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30/05/2023 | FRANCE | N°22BX00069

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2023, 22BX00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 17 août 2020, par lequel le maire de Saint-Louis a retiré l'arrêté du 30 avril 2020 le nommant adjoint technique territorial stagiaire, et d'enjoindre à la commune de Saint-Louis de le rétablir dans ses fonctions de fonctionnaire territorial stagiaire et de reconstituer sa carrière. M. A... a également demandé au tribunal d'annuler la décision du 15 septembre 2020 par laquelle le maire de Saint-Louis a décidé de ne

pas renouveler son contrat de travail à durée indéterminée.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 17 août 2020, par lequel le maire de Saint-Louis a retiré l'arrêté du 30 avril 2020 le nommant adjoint technique territorial stagiaire, et d'enjoindre à la commune de Saint-Louis de le rétablir dans ses fonctions de fonctionnaire territorial stagiaire et de reconstituer sa carrière. M. A... a également demandé au tribunal d'annuler la décision du 15 septembre 2020 par laquelle le maire de Saint-Louis a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail à durée indéterminée.

Par un jugement n° 2000878 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 17 août 2020 et enjoint au maire de Saint-Louis de réintégrer M. A... dans son emploi d'adjoint technique territorial stagiaire en reconstituant sa carrière.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022 sous le n° 22BX0069, la commune de Saint-Louis, représentée par Me Benoiton, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 octobre 2021 en application des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions aux fins de sursis à exécution sont fondées sur les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ;

- l'exécution du jugement l'exposerait à un risque de perte définitive d'une somme d'argent, représentée par les traitements et indemnités à servir à M. A..., lesquels sont nettement supérieurs à la rémunération perçue par ce dernier en qualité d'agent contractuel ;

- il existe des moyens sérieux justifiant l'annulation du jugement attaqué mais aussi le rejet de la demande d'annulation présentée en première instance par M. A... à l'encontre de l'arrêté de retrait ; ainsi, ce retrait était légalement justifié par le recrutement de M. A... en méconnaissance des règles permettant à titre dérogatoire de ne pas recruter un agent par concours, par la méconnaissance de l'obligation qui pèse sur toute collectivité publique, en application du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, de recruter un agent après avoir apprécié ses mérites et capacités, par le fait que la nomination est intervenue sur un emploi dont le financement n'avait pas fait l'objet d'une inscription au budget, par la situation financière difficile de la commune relevée par le directeur régional des finances publiques et un rapport d'audit financier, et par l'incompétence du maire pour procéder à une nomination à un emploi durant la période de l'entre-deux tours des élections municipales durant laquelle ses attributions sont limitées à la gestion des affaires courantes.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2022, M. A..., représenté par Me Panurge, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 janvier 2022 et le 22 avril 2023 sous le n° 22BX00071, la commune de Saint-Louis, représentée par Me Benoiton, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000878 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le retrait en litige était légalement justifié par le recrutement de M. A... en méconnaissance des règles permettant à titre dérogatoire de ne pas recruter un agent par concours, par la méconnaissance de l'obligation qui pèse sur toute collectivité publique, en application du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, de recruter un agent après avoir apprécié ses mérites et capacités, par le fait que la nomination est intervenue sur un emploi dont le financement n'avait pas fait l'objet d'une inscription au budget, par la situation financière difficile de la commune relevée par le directeur régional des finances publiques et un rapport d'audit financier, et par l'incompétence du maire pour procéder à une nomination à un emploi durant la période de l'entre-deux tours des élections municipales durant laquelle ses attributions sont limitées à la gestion des affaires courantes ;

- ainsi, la décision de nomination, même si elle était créatrice de droits, pouvait légalement être retirée dans le délai de quatre mois suivant son édiction, ce qui a été fait.

