Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du 19 août 2019 par laquelle la commune du Haillan a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner cette commune à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice de jouissance qu'il estime subir depuis le 26 mars 1990 du fait de l'impossibilité d'utiliser le chemin d'accès à son habitation.
Par un jugement n° 1904973 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 1er mai 2022, M. C..., représenté par Me Baldé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juin 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 19 août 2019 par laquelle la commune du Haillan a rejeté sa demande indemnitaire ;
3°) de condamner la commune du Haillan à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice de jouissance depuis le 26 mars 1990 ainsi que la somme de 80 000 euros au titre du préjudice de perte de chance ;
4°) d'enjoindre à la commune du Haillan de numéroter sa parcelle au chemin du Sourbey et de lui en permettre l'accès et la pleine jouissance ;
5°) de mettre à la charge de la commune du Haillan la somme de 4 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête déposée dans le délai d'appel de deux mois et qui est particulièrement motivée est recevable ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la commune ne lui avait pas interdit d'emprunter le chemin de Sourbey ;
- ce chemin d'exploitation constitue la seule entrée individualisée de sa propriété, la servitude de passage sur le terrain de ses parents le contraignant à contourner difficilement un garage jouxtant leurs deux propriétés ;
- la servitude de passage dont il bénéficie pour rejoindre la rue Victor Hugo ne saurait suffire pour lui interdire de circuler sur le chemin commun puisque chacun des riverains est en droit d'utiliser la totalité du chemin, au-delà de la portion qui borde son fonds, le traverse ou y aboutit ;
- la commune lui a à plusieurs reprises formellement interdit d'utiliser le chemin d'exploitation, le privant de ses droits de jouissance depuis le 26 mars 1990 ;
- la commune lui a interdit l'accès au chemin en 1991 en raison des caractéristiques insuffisantes de la voie pour assurer la desserte des services d'incendie puis en 2003 en raison des problèmes de sécurité du fait de son inadaptation à recevoir un trafic important alors pourtant qu'elle a autorisé en 2020 la construction d'une nouvelle maison donnant directement sur ce chemin et numéroté également sur celui-ci méconnaissant ainsi le principe d'égalité entre les citoyens de la commune ;
- en le privant de son droit de jouissance sans aucun motif, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- le préjudice de jouissance qu'il subit depuis le 26 mars 1990 pourra être indemnisé à hauteur de la somme de 15 000 euros ; le fait qu'il ait un accès sur la rue Victor Hugo par le terrain de ses parents n'atténue pas l'atteinte à son droit de jouissance et ne saurait justifier la privation de l'accès au chemin commun ; il a dû créer une voie d'accès de 90 m2, démolir son potager et arracher les arbres fruitiers afin de pouvoir accéder à son terrain et la faute de l'administration a engendré un violent conflit avec son voisin ;
- en outre, ne disposant d'aucune entrée individualisée, il subit une dépréciation de la valeur de son bien de l'ordre de 10 à 20 % ; l'accès à sa parcelle par une servitude de passage constitue un obstacle à la vente de son bien et lui cause un préjudice correspondant à une perte de chance d'obtenir des revenus en cas de vente de sa parcelle qui pourra être indemnisée à hauteur de 80 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, la commune du Haillan, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que M. C... lui verse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le litige qui oppose M. C... à ses voisins est un litige de droit privé qui ne relève pas de la compétence du juge administratif ; le service instructeur n'a pas à s'assurer de la conformité du projet avec les règles et servitudes de droit privé ;
- les conclusions nouvelles en appel tendant à la réparation d'un nouveau chef de préjudice relatif à une prétendue perte de chance par une indemnité dépassant largement le montant chiffré en première instance sont irrecevables ;
- les conclusions à fin d'injonction du requérant tendant à ce qu'il lui soit enjoint de numéroter sa parcelle et de lui permettre l'accès au chemin du Sourbey sont irrecevables eu égard à l'impossibilité pour le juge administratif d'adresser à l'administration des injonctions à titre principal ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
- le requérant ne justifie de l'existence d'aucun préjudice dès lors qu'il dispose d'une sortie sur la voie publique rue Victor Hugo et que M. A... ne s'oppose plus à son passage sur ce chemin commun ;
- à titre subsidiaire, la créance est prescrite en tant qu'elle concerne les années 1990 à 2015.
Par une ordonnance du 15 février 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023.
