La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | FRANCE | N°21BX03154

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 juin 2023, 21BX03154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 janvier 2019 par laquelle le vice-recteur de Mayotte a rejeté sa demande tendant au versement d'un complément d'indemnité de logement et de condamner l'État à lui verser une indemnité globale de 8 152,99 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1900961 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 juillet 2021 et le 1er août ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 janvier 2019 par laquelle le vice-recteur de Mayotte a rejeté sa demande tendant au versement d'un complément d'indemnité de logement et de condamner l'État à lui verser une indemnité globale de 8 152,99 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1900961 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 juillet 2021 et le 1er août 2022, Mme B... A..., représentée par Me Weyl, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision du vice-recteur de Mayotte du 22 janvier 2019 ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme correspondant au rappel d'indemnité de remboursement partiel des loyers de 6 752,34 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il se fonde sur une argumentation qui n'a pas été soumise au contradictoire ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas motivé ;

- l'arrêté du 25 septembre 2013 n'est pas circonscrit aux seuls personnels du ministère de la défense ;

- la restriction de la portée de l'abrogation de l'article 2 du décret 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'État en service dans les territoires d'outre-mer aux seuls personnels du ministère de la défense est discriminatoire ; elle crée une inégalité de traitement entre les agents de l'État affectés à Mayotte ; elle crée une discrimination entre les agents logés et ceux qui ne sont pas logés ;

- le site Légifrance présente une version de l'arrêté du 6 janvier 1986 consolidée au 7 mars 2015 indiquant que l'article 2 a été abrogé par l'arrêté du 25 septembre 2013 ;

- elle a subi un préjudice financier d'un montant de 6 752,34 euros correspondant à l'indemnité de remboursement partiel des loyers et demande le versement de 3 000 euros de dommages et intérêts complémentaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2022, le recteur de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 ;

- le décret n° 78-1159 du 12 décembre 1978 ;

- le décret n° 2013-858 du 25 septembre 2013 ;

- l'arrêté du 6 janvier 1986 relatif à l'application du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 modifié portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'État en service dans les territoires d'outre-mer ;

- l'arrêté du 25 septembre 2013 pris en application du décret n° 2013-858 du 25 septembre 2013 relatif à la retenue pour le logement et l'ameublement des agents civils du ministère de la défense et des militaires affectés en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Pire, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., professeure certifiée d'espagnol, a exercé ses fonctions au sein de l'académie de Mayotte entre les mois d'août 2014 et de juillet 2018. Par une décision du 22 janvier 2019, le vice-recteur de l'académie de Mayotte a refusé de revaloriser l'indemnité de remboursement partiel des loyers dont l'intéressée a bénéficié pour la période correspondant à son affectation dans l'académie de Mayotte. Mme A... relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2019 et à la condamnation de l'État à lui verser la somme totale de 8 152,99 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la légalité de la décision du 22 janvier 2019 :

2. Pour refuser de revaloriser l'indemnité de remboursement partiel des loyers versés entre les mois d'août 2014 et de juillet 2018 dont Mme A... a bénéficié, le vice-recteur de l'académie de Mayotte a considéré que l'abrogation de l'article 2 du décret du 6 janvier 1986 relatif à l'application du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967, qui fixait pour Mayotte le montant du loyer-plancher retenu pour le calcul de cette indemnité, n'était pas applicable aux agents du ministère de l'éducation nationale.

3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'État en service dans les territoires d'outre-mer : " Les magistrats et les fonctionnaires de l'État (...) en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Au cas où, faute de logements et d'ameublements administratifs, les magistrats et les fonctionnaires de l'État visés à l'article premier seraient obligés de se loger et de se meubler à leurs frais, ils seront admis (...) au remboursement du loyer dans les conditions définies à l'alinéa suivant. / Le montant du remboursement ne pourra pas excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté, d'une part, et, d'autre part, la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée le cas échéant de l'un ou l'autre ou des deux éléments suivants : a) Une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue prévue à l'article 3 du décret susvisé et celui du loyer réel dans la limite du loyer plafond fixé par arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et du budget, du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des simplifications administratives ; b) Une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède le loyer plafond prévu ci-dessus. / (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 12 décembre 1978 fixant le régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'État à Mayotte : " Les dispositions du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 susvisé portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'État en service dans les territoires d'outre-mer demeurent applicables à Mayotte ". L'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 relatif à l'application du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 modifié portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'État en service dans les territoires d'outre-mer, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 17 mars 1995, dispose que : " Le montant du loyer-plafond prévu à l'article 6 du décret susvisé est fixé pour Mayotte à 3 000 F à compter du 1er janvier 1995 ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 25 septembre 2013 pris en application du décret n° 2013-858 du 25 septembre 2013 relatif à la retenue pour le logement et l'ameublement des agents civils du ministère de la défense et des militaires affectés en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte : " L'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 susvisé est abrogé ". Il résulte des termes mêmes de cet article que l'arrêté du 25 septembre 2013, signé notamment par les ministres désignés à l'article 6 du décret du 29 novembre 1967, a eu pour effet d'abroger l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986 pour l'ensemble des agents auxquels celui-ci s'appliquait, et non seulement pour les agents du ministère de la défense.

5. Ainsi, le vice-recteur de l'académie de Mayotte a commis une erreur de droit en opposant à Mme A... l'inapplicabilité de l'abrogation de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1982 aux agents du ministère de l'éducation nationale.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Il résulte de ce qui précède que la décision du 22 janvier 2019 est entachée d'une illégalité fautive engageant la responsabilité de l'État.

7. En premier lieu, Mme A... a subi un préjudice financier résultant de l'application du loyer-plafond fixé par l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1986, qui avait été abrogé par le décret du 25 septembre 2013, pour le calcul de son indemnité de remboursement partiel des loyers. L'État devra lui verser une somme correspondant à la différence entre l'indemnité qu'elle a effectivement perçue et celle qu'elle aurait dû percevoir si ce loyer-plancher n'avait pas été retenu pour le calcul de l'indemnité. A cet égard, le recteur de l'académie de Mayotte ne saurait opposer qu'il ne dispose pas des éléments permettant de calculer l'indemnité en cause dès lors qu'il a déjà procédé au remboursement partiel de loyers versés par la requérante pour la même période sur la base des éléments que Mme A... lui avait fournis.

8. En second lieu, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de Mme A..., qui a été privée des sommes auxquelles elle avait droit et a dû engager des démarches contentieuses, en condamnant l'État à lui verser une somme de 500 euros à ce titre.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

9. D'une part, Mme A..., qui demande les intérêts et leur capitalisation pour le préjudice financier qu'elle a subi, a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité décrite au point 7, en l'absence d'accusé de réception de sa demande, à partir du 22 janvier 2019, date à laquelle le vice-rectorat de Mayotte a reçu, au plus tard, ladite demande.

10. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par courrier reçu le 28 février 2019. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 janvier 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2019 et à la condamnation de l'État à lui verser une somme au titre des préjudices qu'elle a subis.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 juin 2021 et la décision du vice-recteur de l'académie de Mayotte sont annulés.

Article 2 : L'État est condamné à verser à Mme A..., au titre de son préjudice financier, la somme telle que décrite au point 7 du présent arrêt, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2019. Les intérêts échus à la date du 22 janvier 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'État est condamné à verser à Mme A... une somme de 500 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence.

Article 4 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au recteur de Mayotte, et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03154 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03154
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : WEYL TAULET ASSOCIES (WTA AVOCATS)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-08;21bx03154 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award