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01/06/2023 | FRANCE | N°21BX00626

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 01 juin 2023, 21BX00626


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 août 2019 par laquelle le centre hospitalier de

Sainte-Foy-la-Grande a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son épicondylite gauche et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de reconnaître sa maladie imputable au service.

Par un jugement n° 1904993 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, Mme A..., représentée par Mme D..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 août 2019 par laquelle le centre hospitalier de

Sainte-Foy-la-Grande a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son épicondylite gauche et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de reconnaître sa maladie imputable au service.

Par un jugement n° 1904993 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, Mme A..., représentée par Mme D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux

du 17 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 8 août 2019 par laquelle le centre hospitalier de

Sainte-Foy-la-Grande a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son épicondylite gauche ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de reconnaître imputable au service son épicondylite gauche ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros au titre de l'appel et la somme de 1 500 euros au titre de la première instance.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas signé, en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie, même non listée dans le tableau n° 57 B, dès lors qu'il est établi qu'elle est causée directement par le travail habituel de la victime ;

- la circonstance que son épicondylite gauche soit survenue 7 mois après qu'elle ait arrêté son travail ne signifie pas qu'elle n'est pas en lien avec celui-ci, ce que n'a pas recherché le Dr C..., ni la commission de réforme ; or, la survenue d'une épicondylite n'est pas nécessairement immédiate ;

- cette épicondylite a un lien direct avec son activité d'aide-soignante, qu'elle a exercée pendant des années, alors en outre qu'elle est gauchère et que cette épicondylite a été qualifiée de " chronique ".

Une ordonnance en date du 24 août 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 26 septembre 2022.

Le centre hospitalier a informé la cour le 19 avril 2023 que si une décision du

8 mars 2023 a reconnu l'imputabilité au service de " la maladie survenue le 9 novembre 2018 (coude gauche) ", il s'agit d'une erreur administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est employée comme aide-soignante par le centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande depuis 1989. Elle a été placée en congé de maladie à compter du

3 avril 2018 en raison d'une épicondylite du coude droit, qui a été reconnue imputable au service par une décision du directeur du centre hospitalier du 1er août 2018. Par un courrier en date du 4 avril 2019, Mme A... a présenté une demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'une épicondylite survenue au coude gauche. Par une décision du 8 août 2019, prise au vu de l'expertise réalisée le 24 avril 2019 par le docteur C... et de l'avis défavorable de la commission de réforme du 18 juillet 2019, le centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande a rejeté la demande de Mme A..., en estimant que cette dernière pathologie n'était pas imputable au service. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 décembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'imputabilité qui lui a été opposée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, introduites par l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 et applicables à compter du 1er janvier 2017 : " (...) IV. Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2018 : " Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. / Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., aide-soignante depuis 1989, s'est vue reconnaître l'imputabilité au service d'une épicondylite du coude droit, en raison de laquelle elle a obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par une décision du 15 juillet 2019 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Cette pathologie se traduit par une douleur du coude, due à des lésions des tendons des muscles de l'avant-bras qui se fixent sur l'épicondyle. Elle apparaît à la suite de gestes nocifs du bras et de la main, répétés et intensifs. L'épicondylite fait partie des troubles musculo-squelettiques du membre supérieur. Le tableau n° 57 B annexé au code de la sécurité sociale, qui détaille les conditions de reconnaissance comme maladie professionnelle des affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail relatives au coude, mentionne la tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens, établit le délai de prise en charge à 14 jours et désigne comme travaux susceptibles de provoquer ces maladies, les travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pro-supination.

5. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme A... souffre également d'une épicondylite du coude gauche. Pour conclure, par son avis du 24 avril 2019, à l'absence d'imputabilité au service de cette affection, le médecin agréé qui a examiné Mme A... à la demande du centre hospitalier a considéré qu'eu égard au délai de sept mois séparant l'arrêt de l'exercice de ses fonctions par la requérante, le 4 avril 2018, de la constatation de la pathologie, le 9 novembre 2018, Mme A... ne remplissait pas les conditions posées par le tableau n° 57 B des maladies professionnelles et qu'elle ne pouvait, dès lors, se prévaloir de la présomption d'imputabilité au service prévue par l'article 21 bis précité de la loi du 13 juillet 1983. Le 18 juillet 2019, la commission départementale de réforme a rendu un avis défavorable à l'imputabilité, en annexant au procès-verbal de sa réunion l'avis d'un rhumatologue se prononçant en faveur du rejet de la demande, au seul motif que le délai de 14 jours prévu par le tableau 57 B n'était pas respecté. Pour refuser à Mme A... l'imputabilité qu'elle réclame, la décision attaquée se fonde sur le rapport d'expertise du médecin agréé et sur l'avis de la commission départementale de réforme.

6. Toutefois, ce faisant, le médecin agréé, comme le rhumatologue de la commission de réforme, ne se sont prononcés que sur le fondement du tableau n° 57 B et n'ont pas recherché si, comme l'impose l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, alors que la condition tenant au délai de prise en charge n'était pas remplie, la maladie telle qu'elle est désignée dans ce tableau de maladies professionnelles pouvait être reconnue d'origine professionnelle en raison d'un lien direct avec le travail habituel de la victime.

7. Or, d'une part, il ressort d'un compte-rendu du service de chirurgie orthopédique et réparatrice du centre hospitalier de Libourne établi le 8 octobre 2018 qu'à cette date, Mme A... présentait déjà des douleurs qualifiées de " chroniques " et d'" évolutives " au coude gauche. Le compte-rendu d'IRM de ce coude gauche réalisé le 19 février 2019 évoque une épicondylite " avec des lésions assez marquées " et de caractère " chronique ". Il résulte ainsi des termes de ce document que, nonobstant la circonstance qu'elle n'ait été objectivée qu'à la date du 8 octobre 2018, cette épicondylite gauche était déjà installée et ancienne.

8. D'autre part, Mme A... pratiquait, jusqu'au 4 avril 2018, des gestes répétés de préhension ou d'extension de la main du fait de ses fonctions d'aide-soignante depuis près de 30 ans, l'origine professionnelle de son épicondylite droite ayant été reconnue pour cette raison. Or, elle fait valoir sans être contestée devant la cour que le bras gauche est son bras dominant puisqu'elle est gauchère. Dans ces conditions, ces éléments sont de nature à établir que son épicondylite chronique gauche, pour laquelle son médecin a d'ailleurs recommandé une adaptation du poste de travail, a été directement causée par l'exercice de ses fonctions au sein du centre hospitalier. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, le directeur du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande, qui a motivé sa décision par référence aux avis précités du médecin expert et de la commission de réforme, a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande de reconnaître l'imputabilité au service de l'épicondylite gauche dont souffre Mme A....

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande une somme globale de 2 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904993 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La décision du directeur du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande

du 8 août 2019 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande de reconnaître l'imputabilité au service de l'épicondylite du coude gauche de Mme A....

Article 4 : Le centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande versera à Mme A... la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2023.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00626
Date de la décision : 01/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP DELAVALLADE - GELIBERT - DELAVOYE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-01;21bx00626 ?
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