Un mémoire présenté par Me Baldé pour M. C... a été enregistré le 6 mars 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- les observations de Me Baldé, représentant M. C..., et de Me Dubois, représentant la commune du Haillan.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est propriétaire d'une maison d'habitation dans la commune du Haillan, édifiée sur les parcelles AI 267 disposant d'un accès à la rue Victor Hugo par une servitude de passage traversant les parcelles AI 94 et AI 266 appartenant à ses parents. Au motif qu'il ne peut utiliser le chemin de Sourbey, situé à l'arrière de sa parcelle pour accéder à sa maison d'habitation, M. C... a par un courrier reçu le 19 juin 2019, demandé à la commune du Haillan d'indemniser son préjudice de jouissance à hauteur de 5 000 euros et de procéder à la numérotation de sa parcelle au chemin Sourbey. Sa demande ayant été rejetée implicitement, il a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née le 19 août 2019 en tant qu'elle rejette son recours indemnitaire, de condamner la commune à réparer son préjudice de jouissance à hauteur d'une somme portée à 15 000 euros et d'enjoindre à la commune de numéroter sa parcelle au chemin de Sourbey. M. C... relève appel du jugement du 15 juin 2021, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande et demande en outre l'indemnisation du préjudice de perte de chance qu'il estime avoir subi du fait de la dépréciation de son bien à hauteur d'une somme de 80 000 euros.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet :
2. M. C... persiste à demander en appel l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable. Toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la décision implicite de rejet née du silence gardée par la commune du Haillan sur sa réclamation préalable eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de l'intéressé qui en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable sont irrecevables et doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public ".
4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le chemin en litige, limitrophe de la parcelle de M. C... et débouchant sur le chemin de Sourbey, constitue un ancien chemin d'exploitation, privé dont l'usage est commun à tous les propriétaires riverains au sens des dispositions précitées qui confèrent à chacun un droit de passage sans avoir à justifier d'une autorisation des autres propriétaires riverains. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'impossibilité dans laquelle il se trouve de pouvoir utiliser ce chemin commun privé pour accéder à la maison d'habitation édifiée sur la parcelle AI 267, résulte non pas d'une interdiction résultant des courriers du maire en date des 26 mars 1990, du 27 avril 1991 et 31 octobre 2003, lesquels se bornent à rappeler les conditions d'accès prescrites par le permis de construire qui lui a été accordé et la nécessité de s'y conformer afin de prévenir les conflits de voisinage, mais de l'opposition de ses voisins à l'encontre desquels il a au demeurant déposé une main courante. Si M. C... entend obtenir le rétablissement du passage sur le chemin dont l'usage serait entravé par ses voisins, il lui appartient, s'il s'y croit fondé, de saisir les tribunaux de l'ordre judiciaire. Par ailleurs, le requérant se prévaut de l'article 2 du permis de construire délivré le 31 mars 1989 aux termes duquel " Le pétitionnaire cèdera le terrain nécessaire à l'élargissement du chemin se service permettant l'accès à la parcelle ", pour soutenir que son habitation bénéficiait d'un accès par ce chemin commun. Toutefois, le permis de construire étant délivré sous réserve du respect des droits des tiers, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la commune du fait de cette mention. De même, la mention sur un courrier du centre des impôts fonciers d'une adresse au 4 ter chemin du Sourbey ne saurait suffire à elle seule pour établir que la commune aurait procédé à une numérotation à cette adresse alors que le permis de construire et le courrier du maire du 23 avril 1991 mentionnent un accès principal par la rue Victor Hugo. Par suite, en l'absence de faute de la commune de Haillan, les conclusions de M. C... tendant à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 95 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune du Haillan de numéroter sa parcelle chemin de Sourbey et de lui permettre un accès à sa parcelle depuis le chemin commun n'entrent pas dans le champ d'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative et sont constitutives d'une demande d'injonction à titre principal. Par suite, et alors que la requête de M. C... ne comporte pas de conclusions à fin d'annulation dirigées contre une décision implicite de la commune du Haillan de refus de numérotation ou d'utilisation du chemin, la fin de non-recevoir opposée par la commune du Haillan à ce titre doit être accueillie.
6. Il résulte de toute ce qui précède sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription et les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Haillan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Haillan et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la commune du Haillan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune du Haillan.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,
Christelle Brouard-LucasLa greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03177