Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 4 février 2019 par lequel le maire de Rabastens-de-Bigorre l'a, au nom de l'Etat, mis en demeure d'interrompre les travaux d'édification d'un garage sur la parcelle cadastrée section ZB n°64 située rue du Prévent.
Par un jugement n°1900575 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mai 2021 et 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Monnet, demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement n°1900575 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2019 du maire de Rabastens-de-Bigorre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rabastens-de-Bigorre la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le jugement contesté, l'arrêté attaqué est soumis aux dispositions des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; il n'est pas motivé en droit dès lors qu'il ne se réfère pas aux articles du code de l'urbanisme relatif à la péremption ; en outre, l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été en mesure de faire pleinement valoir ses observations préalablement à son adoption ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, devenu le R. 424-17 du même code, dès lors que le permis de construire du 12 août 2006 n'était pas caduc.
Par deux mémoires en observation enregistrés les 23 septembre et 7 décembre 2022, la commune de Rabastens-de-Bigorre, représentée par Me Bernal, conclut à titre principal au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelant de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ;
- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,
- les observations de Me Bernal représentant la commune de Rabastens de Bigorre.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 12 août 2006, le maire de Rabastens-de-Bigorre a délivré à M. B... A... un permis de construire pour la construction d'un garage d'une superficie de 49 m2 sur une parcelle cadastrée section ZB n°64 située lieu-dit " Midi de la route de Vic ". Le 29 octobre 2018, le maire de Rabastens-de-Bigorre a dressé un procès-verbal d'infraction pour la construction dudit garage sans avoir préalablement obtenu d'autorisation d'urbanisme. Par décision du 20 novembre 2018, le maire de Rabastens-de-Bigorre a constaté la péremption du permis de construire du 12 août 2006 dont M. A... se prévalait pour justifier de la régularité de cette construction. Par courrier du 3 décembre 2018, M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, rejeté par le maire le 18 janvier 2019. Par arrêté du 4 février 2019, le maire de Rabastens-de-Bigorre a, au nom de l'Etat, mis en demeure M. A... d'interrompre ses travaux. M. A... relève appel du jugement n°1900575 du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) ".
3. D'autre part, en vertu de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du même code, au nombre desquelles figurent les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière plus générale, constituent une mesure de police, ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales, sauf en cas de risque pour la sécurité ou la salubrité publique imposant une procédure d'urgence en application de l'article L. 121-2 du même code.
4. L'arrêté attaqué, qui constitue une décision qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 précité, vise l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme dont il fait application, ainsi que le procès-verbal établi le 29 octobre 2018 constatant la construction d'un garage en l'absence de permis de construire valide. Par suite, et quand bien même il ne vise pas l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme relatif à la péremption du permis de construire, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en droit.
5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que par courrier du 6 novembre 2018, le maire de Rabastens-de-Bigorre a informé M. A... qu'un procès-verbal, joint au courrier, constatant la réalisation de travaux en l'absence de permis de construire valide avait été dressé le 29 octobre 2018, et qu'il disposait d'un délai de quinze jours pour présenter ses observations en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Par courrier du 19 novembre 2018, M. A... a fait valoir ses observations, revendiquant notamment l'obtention du permis de construire du 12 août 2006 pour justifier de la régularité de sa construction. Comme l'ont retenu les premiers juges, M. A... a notamment indiqué dans son courrier que le procès-verbal d'infraction du 29 octobre 2018 mentionnait qu'il faisait construire un bâtiment sans avoir demandé et obtenu une autorisation d'urbanisme, et que cette construction était réalisée sur une parcelle inconstructible. Dans ces conditions, et alors que l'arrêté attaqué se fonde sur la caducité du permis de construire du 12 août 2006, donc sur des travaux réalisés en l'absence d'autorisation, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été informé par le maire dans son courrier du 6 novembre 2018 du motif sur lequel il envisageait de prendre l'arrêté attaqué. Par suite, l'appelant a été mis à même de présenter utilement des observations écrites préalablement à l'intervention de l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
6. En deuxième lieu, comme indiqué au point précédent, il résulte des motifs de la décision contestée que, pour ordonner à M. A... d'interrompre ses travaux, le maire s'est fondé sur l'absence d'autorisation d'urbanisme du fait de la caducité du permis de construire délivré le 12 août 2006.
7. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire initial le 1er août 2006 : " Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ".
8. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, applicable aux permis de construire en cours de validité à la date de son entrée en vigueur, le 1er octobre 2007 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 20 décembre 2008.
9. D'une part, il résulte des dispositions citées au point 7 que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.
10. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.
11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire délivré le 12 août 2006 ont débuté au plus tard le 10 septembre 2007, date de la déclaration d'ouverture de chantier établie par M. A... et que, ces travaux n'ayant pas été interrompus pendant un délai supérieur à une année à la date du 1er octobre 2007, le permis de construire litigieux était en cours de validité tant à cette date, à laquelle est entré en vigueur le décret du 5 janvier 2007, qu'à celle du 20 décembre 2008. Par suite, les dispositions combinées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008 lui sont applicables. Dans ces conditions, le délai de validité du permis de construire du 12 août 2006 a commencé à courir le 10 septembre 2007 pour s'achever le 10 septembre 2010, sa péremption ne pouvant être acquise que si les travaux entrepris par M. A... ont été interrompus, passé cette date, pendant un délai supérieur à un an.
12. Il ressort des pièces du dossier que le maire se borne, dans sa décision du 20 novembre 2018, pour constater la péremption du permis de construire, à mentionner que les travaux autorisés ont été interrompus pendant un délai supérieur à une année, sans se référer à une période précise. S'il est constant que M. A... a entrepris, au plus tard en 2008, des travaux de fondation et de dallage, il ressort des trois photographies aériennes produites en défenses, issues des archives de l'Institut géographique national et datées des 9 juillet 2008, 31 juillet 2010 et 1er août 2011, que l'état d'avancement des travaux n'a pas évolué entre le 9 juillet 2008 et 1er août 2011. La commune fait valoir en appel comme en première instance que les pièces produites par M. A... ne démontrent pas que l'intéressé a réalisé des travaux entre le 1er aout 2011 et le 10 septembre 2011. Toutefois, la commune ne se prévaut d'aucun constat d'huissier effectué à sa demande ou procès-verbal établi par l'un de ses agents, ni d'aucun autre élément tel que des attestations de voisins du terrain, relevant l'absence d'activité sur le chantier entre le 1er août et le 10 septembre 2011. Par ailleurs, M. A... produit quatre photographies représentant la construction avec quatre murs en parpaings, qui si elles ne sont pas datées, sont de nature à établir que l'état de la construction a évolué de façon significative depuis la photographie aérienne du 1er août 2011. M. A... indique en outre avoir effectué seul ces travaux et les avoir étalés un peu chaque année depuis 2011, en raison de difficultés de santé l'ayant contraint à procéder très lentement. Dans ces conditions, sans aucun autre élément du dossier permettant de dater cette évolution, et alors que la commune, ainsi qu'il a été dit, n'apporte aucun élément de nature à contredire ces allégations, c'est à tort que son maire a estimé que le permis de construire litigieux était périmé au motif que les travaux avaient été interrompus pendant un délai supérieur à un an. Par suite, c'est à tort que le maire de Rabastens-de-Bigorre s'est fondé sur la péremption du permis de construire accordé le 12 août 2006 pour prendre son arrêté du 4 février 2019 en litige.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 4 février 2019 par lequel le maire de Rabastens-de-Bigorre l'a, au nom de l'Etat, mis en demeure d'interrompre les travaux d'édification d'un garage. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1900575 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 février 2019 du maire de Rabastens-de-Bigorre est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tarbes en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Copie en sera adressée à la commune de Rabastens-de-Bigorre.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.
La rapporteure,
Héloïse C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX02199