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30/05/2023 | FRANCE | N°22BX00068

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2023, 22BX00068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 17 août 2020, par lequel le maire de Saint-Louis a retiré l'arrêté du 26 juin 2020 le nommant adjoint technique territorial stagiaire et d'enjoindre à la commune de Saint-Louis de le rétablir dans ses fonctions de fonctionnaire territorial stagiaire et de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 2000970 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 17 août 2020 et enjoin

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 17 août 2020, par lequel le maire de Saint-Louis a retiré l'arrêté du 26 juin 2020 le nommant adjoint technique territorial stagiaire et d'enjoindre à la commune de Saint-Louis de le rétablir dans ses fonctions de fonctionnaire territorial stagiaire et de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 2000970 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 17 août 2020 et enjoint au maire de Saint-Louis de réintégrer M. B... dans son emploi d'adjoint technique territorial stagiaire en reconstituant sa carrière.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 22BX00068, le 8 janvier 2022 et des mémoires présentés le 4 juillet 2022, le 12 septembre 2022, le 3 mars 2023 et le 20 avril 2023, la commune de Saint-Louis, représentée par Me Benoiton, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000970 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que l'administration a retiré l'arrêté de nomination en raison de l'absence de crédits nécessaires et disponibles pour la nomination sur cet emploi ; il n'y a pas eu de tableau des effectifs approuvé par le conseil municipal en 2019, ce qui montre qu'il n'existait pas de poste vacant ; il n'y avait pas de crédits disponibles au chapitre budgétaire ; la situation financière dégradée de la commune, relevée notamment par le préfet et par un rapport d'audit d'un cabinet privé, est caractérisée par des charges de personnel très élevées ; le maire a mis en œuvre un plan de titularisation massif sans fondement légal ;

- le retrait décidé par le maire était légalement justifié par le recrutement de M. B... en méconnaissance des règles permettant à titre dérogatoire de ne pas recruter un agent par concours, par la méconnaissance de l'obligation qui pèse sur toute collectivité publique, en application du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, de recruter un agent après avoir apprécié ses mérites et capacités, par l'incompétence du maire pour procéder à une nomination à un emploi durant la période de l'entre-deux tours des élections municipales durant laquelle ses attributions sont limitées à la gestion des affaires courantes ;

- le retrait peut être légalement fondé sur un autre motif tiré du non-respect du délai d'un mois entre la publication de l'avis de vacance et le recrutement de l'agent, délai qui découle des dispositions des décrets du 28 décembre 2018 et du 19 décembre 2019 ;

- ainsi, même si elle était créatrice de droits, la décision en litige était illégale et pouvait être retirée dans le délai de quatre mois suivant son édiction, ce qui a été fait.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2022, M. B..., représenté par Me Seroc conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire en intervention du 7 mars 2023, le préfet de La Réunion s'associe aux conclusions de la commune de Saint-Louis tendant à l'annulation du jugement du tribunal et au rejet de la demande de première instance de M. B....

Il soutient que l'arrêté de nomination est entaché des illégalités relevées à juste titre par la commune dans ses écritures.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 janvier 2022 et le 4 juillet 2022 sous le n° 22BX0070, la commune de Saint-Louis, représentée par Me Benoiton, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 octobre 2021 en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions aux fins de sursis à exécution sont fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- il existe des moyens sérieux justifiant l'annulation du jugement attaqué mais aussi le rejet de la demande d'annulation présentée en première instance par M. B... à l'encontre de l'arrêté de retrait ; ainsi, ce retrait était légalement justifié par le recrutement de M. B... en méconnaissance des règles permettant à titre dérogatoire de ne pas recruter un agent par concours, par la méconnaissance de l'obligation qui pèse sur toute collectivité publique, en application du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, de recruter un agent après avoir apprécié ses mérites et capacités, par le fait que la nomination est intervenue sur un emploi dont le financement n'avait pas fait l'objet d'une inscription au budget, par la situation financière difficile de la commune relevée par le directeur régional des finances publiques et un rapport d'audit financier, et par l'incompétence du maire pour procéder à une nomination à un emploi durant la période de l'entre-deux tours des élections municipales durant laquelle ses attributions sont limitées à la gestion des affaires courantes.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2022, M. B..., représenté par Me Seroc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 1 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 2018-1351 du 28 décembre 2018 ;