Par mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, M. A... représenté par Me Panurge, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benoiton pour la commune de Saint-Louis et de Me Marcon se substituant à Me Panurge représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir travaillé en tant qu'agent contractuel au sein de la commune de Saint-Louis pendant plus de cinq ans, M. A... a été, par arrêté du maire de cette commune signé le 30 avril 2020, nommé adjoint technique territorial stagiaire à temps complet pour une durée d'un an. A la suite d'une lettre d'observation que le préfet de La Réunion lui a adressée le 17 juillet 2020, la maire de Saint-Louis a décidé, par un arrêté du 17 août 2020, de retirer la nomination dont avait bénéficié M. A.... Puis, par une décision du 15 septembre 2020, la maire a informé M. A... du non-renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée au-delà du 30 septembre 2020. A la demande de M. A..., le tribunal administratif de La Réunion a annulé les décisions du 17 août et du 15 septembre 2020 par un jugement rendu le 7 octobre 2021 dont la commune de Saint-Louis relève appel par une requête enregistrée sous le n° 22BX00071. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 22BX00069, la commune de Saint-Louis demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 22BX00071 :

En ce qui concerne l'arrêté du 17 août 2020 retirant la nomination de M. A... :

2. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".

3. L'arrêté du 30 avril 2020 nommant M. A... adjoint technique territorial stagiaire avait créé des droits au profit de ce dernier. S'il a été retiré le 17 août 2020, soit dans le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 précité, la légalité d'un tel retrait demeure subordonnée, en application de ces mêmes dispositions, à l'illégalité de l'arrêté initial de nomination.

4. En premier lieu, la maire de Saint-Louis a retiré l'arrêté du 30 avril 2020 au motif que " le recrutement sans concours de M. A... a été effectué en méconnaissance des règles relatives aux modes d'accès à la fonction publique prévue notamment par l'article 13 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et par le décret n° 2006-1691 ".

5. D'une part, si l'article 13 de la loi du 12 mars 2012, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, permet d'organiser un accès aux cadres d'emplois des fonctionnaires territoriaux par la voie d'un recrutement réservé valorisant les acquis professionnels, l'arrêté de nomination du 30 avril 2020 n'a pas mis en œuvre ce dispositif, que le législateur a voulu temporaire en prévoyant qu'il cesserait de s'appliquer à compter du 13 mars 2018, soit six ans après la publication de la loi, et qui n'était dès lors plus en vigueur lorsque M. A... a été nommé agent stagiaire. Par suite, le maire de Saint-Louis ne pouvait se fonder légalement sur la méconnaissance des dispositions de l'article 13 de la loi du 12 mars 2012, qui n'est d'ailleurs nullement explicitée dans les motifs de sa décision, pour prendre l'arrêté de retrait en litige.

6. D'autre part, aux termes de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours (...) ". Aux termes de l'article 38 de la même loi : " Par dérogation à l'article 36, les fonctionnaires peuvent être recrutés sans concours : / (...) d) pour le recrutement des fonctionnaires de catégorie C, lorsque le grade de début est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les adjoints techniques territoriaux sont recrutés sans concours dans le grade d'adjoint technique territorial (...) ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an (...) ". C'est sur le fondement de ces dispositions, qui dérogent au principe du recrutement par concours figurant à l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984, que le maire de Saint-Louis a, par l'arrêté du 30 avril 2020, nommé M. A... stagiaire pour une durée d'un an dans le grade de début du cadre d'emplois des adjoints technique territoriaux, lequel est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de la fonction publique. Ce faisant, le maire n'a pas méconnu les dispositions législatives et réglementaires précitées, si bien que l'arrêté en litige du 17 août 2020 ne pouvait légalement se fonder sur cette méconnaissance, qui n'est d'ailleurs nullement explicitée dans ses motifs, pour retirer la nomination de M. A....

7. En deuxième lieu, l'arrêté de retrait du 17 août 2020 est fondé sur un deuxième motif tiré de " l'absence de définition des modalités d'examen des aptitudes des candidats et l'absence de motivation de la décision de nomination sur les vertus, talents et capacités de l'intéressé à remplir ses missions au regard de la nature du service public concerné ".

8. Il incombe dans tous les cas à l'autorité compétente de ne procéder au recrutement de fonctionnaires qu'après avoir précisé les modalités selon lesquelles les aptitudes des candidats seront examinées et, s'étant conformée à ces modalités, de ne fonder sa décision de nomination que sur les vertus, talents et capacités des intéressés à remplir leurs missions, au regard de la nature du service public considéré et des règles, le cas échéant statutaires, régissant l'organisation et le fonctionnement de ce service.

