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23/05/2023 | FRANCE | N°21BX00268

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 23 mai 2023, 21BX00268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Self Saint-Pierre et Miquelon a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser une provision de 247 382,87 euros HT et la somme de 40 euros pour frais de recouvrement au titre du décompte général et définitif du lot n° 7A " électricité / chauffage " relatif à la construction de la maison de la nature et de l'environnement à Miquelon.

Par une ordonnance n° 1700010 du 22 janvier 2018, le

juge des référés du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Self Saint-Pierre et Miquelon a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser une provision de 247 382,87 euros HT et la somme de 40 euros pour frais de recouvrement au titre du décompte général et définitif du lot n° 7A " électricité / chauffage " relatif à la construction de la maison de la nature et de l'environnement à Miquelon.

Par une ordonnance n° 1700010 du 22 janvier 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18BX00934 du 2 juillet 2018, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Self Saint-Pierre et Miquelon contre cette ordonnance.

Par une décision n° 423331 du 25 janvier 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 2 juillet 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux ainsi que l'ordonnance du 22 janvier 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon et a condamné la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à verser à la société Self Saint-Pierre et Miquelon à titre de provision, d'une part, la somme de 247 382,87 euros HT assortie des intérêts moratoires à compter du 14 septembre 2017 et, d'autre part, la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de fixer, en application de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, le montant définitif de sa dette en déduisant du décompte général du marché la somme de 247 382,87 euros ou, subsidiairement, de condamner solidairement l'Etat et le cabinet A... B..., mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par un jugement n° 1900268 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fixé la somme due par la collectivité territoriale de Saint-Pierre et-Miquelon à la société Self Saint-Pierre et Miquelon à la somme de 247 382,87 euros et a condamné le groupement de maîtrise d'œuvre, représenté par son mandataire, à garantir la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à hauteur de 25 %, de la somme mise à sa charge.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 février 2021 sous le n°21BX00743 et des mémoires enregistrés les 1er août et 24 novembre 2022, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par Me Blazy, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 24 novembre 2020 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Self Saint-Pierre et Miquelon la somme de 247 382,87 euros en règlement du solde du lot n° 7A du marché relatif à la construction de la maison de la nature et de l'environnement à Miquelon, outre les intérêts moratoires et l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros ;

2°) de mettre à la charge de la société Self Saint-Pierre et Miquelon la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'Etat et M. B... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre, dans cette dernière hypothèse, à la charge solidaire de l'Etat et de M. B... la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la signature de l'avenant n°3 fait obstacle à l'intervention d'un décompte général du marché qu'elle aurait tacitement accepté ;

- elle a manifesté son désaccord avec le projet de décompte final qui lui a été adressé ;

- le décompte général établi par l'entrepreneur a méconnu le principe de loyauté dans les relations contractuelles ;

- ce décompte aurait dû être précédé d'une mise en demeure et ne comportait pas de projet d'état du solde, en méconnaissance de l'article 13.4.4 du CCAG applicable ;

- un décompte général tacite doit être limité aux sommes dues en

application du marché ;

- un tel décompte n'est pas intangible dans l'hypothèse d'une contestation expresse du pouvoir adjudicateur ;

- ce décompte a été obtenu par fraude ;

- les frais supplémentaires figurant sur ce décompte ne sont pas dus en l'absence de tout préjudice établi et de toute faute du maître de l'ouvrage ;

- le jugement attaqué a entendu condamner seulement M. B..., et non le groupement de maîtrise d'œuvre, à la garantir d'une partie des condamnations prononcées à son encontre ;

- les dispositions de l'article L. 541-4 du code de justice administrative ne font pas obstacle à ce que le débiteur appelle en garantie les personnes qu'il estime responsable de sa dette ;

- la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer a manqué à ses obligations contractuelles relatives à l'assistance à l'établissement du décompte général ;

- le maitre d'œuvre a méconnu les dispositions de l'article 13.4.1 du CCAG Travaux en s'abstenant d'établir un projet de décompte général et en ne proposant aucune réponse au projet de décompte adressé par l'entrepreneur.

Par des mémoires enregistrés les 9 novembre 2021 et 5 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Caron, conclut au rejet des conclusions de la requête dirigée à l'encontre du groupement de maitrise d'œuvre et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les conclusions d'appel en garantie de la collectivité devant le tribunal étaient irrecevables en tant qu'elles ont été présentées contre un groupement de maîtrise d'œuvre qui n'a pas la personnalité morale et en tant qu'elles ont été présentées dans le cadre de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ;

- il n'a commis aucune faute en lien avec l'établissement du décompte général du marché.

Par un mémoire enregistrés les 17 septembre 2021 et 25 août 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, représenté par le cabinet Richer et associés, conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre l'Etat.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, la société Self Saint-Pierre et Miquelon, représentée par Me Brault, conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées à son encontre et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 21 janvier 2021 sous le n°21BX00268 et un mémoire enregistré le 14 avril 2023, M. B..., représenté par Me Caron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 24 novembre 2020, à défaut de le réformer en tant qu'il a condamné les entités composant le groupement de maîtrise à garantir, à hauteur de 25%, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- les demandes de la collectivité ont été présentées en méconnaissance de l'article R. 414-1 du code de justice administrative ;

- les mémoires par lesquels la collectivité demandait que le groupement de maîtrise d'œuvre soit condamné à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ne lui ont pas été communiqués ;

- le tribunal administratif ne pouvait condamner un groupement dépourvu de la personnalité morale ;

- les demandes fondées sur les dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ne concernant que le montant de la dette, les conclusions d'appel en garantie de la collectivité étaient irrecevables ;