- le décret n° 2019-1414 du 19 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benoiton pour la commune de Saint-Louis.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir travaillé en tant qu'agent contractuel au sein de la commune de Saint-Louis pendant près de sept ans, M. B... a été, par arrêté du maire de cette commune signé le 26 juin 2020, nommé adjoint technique territorial stagiaire à temps complet pour une durée d'un an. A la suite d'une lettre d'observation que le préfet de La Réunion lui a adressée le 17 juillet 2020, la maire de Saint-Louis a décidé, par un arrêté du 17 août 2020, de retirer la nomination dont avait bénéficié M. B.... A la demande de M. B..., le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 17 août 2020 par un jugement rendu le 7 octobre 2021 dont la commune de Saint-Louis relève appel par une requête enregistrée sous le n° 22BX00068. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 22BX00070, la commune de Saint-Louis demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 22BX00068 :

En ce qui concerne l'intervention du préfet de La Réunion :

2. Il ressort des pièces du dossier que la décision de retrait du 17 août 2020 a été prise à la suite d'une lettre d'observation que le préfet avait adressée au maire le 17 juillet 2020 dans l'exercice de sa mission de contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales. Par suite, le préfet justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions de la commune tendant à l'annulation du jugement attaqué.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de retrait :

3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".

4. L'arrêté du 26 juin 2020 nommant M. B... adjoint technique territorial stagiaire avait créé des droits au profit de ce dernier. S'il a été retiré le 17 août 2020, soit dans le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 précité, la légalité d'un tel retrait demeure subordonnée, en application de ces mêmes dispositions, à l'illégalité de l'arrêté initial de nomination.

5. En premier lieu, la maire de Saint-Louis a retiré l'arrêté du 26 juin 2020 au motif que " le recrutement sans concours de M. B... a été effectué en méconnaissance des règles relatives aux modes d'accès à la fonction publique prévue notamment par l'article 13 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et par le décret n° 2006-1691 ".

6. D'une part, si l'article 13 de la loi du 12 mars 2012, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, permet d'organiser un accès aux cadres d'emplois des fonctionnaires territoriaux par la voie d'un recrutement réservé valorisant les acquis professionnels, l'arrêté de nomination du 26 juin 2020 n'a pas mis en œuvre ce dispositif, que le législateur a voulu temporaire en prévoyant qu'il cesserait de s'appliquer à compter du 13 mars 2018, soit six ans après la publication de la loi, et qui n'était dès lors plus en vigueur lorsque M. B... a été nommé agent stagiaire. Par suite, le maire de Saint-Louis ne pouvait se fonder légalement sur la méconnaissance des dispositions de l'article 13 de la loi du 12 mars 2012, qui n'est d'ailleurs nullement explicitée dans les motifs de sa décision, pour prendre l'arrêté de retrait en litige.

7. D'autre part, aux termes de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours (...) ". Aux termes de l'article 38 de la même loi : " Par dérogation à l'article 36, les fonctionnaires peuvent être recrutés sans concours : / (...) d) pour le recrutement des fonctionnaires de catégorie C, lorsque le grade de début est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les adjoints techniques territoriaux sont recrutés sans concours dans le grade d'adjoint technique territorial (...) ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an (...) ". C'est sur le fondement de ces dispositions, qui dérogent au principe du recrutement par concours figurant à l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984, que le maire de Saint-Louis a, par l'arrêté du 26 juin 2020, nommé M. B... stagiaire pour une durée d'un an dans le grade de début du cadre d'emplois des adjoints technique territoriaux, lequel est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de la fonction publique. Ce faisant, le maire n'a pas méconnu les dispositions législatives et réglementaires précitées, si bien que l'arrêté en litige du 17 août 2020 ne pouvait légalement se fonder sur cette méconnaissance, qui n'est d'ailleurs nullement explicitée dans ses motifs, pour retirer la nomination de M. B....

8. En deuxième lieu, l'arrêté de retrait du 17 août 2020 est fondé sur un deuxième motif tiré de " l'absence de définition des modalités d'examen des aptitudes des candidats et l'absence de motivation de la décision de nomination sur les vertus, talents et capacités de l'intéressé à remplir ses missions au regard de la nature du service public concerné ".

9. Il incombe dans tous les cas à l'autorité compétente de ne procéder au recrutement de fonctionnaires qu'après avoir précisé les modalités selon lesquelles les aptitudes des candidats seront examinées et, s'étant conformée à ces modalités, de ne fonder sa décision de nomination que sur les vertus, talents et capacités des intéressés à remplir leurs missions, au regard de la nature du service public considéré et des règles, le cas échéant statutaires, régissant l'organisation et le fonctionnement de ce service.