9. Il ressort des mentions figurant sur l'arrêté nommant M. A... en qualité d'adjoint technique territorial stagiaire que cette nomination a été précédée d'une déclaration de vacance de l'emploi correspondant, conformément à l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984. Il ne ressort pas des pièces du dossier, d'appel comme de première instance, que d'autres candidats que M. A... auraient postulé sur l'emploi déclaré vacant, obligeant ainsi la commune à comparer les mérites de ce dernier avec d'autres concurrents. En revanche, le maire de Saint-Louis disposait des éléments lui permettant d'apprécier les vertus, talents et capacités de M. A..., seul candidat au poste déclaré vacant, dès lors que celui-ci travaillait pour les services communaux depuis plus de cinq ans à la date de sa nomination comme agent stagiaire. Au demeurant, cette nomination ne dispense pas M. A... de continuer à faire preuve de ses capacités dès lors qu'en vertu de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006, il est astreint à suivre une formation d'intégration et ne pourra prétendre à être titularisé à l'issue de son stage que si ses services auront donné satisfaction. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nomination de M. A... serait intervenue en méconnaissance du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics.

10. En troisième lieu, l'arrêté de retrait est fondé sur un troisième motif tiré de " l'absence de cadre légal du plan de titularisation mis en œuvre en violation du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics ".

11. Alors que ce motif se borne à reproduire les observations émises par le préfet de La Réunion dans son recours gracieux du 17 juillet 2020 au maire de Saint-Louis, et quand bien même d'autres agents ont bénéficié d'une nomination comme stagiaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nomination de M. A..., qui trouve son fondement légal dans l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et dans les dispositions du décret du 22 décembre 2006, serait intervenue, en réalité, au titre de l'exécution d'un plan de titularisation dépourvu de tout cadre juridique.

12. En quatrième lieu, l'arrêté de retrait est fondé sur un quatrième motif tiré de " l'absence d'inscription des crédits nécessaires ".

13. Aux termes de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984, alors en vigueur : " Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. (...) / Aucune création d'emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles au chapitre budgétaire correspondant ne le permettent. ". Aux termes de l'article 40 de la même loi : " La nomination aux grades et emplois de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale. ".

14. Par une délibération n° 32 du 5 février 2014, le conseil municipal de la commune de Saint-Louis a approuvé la création de 55 postes d'adjoints techniques territoriaux de 2ème classe en portant ainsi les effectifs municipaux dans ce grade à 1085 agents dont 847 à temps complet. Il résulte ensuite du tableau des effectifs municipaux, approuvé par le conseil municipal le 12 novembre 2018, que 1 177 emplois d'adjoint technique territorial ont été créés et budgétés dont 895 à temps complet (463 titulaires et 432 non titulaires) et que 72 emplois d'adjoint technique territorial étaient vacants. La commune de Saint-Louis ne produit aucun élément, qu'elle est la seule à pouvoir détenir, de nature à établir que, du fait des recrutements d'agents techniques territoriaux opérés entre le 12 novembre 2018 et le 30 avril 2020, date de la nomination de M. A..., il n'existait plus en son sein d'emploi créé, budgété et vacant relevant de cette catégorie. Dans ces conditions, la nomination de M. A... doit être regardée comme ayant été effectuée conformément aux dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984. Par ailleurs, les circonstances que le préfet et le directeur régional des finances publiques de La Réunion aient, par un courrier du 17 septembre 2020, alerté le maire de Saint-Louis de l'existence d'indicateurs financiers dégradés en l'invitant à participer à une réunion en vue de redresser la situation financière de la commune, et qu'un audit financier réalisé par un cabinet privé pour la période 2014-2019 ait relevé que cette commune faisait face à des charges de fonctionnement, et notamment de personnel, très importantes, sont par elles-mêmes sans incidence sur la légalité proprement dite de l'arrêté de nomination de M. A.... Dans ces conditions, le maire de Saint-Louis ne pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 pour retirer l'arrêté de nomination du 30 avril 2020.

