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08/06/2023 | FRANCE | N°21BX03136

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 juin 2023, 21BX03136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 29 mars 2018 par laquelle le recteur de la Guyane a confirmé qu'elle était redevable d'une somme de 26 209,68 euros au titre de rémunérations perçues entre les mois de septembre 2015 et février 2016 alors qu'elle était à la retraite depuis le 1er septembre 2015, et de condamner l'État à lui verser la somme de 10 888,08 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 18016

83 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 29 mars 2018 par laquelle le recteur de la Guyane a confirmé qu'elle était redevable d'une somme de 26 209,68 euros au titre de rémunérations perçues entre les mois de septembre 2015 et février 2016 alors qu'elle était à la retraite depuis le 1er septembre 2015, et de condamner l'État à lui verser la somme de 10 888,08 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1801683 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 juillet 2021 et le 6 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Radamonthe-Fichet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 27 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du recteur de l'académie de la Guyane du 29 mars 2018 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 10 888,08 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais de la première instance et de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de la décision du 29 mars 2018 ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulière ;

- le titre de perception et les mises en demeures émises à son encontre ne comportent pas le nom de leur auteur, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- ni le titre de perception ni les mises en demeure ne mentionnent les bases de liquidation de la créance ;

- les sommes qui lui sont réclamées étaient prescrites ;

- l'administration a commis des fautes ; les sommes qui lui ont été versées ont été qualifiées de salaires et non de pension de retraite plus d'un an après qu'elle a perçues ; les calculs et demandes sont contradictoires ;

- elle demande une compensation d'un montant de 10 888,08 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, le recteur de l'académie de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la demande de Mme C... est irrecevable dès lors qu'elle est tardive ; en effet, la décision du 29 mars 2018 n'est qu'une décision confirmative de la décision implicite de rejet de son premier recours ;

- les moyens de Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- et les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., qui a exercé des fonctions de professeure de lycée professionnel, a été admise à la retraite à compter du 1er septembre 2015. Le 29 août 2016, un titre de perception a été émis à son encontre pour un montant de 26 209,68 euros, correspondant à des trop-perçus de rémunération pour la période comprise entre les mois de septembre 2015 et février 2016. Mme C... a formé le 18 décembre 2016 un recours administratif pour contester cette créance, qui a été explicitement rejeté par une décision du recteur de l'académie de la Guyane du 29 mars 2018. Elle relève appel du jugement du 27 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mars 2018, et à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 10 888,08 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. En l'espèce, les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision du 29 mars 2018, qui rejette son recours administratif formé contre la créance exigée par le titre de perception du 29 août 2016, devaient être regardées comme tendant à l'annulation de ce titre de perception.

3. En premier lieu, Mme C... ne peut se prévaloir de l'incompétence de l'auteur de la décision du 29 mars 2018 de rejet de son recours administratif, les vices propres de cette décision ne pouvant être utilement invoqués à l'encontre du titre de perception du 29 août 2016. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Il résulte de ces dispositions que le titre de perception individuel délivré par l'État doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision. En l'espèce, le titre de perception du 29 août 2016 indique l'identité de son ordonnateur, Mme A... B..., " responsable recettes TAV et t2 ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquide faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". L'État ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.

6. Il résulte de l'instruction que le titre de perception du 29 août 2016 indique, dans la rubrique " Détail de la somme à payer ", qu'il a été émis au titre d'un " indu sur rémunération pour la période de septembre 2015 à février 2016 " et comporte le détail des éléments de calcul de la créance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable doit être écarté.

7. En quatrième lieu, Mme C... ne peut utilement se prévaloir, pour contester le bien-fondé de la créance, de ce que les mises en demeure du 15 novembre 2016 et du 26 janvier 2018 méconnaitraient les articles L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, dès lors qu'il constituent des actes de poursuite émis dans le cadre de procédure de recouvrement, dont la régularité est sans incidence sur le bien-fondé de la créance. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.

9. En l'espèce, un courrier du 22 juin 2016 intitulé " Avis d'émission d'un ordre de reversement " a été adressé à Mme C... lui indiquant qu'elle avait indûment perçu la somme de 26 209,68 euros correspondant à des rémunérations versées entre le mois de septembre 2015 et le mois de février 2016, alors qu'elle était placée à la retraite depuis le 1er septembre 2015, et faisant état des bases de la liquidation. Par ailleurs, le titre de perception litigieux a été émis le 29 août 2016. Si Mme C... n'a eu connaissance de son existence qu'au mois de décembre 2016, lorsqu'elle a reçu une mise en demeure du 15 novembre 2016, elle indique elle-même dans son dernier mémoire que le titre de perception du 29 août 2016 lui a ensuite été notifié, à sa demande. Il résulte de l'instruction qu'à la date où Mme C... a formé son recours administratif, soit le 18 décembre 2016, tant le courrier du 22 juin 2016 que le titre de perception du 29 août 2016 lui avaient été notifiés. À cette date, la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations n'était pas acquise. Par suite, le moyen tiré de ce que la créance était prescrite doit être écarté.

10. Enfin, il résulte de l'instruction que sa rémunération a continué à être versée à Mme C... entre le mois de septembre 2015 et le mois de février 2016, alors que celle-ci avait été admise à la retraite à compter du 1er septembre 2015. La somme de 26 209,68 euros qui lui est réclamée correspond à un trop-perçu de traitement brut de 21 753,06 euros, de majoration de la vie chère de 40 % d'un montant de 8 701,20 euros, ainsi qu'une somme de 293,20 euros correspondant à l'indemnité dégressive, soit une somme totale de 30 729,24 euros, de laquelle a été déduit un montant de 4 519,56 euros correspondant aux charges sociales. Si Mme C... fait valoir que la somme réclamée ne correspond pas au montant de 19 648,82 euros mentionnée sur son bulletin de salaire de mars 2016, il résulte de l'instruction que cette somme se rapporte au montant de trop-perçu de traitement brut de 21 753,06 euros, duquel a été déduit une retenue de 2 104,24 euros correspondant à la pension civile perçue au cours de la période courant de septembre 2015 à février 2016. Par ailleurs, les cotisations de la retraite additionnelle de la fonction publique et de mutuelle versées par Mme C... durant cette période n'ont pas été perçues par l'État, auquel il ne revient ainsi pas de les rembourser à l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant de la créance serait erroné et non fondé doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit des points 2 à 10 que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du titre de perception émis le 26 août 2019.

12. Enfin, Mme C... fait valoir que l'administration a commis une faute, dès lors que le versement de sommes indues résulte de sa propre carence, justifiant que l'État soit condamné à lui verser la somme de 10 888,08 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de versement des rémunérations en litige au cours de la période comprise entre les mois de septembre 2015 et février 2016, Mme C..., qui n'a perçu sa pension de retraite, avec effet rétroactif, qu'à compter du mois d'avril 2016, aurait été dépourvue de tout revenu. En outre, cet indu de rémunération a été porté à sa connaissance dès le 22 juin 2016, soit dans un délai très court après le versement des sommes en cause, et alors que la requérante avait déjà perçu sa pension de retraite pour la période correspondante. Ainsi, l'indu à l'origine du titre de perception en litige ne peut être regardé comme résultant d'une carence fautive de l'administration. Par suite, en l'absence de faute, Mme C... n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander la condamnation de l'État à lui verser une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses demandes. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03136 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03136
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : RADAMONTHE FICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-08;21bx03136 ?
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