10. Il ressort des mentions figurant sur l'arrêté nommant M. B... adjoint technique territorial stagiaire que cette nomination a été précédée d'une déclaration de vacance de l'emploi correspondant, portant le numéro 9742006003729015, conformément à l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984. Il ne ressort pas des pièces du dossier, d'appel comme de première instance, que d'autres candidats que M. B... auraient postulé sur l'emploi déclaré vacant obligeant ainsi la commune à comparer les mérites de ce dernier avec d'autres concurrents. En revanche, le maire de Saint-Louis disposait des éléments lui permettant d'apprécier les vertus, talents et capacités de M. B..., seul candidat au poste déclaré vacant, dès lors que celui-ci travaillait pour les services communaux depuis plus près de sept ans à la date de sa nomination comme agent stagiaire. Au demeurant, cette nomination ne dispense pas M. B... de continuer à faire preuve de ses capacités dès lors qu'en vertu de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006, il est astreint à suivre une formation d'intégration et ne pourra prétendre à être titularisé à l'issue de son stage que si ses services auront donné satisfaction. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nomination de M. B... serait intervenue en méconnaissance du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics.

11. En troisième lieu, l'arrêté de retrait est fondé sur un motif tiré de " l'absence de cadre légal du plan de titularisation mis en œuvre en violation du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics ".

12. Alors que ce motif se borne à reproduire les observations émises par le préfet de La Réunion dans son recours gracieux du 17 juillet 2020 au maire de Saint-Louis, et quand bien même d'autres agents ont bénéficié d'une nomination comme stagiaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nomination de M. B..., qui trouve son fondement légal dans l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et dans les dispositions du décret du 22 décembre 2006, serait intervenue, en réalité, au titre de l'exécution d'un plan de titularisation dépourvu de tout cadre juridique.

13. En quatrième lieu, l'arrêté de retrait est fondé sur un motif tiré de " l'absence d'inscription des crédits nécessaires ".

14. Aux termes de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984, alors en vigueur : " Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. (...) / Aucune création d'emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles au chapitre budgétaire correspondant ne le permettent. ". Aux termes de l'article 40 de la même loi : " La nomination aux grades et emplois de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale. ".

15. Par une délibération n° 32 du 5 février 2014, le conseil municipal de la commune de Saint-Louis a approuvé la création de 55 postes d'adjoints techniques territoriaux de 2ème classe en portant ainsi les effectifs municipaux dans ce grade à 1085 agents dont 847 à temps complet. Il résulte ensuite du tableau des effectifs municipaux, approuvé par le conseil municipal le 12 novembre 2018, que 1 177 emplois d'adjoint technique territorial ont été créés et budgétés dont 895 à temps complet (463 titulaires et 432 non titulaires) et que 72 emplois d'adjoint technique territorial étaient vacants. La commune de Saint-Louis ne produit aucun élément, qu'elle est la seule à pouvoir détenir, de nature à établir que, du fait des recrutements d'agents techniques territoriaux opérés entre le 12 novembre 2018 et le 26 juin 2020, date de la nomination de M. B..., il n'existait plus en son sein d'emploi créé, budgété et vacant relevant de cette catégorie. Dans ces conditions, la nomination de M. B... doit être regardée comme ayant été effectuée conformément aux dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984. Par ailleurs, les circonstances que le préfet et le directeur régional des finances publiques de La Réunion aient, par un courrier du 17 septembre 2020, alerté le maire de Saint-Louis de l'existence d'indicateurs financiers dégradés en l'invitant à participer à une réunion en vue de redresser la situation financière de la commune, et qu'un audit financier réalisé par un cabinet privé pour la période 2014-2019 ait relevé que cette commune faisait face à des charges de fonctionnement, et notamment de personnel, très importantes, sont par elles-mêmes sans incidence sur la légalité proprement dite de l'arrêté de nomination de M. B.... Dans ces conditions, le maire de Saint-Louis ne pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 pour retirer l'arrêté de nomination du 26 juin 2020.

16. En cinquième lieu, le retrait de la nomination de M. B... est également fondé sur un motif tiré de l'incompétence du maire pour signer la décision de nomination, dès lors qu'une telle décision ne se rattache pas à la gestion des affaires courantes, qu'il appartenait seulement à cette autorité d'expédier durant la période de l'entre-deux-tours des élections municipales.

17. Il résulte des dispositions de l'article 40 de la loi du 26 janvier 1984, citées au point 14, que la nomination d'un fonctionnaire territorial dans un emploi vacant au sein d'une collectivité locale relève de la compétence de l'autorité exécutive de cette institution.

