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30/05/2023 | FRANCE | N°23BX00140

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2023, 23BX00140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui renouveler un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201324 du 7 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, M. B..., représenté par M

e Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2201324 du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui renouveler un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201324 du 7 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2201324 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté en litige du 28 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de se prononcer à nouveau sur sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente de la décision à venir, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a commis une irrégularité en écartant le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en se fondant sur une délégation de signature du 27 décembre 2021, laquelle n'avait pas été produite au dossier par le préfet et donc pas été soumise au contradictoire ;

Il soutient, en ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble, que :

- la délégation de signature du 29 avril 2022 produite au dossier par le préfet ne pouvait fonder la compétence de l'auteur de l'arrêté dès lors qu'elle a été prise après cet arrêté ; la délégation de signature du 27 décembre 2021 a été consentie au secrétaire général de la préfecture pour se prononcer sur les demandes de titre de séjour en application du titre II du livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; or la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code n'était pas couverte par cette délégation dès lors qu'elle relève du titre III du livre IV du code ; quant à la délégation générale octroyée par un autre arrêté du 27 décembre 2021, elle ne pouvait fonder la compétence de l'auteur de l'arrêté en litige dès lors qu'elle ne concerne pas les décisions prises en matière de droit des étrangers.

Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :

- cette décision est insuffisamment motivée ; cette motivation insuffisante révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen suffisamment circonstancié de sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives à joindre à une demande de titre de séjour en exigeant des pièces qui ne sont pas prévues par cette réglementation ; ainsi, il n'était pas possible au préfet d'exiger la production de documents d'état civil pour une demande de renouvellement de titre de séjour présentée au titre de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant que les documents d'état civil produits n'établissaient pas sa minorité lors de son entrée sur le territoire français ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité dès lors qu'il remplit toutes les conditions figurant à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale en France, méconnaissant ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnait son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il soutient, en ce qui concerne la fixation du délai de départ volontaire, que :

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

- elle est insuffisamment motivée.

La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime, qui n'a pas présenté d'observations en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 20 février 2002, est entré irrégulièrement en France le 24 août 2018 à l'âge de 16 ans et demi selon ses déclarations. Par un jugement du tribunal de grande instance de La Rochelle du 5 novembre 2018, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de la Charente-Maritime. M. B... a ensuite bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 6 juillet 2020 au 5 juillet 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 17 mai 2021. Par un arrêté du 28 avril 2022, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement rendu le 7 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé le 28 avril 2022 par M. Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime. Par un premier arrêté n° 17-2021-12-27-009 du 27 décembre 2021, visé dans l'arrêté attaqué et régulièrement publié le même jour au recueil n° 17-2021-194 des actes administratifs de l'Etat, librement consultable sur internet, M. Molager, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Charente-Maritime à l'effet de signer tous arrêtés et décisions, " à l'exception des arrêtés de conflit, de la réquisition du comptable, de la réquisition des forces armées ". L'arrêté litigieux vise également un second arrêté n° 17-2021-12-27-0008 du 27 décembre 2021, publié au recueil n° 17-2021-195 des actes administratifs de l'Etat, donnant délégation de signature à M. Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte des termes de ces deux arrêtés du 27 décembre 2021 que, si le préfet de la Charente-Maritime a donné une délégation de signature générale au secrétaire général de la préfecture par l'arrêté n° 17-2021-12-27-009, il a entendu, en prenant l'arrêté n° 17-2021-12-27-0008, définir une délégation spécifique pour les mesures relevant de la mise en œuvre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la compétence du signataire de l'arrêté attaqué du 28 avril 2022 doit s'apprécier au regard des dispositions de ce second arrêté de délégation de signature.

3. Aux termes de l'article 1er de cet arrêté préfectoral n° 17-2021-12-27-0008 : " Délégation est donnée à M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, pour signer tous actes et décisions, relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suivants : - arrêtés portant refus de délivrance des titres de séjour sollicités sur le fondement de l'article L. 233-5 et des dispositions du titre II du livre IV ; - arrêtés portant obligation de quitter le territoire français (...) ; - décisions fixant le pays de renvoi (...) ; - mesures portant interdiction de circulation sur le territoire français (...) ; - mesures portant interdiction de retour sur le territoire français (...) ".

4. Il ressort tant des termes de la demande présentée en préfecture par M. B... que des motifs de l'arrêté attaqué que la demande de renouvellement de titre de séjour a été présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui traite de la situation de " l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ". Or cet article figure au titre III du livre IV, et non au titre II de ce même livre, titre qui regroupe les articles L. 420-1 à L. 426-23. Dans ces conditions, le secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, qui n'avait reçu délégation qu'à l'effet de signer les " arrêtés portant refus de délivrance des titres de séjour sollicités sur le fondement de l'article L. 233-5 et des dispositions du titre II du livre IV ", ainsi qu'il a été dit au point précédent, n'était pas compétent pour signer la décision refusant à M. B... le renouvellement de son titre de séjour. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 avril 2022. Dès lors, ce jugement doit être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Charente-Maritime de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à cette autorité de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Desroches, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 2201324 du tribunal administratif de Poitiers du 7 octobre 2022 et l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 avril 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Desroches, avocate de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Desroches et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Florence Demurger, présidente de la 6ème chambre,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00140 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00140
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-30;23bx00140 ?
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