Vu la procédure suivante :
M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1905746 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Jany, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1905746 du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure est irrégulière ; ni la proposition de rectification du 23 octobre 2017, ni la réponse aux observations du contribuable du 23 novembre de la même année ne font mention des amendes générées par la vérification de comptabilité ; l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été méconnu ; le tribunal administratif a omis de statuer sur cet argument ;
- la mission de sous-traitance a été réalisée, sur un chantier de très grande ampleur ; la facturation qui a été payée, correspond à une charge réelle pour la société et aux accords pris ; les factures doivent être admises en déduction au visa de l'acquisition et/ou la conservation du revenu tel que visé à l'article 13 du code général des impôts ;
- la seule qualité du maître de l'ouvrage et du cahier des charges, nécessairement demandé pour sélectionner l'entreprise, et du déblocage des fonds dans le cadre du suivi des travaux, est à elle seule de nature à démontrer de manière irréfragable qu'il n'y a eu aucune facture fictive dans le cadre de l'exécution de ce chantier ;
- les indemnités kilométriques déduites du résultat de la société sont conformes à la réalité ; l'entreprise a démontré la réalité des trajets que ses salariés et dirigeants devaient réaliser avec leur véhicule personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'imposition de la somme de 6 100 euros, inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. C... et correspondant au résultat comptable de la société de 2014 n'est pas contestée ;
- il demande une substitution de base légale et que l'article 109, 1-2° du code général des impôts soit substitué à l'article 111, comme fondement de l'imposition de revenus distribués ;
- les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Eurointes, dont M. C... était le gérant et associé, a exercé une activité de maçonnerie générale et de gros œuvre dans le bâtiment. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 23 octobre 2017, l'administration lui a notifié, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis d'intérêts de retard et des amendes en application des articles 1728, 1729 et 1737 du code général des impôts. Par deux propositions de rectification des 22 décembre 2017 et 15 mars 2018, l'administration a notifié à M. et Mme C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014, 2015 et 2016 pour un montant total, en droits et pénalités, de 63 626 euros. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions au titre des années 2014 et 2015.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En vertu du principe de l'indépendance des procédures menées à l'égard d'une société de capitaux et de ses associés, les éventuelles irrégularités de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la société par actions simplifiée Eurointes sont sans incidence sur les conséquences tirées par l'administration du contrôle de la société sur les sommes soumises à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au nom de M. et Mme C.... Par suite, le moyen tiré du défaut de mention des amendes infligées sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts dans la proposition de rectification du 23 octobre 2017 et la réponse aux observations du contribuable du 23 novembre ne peut, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, qu'être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les factures fictives :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".
4. M. et Mme C... ayant régulièrement exprimé leur désaccord sur les rectifications qui leur ont été proposées selon la procédure contradictoire, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus qui auraient été distribués par la société Eurointes. Pour établir la réalité des distributions imputées à M. C..., l'administration fait valoir que la société Eurointes a eu recours à des factures fictives. Elle se prévaut du procès-verbal dressé le 8 décembre 2016 dans lequel le gérant a reconnu devant la brigade de contrôle et de recherche des services fiscaux, avoir lui-même établi des factures au nom de la société Palavra Maravilha à la société Eurointes pour des travaux en sous-traitance d'un montant de 50 000 euros et avoir en réalité appréhendé cette somme pour ses besoins personnels. L'administration apporte ainsi des éléments suffisants de nature à établir la réalité des distributions en litige. En réponse, les requérants se bornent à soutenir que les prestations de sous-traitance réalisées dans le cadre de l'exécution d'un important marché public de rénovation d'un collège sont bien réelles. Ils ne fournissent cependant devant la cour, comme d'ailleurs devant le tribunal, aucun élément de nature à établir la réalisation effective des prestations facturées. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant que les charges remises en cause étaient injustifiées, et que les sommes correspondantes étaient ainsi réputées distribuées.
En ce qui concerne les indemnités kilométriques :
5. Dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Eurointes, l'administration a constaté que la société avait comptabilisé en charges des indemnités kilométriques à hauteur de 32 746 euros, 37 348 euros et de 66 362 euros au titre respectif des années 2014, 2015 et 2016, qui ont été créditées sur le compte courant d'associé de M. C.... L'administration, après avoir admis que le kilométrage effectué l'avait été pour un motif professionnel et appliqué le barème administratif, a remis en cause la déduction des charges correspondantes à hauteur des sommes de 11 315 euros, 15 446 euros et 46 698 euros au titre des trois années contrôlées et les a réintégrées dans les revenus de M. C... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 111 d) du code général des impôts.
6. L'administration demande à la cour de substituer à ces dispositions celles du 2° de l'article 109-1 de ce code, en ce qui concerne le remboursement d'indemnités kilométriques perçu par M. C.... L'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit, à tout moment de la procédure, de justifier l'impôt par un nouveau fondement légal, à condition de ne priver le contribuable d'aucune des garanties légales auxquelles il a droit. En l'espèce, la procédure de rectification reste la même, que les rectifications soient fondées sur le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ou sur le c de l'article 111 de ce code. La substitution de base légale demandée par le ministre ne prive donc pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi et peut, dès lors, être accueillie.
7. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus mobiliers. L'administration fiscale a constaté qu'au titre des années vérifiées, la société Eurointes avait remboursé à M. C..., son gérant, des indemnités kilométriques, comptabilisées au crédit du compte courant d'associé, sans justifier de manière probante de la réalité et du caractère professionnel des déplacements allégués. Dans ces conditions, les remboursements non justifiés de frais alloués par la société à M. C... constituent des dépenses à caractère personnel prises en charge par la société. Par suite, c'est à bon droit que le service a imposé les charges non justifiées comme revenus distribués en application du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, à la supposer soulevée en défense, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme C... en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Mickael Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023.
La rapporteure,
Bénédicte B...La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02572