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13/06/2023 | FRANCE | N°21BX02200

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 juin 2023, 21BX02200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle le maire de Rabastens-de-Bigorre a constaté la péremption du permis de construire qui lui a été délivré le 12 août 2006 en vue de l'édification d'un garage, ensemble la décision du 18 janvier 2019 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°1900231 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

émoire en réplique enregistrés les 25 mai 2021 et 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle le maire de Rabastens-de-Bigorre a constaté la péremption du permis de construire qui lui a été délivré le 12 août 2006 en vue de l'édification d'un garage, ensemble la décision du 18 janvier 2019 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°1900231 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mai 2021 et 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Monnet, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement n°1900231 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2018, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 18 janvier 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rabastens-de-Bigorre la somme de 2 000 euros au titre de la première instance et la somme de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, devenu le R. 424-17 du même code, dès lors que le permis de construire du 12 août 2006 n'était pas caduc.

Par un mémoire en observation enregistré le 22 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 septembre et 7 décembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Rabastens-de-Bigorre, représentée par Me Bernal, conclut à titre principal au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelant de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ;

- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Bernal représentant la commune de Rabastens de Bigorre.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 août 2006, le maire de Rabastens-de-Bigorre a délivré à M. B... A... un permis de construire pour la construction d'un garage d'une superficie de 49 m2 sur une parcelle cadastrée section ZB n°64 située lieu-dit " Midi de la route de Vic ". Le 29 octobre 2018, le maire de Rabastens-de-Bigorre a dressé un procès-verbal d'infraction pour la construction dudit garage sans avoir préalablement obtenu d'autorisation d'urbanisme. Par décision du 20 novembre 2018, le maire de Rabastens-de-Bigorre a constaté la péremption du permis de construire du 12 août 2006 dont M. A... se prévalait pour justifier de la régularité de cette construction. Par courrier du 3 décembre 2018, M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, rejeté par le maire le 18 janvier 2019. Par arrêté du 4 février 2019, le maire de Rabastens-de-Bigorre a mis en demeure M. A... d'interrompre ses travaux. M. A... relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 20 novembre 2018 et 18 janvier 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; (...) ".

3. La décision attaquée mentionne l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme dont elle fait application et indique que M. A... a interrompu ses travaux depuis près de dix ans et qu'il aurait dû déposer une nouvelle demande de permis de construire avant de reprendre ses travaux dès lors que le permis de construire obtenu en 2006 était caduc. Une telle motivation en droit et en fait permet la contestation utile du bien-fondé de la décision en cause. Par suite, il répond aux exigences de motivation des actes administratifs posées par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquelles doivent être motivées les décisions défavorables qui opposent notamment une prescription et imposant que la motivation exigée soit écrite et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A... ait été mis à même de présenter ses observations, en application des dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, préalablement à la décision attaquée. Par suite, la commune a méconnu le principe du contradictoire de la procédure, privant ainsi M. A... d'une garantie.

4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire initial le 1er août 2006 : " Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ".

5. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, applicable aux permis de construire en cours de validité à la date de son entrée en vigueur, le 1er octobre 2007 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 20 décembre 2008.

6. D'une part, il résulte des dispositions citées au point 3 que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

7. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire délivré le 12 août 2006 ont débuté au plus tard le 10 septembre 2007, date de la déclaration d'ouverture de chantier établie par M. A... et que, ces travaux n'ayant pas été interrompus pendant un délai supérieur à une année à la date du 1er octobre 2007, le permis de construire litigieux était en cours de validité tant à cette date, à laquelle est entré en vigueur le décret du 5 janvier 2007, qu'à celle du 20 décembre 2008. Par suite, les dispositions combinées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008 lui sont applicables. Dans ces conditions, le délai de validité du permis de construire du 12 août 2006 a commencé à courir le 10 septembre 2007 pour s'achever le 10 septembre 2010, sa péremption ne pouvant être acquise que si les travaux entrepris par M. A... ont été interrompus, passé cette date, pendant un délai supérieur à un an.

9. Il ressort des pièces du dossier que le maire se borne, dans la décision contestée, pour constater la péremption du permis de construire, à mentionner que les travaux autorisés ont été interrompus pendant un délai supérieur à une année, sans se référer à une période précise. S'il est constant que M. A... a entrepris, au plus tard en 2008, des travaux de fondation et de dallage, il ressort des trois photographies aériennes produites en défense, issues des archives de l'Institut géographique national et datées des 9 juillet 2008, 31 juillet 2010 et 1er août 2011, que l'état d'avancement des travaux n'a pas évolué entre le 9 juillet 2008 et 1er août 2011. La commune fait valoir en appel comme en première instance que les pièces produites par M. A... ne démontrent pas que l'intéressé a réalisé des travaux entre le 1er aout 2011 et le 10 septembre 2011. Toutefois, la commune ne se prévaut d'aucun constat d'huissier effectué à sa demande ou procès-verbal établi par l'un de ses agents, ni d'aucun autre élément tel que des attestations de voisins du terrain, relevant l'absence d'activité sur le chantier entre le 1er août et le 10 septembre 2011. Par ailleurs, M. A... produit quatre photographies représentant la construction avec quatre murs en parpaings, qui si elles ne sont pas datées, sont de nature à établir que l'état de la construction a évolué, de façon significative, depuis la photographie aérienne du 1er août 2011. M. A... indique en outre avoir effectué seul ces travaux et les avoir étalés un peu chaque année depuis 2011, en raison de difficultés de santé l'ayant contraint à procéder très lentement. Dans ces conditions, sans aucun autre élément du dossier permettant de dater cette évolution, et alors que la commune, ainsi qu'il a été dit, n'apporte aucun élément de nature à contredire ces allégations, c'est à tort que son maire a estimé que le permis de construire litigieux était périmé au motif que les travaux avaient été interrompus pendant un délai supérieur à un an.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 20 novembre 2018 par laquelle le maire de Rabastens-de-Bigorre a constaté la péremption du permis de construire qui lui a été délivré le 12 août 2006 en vue de l'édification d'un garage, ensemble la décision du 18 janvier 2019 de rejet de son recours gracieux. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1900231 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : Les décisions du 20 novembre 2018 et du 18 janvier 2019 sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Rabastens-de-Bigorre.

Une copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tarbes en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX02200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02200
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET FMDOC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-13;21bx02200 ?
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