18. Il ne résulte d'aucun principe ni d'aucune disposition législative ou règlementaire que la compétence du maire serait limitée à l'expédition des affaires courantes pendant la période correspondant à l'entre-deux-tours d'une élection municipale, d'autant que celle de 2020 a été prolongée jusqu'au 28 juin 2020 à la suite de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Une telle restriction de compétences ne résulte pas non plus des dispositions de l'ordonnance du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19. Par suite, le maire, qui avait conservé cette qualité jusqu'au résultat du second tour des élections municipales du 28 juin 2020, demeurait compétent pour procéder à la nomination de M. B... à la date du 26 juin 2020.

19. En sixième et dernier lieu, la commune de Saint-Louis fait valoir devant la cour que la nomination de M. B... est illégale dès lors qu'elle est intervenue moins d'un mois après la publication de l'avis de vacance du poste à pourvoir. Ce faisant, elle doit être regardée comme demandant à la cour de substituer ce motif à ceux initialement retenus pour fonder le retrait de la nomination de l'intéressé.

20. Aux termes de l'article 4 du décret du 28 décembre 2018 relatif à l'obligation de publicité des emplois vacants sur un espace numérique commun aux trois fonctions publiques : " Sauf urgence, la durée de publication de l'avis de vacance sur l'espace numérique commun ne peut être inférieure à un mois. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels V : " I. - L'autorité compétente procède à la publication, par tout moyen approprié, des modalités de la procédure de recrutement applicable aux emplois permanents susceptibles d'être occupés par des agents contractuels qu'elle décide de pourvoir. II. - L'autorité compétente assure la publication de l'avis de vacance (...) à pourvoir sur l'espace numérique commun aux trois fonctions publiques dans les conditions prévues par le décret du 28 décembre 2018 mentionné ci-dessus. (...). IV. - Les candidatures sont adressées à l'autorité mentionnée dans l'avis de vacance (...) dans la limite d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de publication de cet avis selon les modalités prévues au II. L'autorité compétente accuse réception de chaque candidature. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 : " Les adjoints techniques territoriaux sont chargés de tâches techniques d'exécution. Ils exercent leurs fonctions dans les domaines du bâtiment, des travaux publics, de la voirie et des réseaux divers, des espaces naturels et des espaces verts, de la mécanique et de l'électromécanique, de la restauration, de l'environnement et de l'hygiène, de la logistique et de la sécurité, de la communication et du spectacle, de l'artisanat d'art. Ils peuvent également exercer un emploi : 1° D'égoutier, chargé de maintenir les égouts, visitables ou non, dans un état permettant l'écoulement des eaux usées ; 2° D'éboueur ou d'agent du service de nettoiement chargé de la gestion et du traitement des ordures ménagères ; 3° De fossoyeur ou de porteur chargé de procéder aux travaux nécessités par les opérations mortuaires ; 4° D'agent de désinfection chargé de participer aux mesures de prophylaxie des maladies contagieuses, notamment par la désinfection des locaux et la recherche des causes de la contamination. "

21. Pour soutenir que M. B... a été recruté avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la publication de l'avis de vacance de poste, prévu par les dispositions règlementaires précitées, la commune de Saint-Louis produit une déclaration de vacance d'emploi du 5 juin 2020, laquelle porte toutefois le numéro 9742006600037291001 qui ne correspond pas à celui visé dans l'arrêté nommant M. B... agent stagiaire. De plus, l'avis de vacance produit par la commune concerne un poste " manager de proximité enfance, jeune et animation " qui n'est pas au nombre de ceux que les adjoints techniques territoriaux ont vocation à occuper en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres personnes auraient présenté leur candidature dans le mois qui a suivi la publication de l'avis de vacance et notamment entre le 26 juin 2020, date de la nomination de M. B..., et le 5 juillet 2020, date d'expiration du délai d'un mois. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du délai précité d'un mois doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par la commune de Saint-Louis n'est de nature à établir l'illégalité de l'arrêté de nomination du 26 juin 2020. Par suite, en procédant à son retrait par l'arrêté en litige du 17 août 2020, la maire de Saint-Louis a méconnu les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration fixant les règles régissant le retrait des actes créateurs de droits. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 17 août 2020 et prescrit à la commune de réintégrer M. B... dans son emploi d'adjoint technique territorial stagiaire et de reconstituer sa carrière.

Sur la requête n° 22BX00070 :

23. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 7 octobre 2021, la demande de la commune de Saint-Louis tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par l'appelante tendant à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la commune de Saint-Louis la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : L'intervention du préfet de La Réunion est admise.

Article 2 : La requête n° 22BX0068 de la commune de Saint-Louis est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22BX00070.

Article 4 : La commune de Saint-Louis versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Louis et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas président de la cour,

Mme Florence Demurger, présidente de la 6ème chambre,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00068 / 22BX00070 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00068
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BENOITON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-30;22bx00068 ?
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