ambiguïté par laquelle les appelants ont reconnu l'exigibilité et le montant de la créance de l'administration fiscale. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, ces paiements ont valablement interrompu la prescription de l'action en recouvrement et l'imposition en cause était encore exigible lorsque, par procès-verbal du 25 mars 2019, l'administration a engagé une procédure de saisie-vente des biens meubles appartenant à M. et Mme A... pour le recouvrement du montant qui n'avait pas encore fait l'objet d'un règlement.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) 3. La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement. (...) ".
7. M. et Mme A... soutiennent que les mises en demeure de payer des 6 août 2012, 7 juillet 2014, 8 août 2016 et 13 septembre 2018 que l'administration soutient avoir envoyées, par lettre simple, à leur dernière adresse connue ne leur ont jamais été notifiées et ne sont, dès lors, pas susceptibles d'avoir interrompu l'action en recouvrement. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que la prescription de l'action en recouvrement a été, par ailleurs, valablement interrompue par les paiements spontanément effectués par les contribuables entre les mois de janvier 2011 et octobre 2014 puis entre les mois de septembre 2016 et février 2019 et que la créance fiscale demeurait exigible lorsque l'administration a engagé, le 25 mars 2019, une procédure de saisie-vente des biens meubles appartenant aux appelants. Dès lors, le moyen est inopérant et doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... A... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest et à la direction régionale des finances publiques Nouvelle-Aquitaine et département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
Le rapporteur,
Michaël KauffmannLa présidente,
Bénédicte MartinLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00203
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