15. En cinquième lieu, le retrait en litige est fondé sur un motif tiré de ce que l'arrêté de nomination a méconnu le principe de non-rétroactivité des actes administratifs dès lors qu'il a fixé son entrée en vigueur au 1er mai 2020, soit antérieurement à sa transmission au représentant de l'Etat, laquelle est intervenue le 7 mai 2020 seulement.

16. Il résulte des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales que l'entrée en vigueur d'une décision individuelle relative à la nomination d'un agent a lieu lors de sa transmission au représentant de l'Etat dans le département, et non antérieurement à celle-ci. Toutefois, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de La Réunion, cette circonstance était de nature à conférer une portée rétroactive illégale à l'arrêté de nomination de M. A... seulement en tant qu'il a fixé son entrée en vigueur à une date antérieure à cette transmission. Le motif ainsi retenu ne pouvait, par suite, fonder le retrait de l'arrêté de nomination que dans cette mesure, mais non dans sa totalité.

17. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de La Réunion a censuré les motifs qui ont fondé l'arrêté retirant la nomination de M. A..., pour en déduire que cette nomination n'était pas illégale à compter du 7 mai 2020.

18. Néanmoins, et en sixième lieu, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

19. Devant la cour, la commune de Saint-Louis soutient qu'un autre motif est de nature à fonder légalement l'arrêté de retrait du 17 août 2020, tiré de l'incompétence du maire pour signer la décision de nomination, laquelle ne se rattache pas à la gestion des affaires courantes, qu'il appartenait seulement à cette autorité d'expédier durant la période de l'entre-deux-tours des élections municipales.

20. Il résulte des dispositions de l'article 40 de la loi du 26 janvier 1984, citées au point 13, que la nomination d'un fonctionnaire territorial dans un emploi vacant au sein d'une collectivité locale relève de la compétence de l'autorité exécutive de cette institution.

21. Il ne résulte d'aucun principe ni d'aucune disposition législative ou règlementaire que la compétence du maire serait limitée à l'expédition des affaires courantes pendant la période correspondant à l'entre-deux-tours d'une élection municipale, d'autant que celle de 2020 a été prolongée jusqu'au 28 juin 2020 à la suite de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Une telle restriction de compétences ne résulte pas non plus des dispositions de l'ordonnance du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19. Par suite, le maire, qui avait conservé cette qualité jusqu'au résultat du second tour des élections municipales du 28 juin 2020, demeurait compétent pour procéder à la nomination de M. A... à la date du 30 avril 2020. La demande de substitution de motifs présentée par la commune doit dès lors être écartée.

22. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par la commune de Saint-Louis n'est de nature à établir l'illégalité de l'arrêté de nomination du 30 avril 2020. Par suite, en procédant à son retrait par l'arrêté en litige du 17 août 2020, la maire a méconnu les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration fixant les règles régissant le retrait des actes créateurs de droits.

En ce qui concerne la décision du 15 septembre 2020 de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de M. A... :

23. L'annulation de l'arrêté du 17 août 2020 a pour effet de rétablir dans l'ordonnancement juridique la décision du 30 avril 2020 nommant M. A... agent technique territorial stagiaire. Dans ces conditions, la décision du 15 septembre 2020 par laquelle le maire de Saint-Louis a informé M. A... du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée présente un caractère superfétatoire dès lors que l'intéressé est pleinement rétabli dans les droits qu'il tient de son arrêté de nomination. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé l'annulation de la décision du 15 septembre 2020. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué qui prononce cette annulation.

24. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a, à l'article 1er du jugement attaqué, annulé l'arrêté du 17 août 2020. En revanche, compte tenu de ce qui a été dit au point 23, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement.

Sur la requête n° 22BX00069 :

25. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 octobre 2021, la demande de la commune de Saint-Louis tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par l'appelante tendant à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la commune de Saint-Louis la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2000878 du tribunal administratif de La Réunion du 7 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22BX00071 de la commune de Saint-Louis est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22BX00069.

Article 4 : La commune de Saint-Louis versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Louis et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas président de la cour,

Mme Florence Demurger, présidente de la 6ème chambre,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00069 / 22BX00071 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : K/BIDI EMELINE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 30/05/2023
Date de l'import : 04/06/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22BX00069
Numéro NOR : CETATEXT000047618078 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-30;22bx00069 ?
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