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30/05/2023 | FRANCE | N°22BX02364

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2023, 22BX02364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2204171 du 12 août 2022, le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2022 M. B... A..., représenté par Me Diompy, demande à la cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement n° 2204171 du 12 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en litige du 29 juillet 2022 ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2204171 du 12 août 2022, le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2022 M. B... A..., représenté par Me Diompy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2204171 du 12 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en litige du 29 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui remettre une attestation de demande d'asile ; à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 72 heures sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait reçu l'information prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 2013/604 du 26 juin 2013 ;

- il n'a pas non plus bénéficié d'un entretien dans des conditions régulières qui lui aurait permis de comprendre le sens et la portée de la procédure dont il a fait l'objet, en méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 2013/604 ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 2013/604 dès lors que le préfet aurait dû retenir sa compétence pour examiner sa demande d'asile bien que les autorités italiennes aient déjà été saisies d'une telle demande ; il existe en effet en Italie des défaillances systémiques dans l'examen des demandes d'asile ; de plus, il est de nationalité afghane et la situation en Afghanistan l'expose à des risques personnels et graves pour sa sécurité personnelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 27 octobre 2022.

Par une ordonnance du 3 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1996, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 18 septembre 2021 selon ses déclarations. Le 28 septembre 2021, il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Gironde. Un relevé de ses empreintes décadactylaires a montré que M. A... avait déjà déposé une demande d'asile en Italie. A la demande des autorités françaises, l'Italie donné son accord pour reprendre en charge M. A... le 30 novembre 2021. Par un arrêté du 25 juillet 2022, la préfète de la Gironde a prononcé le transfert de M. A... à destination de l'Italie considérée comme responsable de l'examen de la demande d'asile. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement rendu le 12 août 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, à l'appui de ses moyens tirés de l'incompétence et de la motivation insuffisante de la décision attaquée, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite (...) dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous les cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que lors du dépôt de sa demande d'asile, M. A..., s'est vu remettre la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'UE - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " sur lesquelles sa signature est apposée. Ces documents ont été remis à l'intéressé en langue dari, qu'il a déclaré comprendre, lire et parler, et comportent l'ensemble des informations auxquelles il avait droit en sa qualité de demandeur d'asile. Dans ces conditions, M. A... a bénéficié d'une information délivrée conformément aux dispositions de l'article 4 précité du règlement (UE) n° 604/2013 et le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a, le 28 septembre 2021, bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, lequel a été conduit en langue dari, que le requérant a déclaré comprendre et lire, ainsi que l'établissent ses observations consignées sur la fiche résumant l'entrevue. L'entretien, dont le résumé atteste par ses mentions de son exhaustivité au regard du processus de détermination de l'État membre responsable, a permis à l'intéressé de faire savoir que les renseignements le concernant étaient exacts et de comprendre les informations qu'il a reçues au cours de la procédure suivie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers (...) sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...) La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant (...) l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur (...) vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement (UE) n° 604/2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...) même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

8. La faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

9. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait, en Italie, des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs, et qu'ainsi la situation de M. A... ne serait pas examinée dans ce pays selon des modalités conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si le requérant soutient, sans l'établir, qu'il serait exposé à un danger personnel en cas de retour en Afghanistan, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer dans son pays d'origine mais en Italie où sa demande d'asile sera, ainsi qu'il vient d'être dit, examinée avec les garanties requises. Enfin, la circonstance que M. A... a un cousin vivant en France sous couvert d'une carte de résident, alors que celui-ci n'est pas considéré comme un " proche " et " membre de famille " de l'étranger en vertu des dispositions du g) et du h) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/213, n'est pas suffisante pour retenir l'existence d'une considération humanitaire justifiant que les autorités françaises procèdent, à titre dérogatoire, à l'examen de la demande d'asile. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 en remettant M. A... aux autorités italiennes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 22BX02364 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président

Mme Florence Demurger, présidente de la 6ème chambre,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02364 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02364
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DIOMPY ABRAHAM HERVÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-30;22bx02364 ?
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