- il n'a commis aucune faute en lien avec l'établissement du décompte général du marché ;

- le projet de décompte général établi par la société Self a méconnu les dispositions de l'article 13.4.4 du CCAG travaux ;

- l'Etat a commis une faute dans la mission d'assistance au maître de l'ouvrage qui était la sienne ;

Par des mémoires enregistrés les 1er août et 24 novembre 2022, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par Me Blazy, conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans la requête n°21BX00743.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, la société Self Saint-Pierre et Miquelon, représentée par Me Brault, conclut, d'une part, aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans la requête n°21BX0743, d'autre part, au rejet de la requête présentée par M. B... et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens invoqués à l'encontre du jugement attaqué sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure civile,

- le code des marchés publics,

- le décret n°2013-269 du 29 mars 2013,

- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux,

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Darmon, représentant M. B..., de Me Blazy, représentant la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Me Thomas, représentant la société Self Saint-Pierre et Miquelon.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 août 2014, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (CTSPM) a attribué à la société Self Saint-Pierre et Miquelon (SSPM) le lot n° 7A " électricité / chauffage " du marché de construction de la maison de la nature et de l'environnement à Miquelon, pour un montant forfaitaire de 245 017,18 euros. La collectivité a prononcé la réception de ce lot avec réserves le 6 avril 2017. La société SSPM a demandé à la CTSPM de lui régler la somme de 247 382,87 euros HT au titre du règlement du marché. La collectivité ayant rejeté cette demande, la société SSPM a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une demande présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et tendant à la condamnation de la collectivité à lui verser une provision du même montant. Cette demande a été rejetée par une ordonnance du juge des référés du 22 janvier 2018 et le recours formé par la société contre cette ordonnance a été rejeté le 2 juillet 2018 par une ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Toutefois, par une décision du 25 janvier 2019, le Conseil d'Etat a annulé ces ordonnances et a condamné la CTSPM à verser à la société SSPM, à titre de provision, d'une part, la somme de 247 382,87 euros HT assortie des intérêts moratoires à compter du 14 septembre 2017 et, d'autre part, la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de recouvrement. Par un jugement du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, saisi par la CTSPM en application des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a fixé la somme due par la collectivité à la société SSPM à 247 382,87 euros et a condamné le groupement de maîtrise d'œuvre, représenté par son mandataire, M. B..., à garantir la CTSPM à hauteur de 25 % de cette somme. Par deux requêtes distinctes, la CTSPM et M. B... relèvent appel de ce jugement.

2. Les requêtes 21BX00268 et 21BX00743 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué ;

3. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon aurait considéré, à tort, que la requête de la SSPM était recevable alors qu'elle avait été enregistrée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 414-1 du code de justice administrative, dès lors que ce moyen, à le supposer fondé, concerne le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

5. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire de la CTSPM comportant des conclusions d'appel en garantie à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre a été communiqué à chacun des membres de ce groupement et, notamment, à M. B..., en sa qualité de mandataire du groupement. En outre, si un mémoire ultérieurement produit par la CTSPM n'a pas été communiqué aux autres parties, il ressort également des pièces du dossier que ce dernier mémoire ne contenait pas d'éléments nouveaux. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête présentée devant le tribunal administratif :

6. A l'appui du moyen tiré de ce que la requête de la SSPM n'a pas été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon via l'application télérecours, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 414-1 du code de justice administrative, M. B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter cette fin de non-recevoir par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le montant de la dette :

7. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Le caractère définitif et intangible du décompte a notamment pour effet d'interdire aux parties toute contestation ultérieure sur les éléments de ce décompte.

8. Aux termes de l'article 13.4.2. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés de travaux, applicable au marché en litige : " (...) Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire (...) ". L'article 13.4.4. du même cahier stipule que " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2., le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1. ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1. pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Si dans un délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif (...) Le décompte général et définitif lie définitivement les parties (...) "

9. Il résulte de 1'instruction que la société SSPM a notifié sa demande de paiement finale à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et au maître d'œuvre respectivement les 12 et 19 juin 2017. La collectivité territoriale n'ayant pas notifié le décompte général à cette société à l'expiration des délais prévus à

l'article 13.4.2 du CCAG, la société lui a notifié le 3 août 2017 un projet de décompte général. En l'absence de réponse de la collectivité territoriale dans le délai de dix jours prévu à l'article 13.4.4 du même cahier, un décompte général et définitif est tacitement né le 14 août 2017.

10. En premier lieu, la CTSPM fait valoir qu'un avenant au marché a été signé le 18 juillet 2017, antérieurement au projet de décompte général établi par la société SSPM, et que cet avenant avait pour objet de prolonger l'exécution du marché jusqu'au 30 janvier 2017 sans contrepartie financière pour son titulaire. Toutefois, dès lors que cet avenant n'avait ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions précitées du CCAG, cette circonstance, qui concerne le bien-fondé des sommes figurant au décompte général du marché, demeure sans incidence sur la régularité de ce décompte, tacitement accepté par la collectivité, et sur son caractère définitif.

11. En outre, la collectivité n'est pas fondée à soutenir que l'existence de désaccords concernant la portée de cet avenant ainsi que le projet de décompte final précédemment présenté par la société SSPM caractériseraient une méconnaissance du principe de loyauté dans les relations contractuelles ou une fraude faisant obstacle au caractère définitif de ce décompte.

12. En deuxième lieu, la collectivité fait valoir que la société SSPM ne l'a pas mise en demeure d'établir le décompte général avant de l'établir elle-même. Toutefois, si, en l'absence de dispositions contractuelles précises concernant la procédure d'établissement de ce décompte, le titulaire du marché était tenu, en application de versions du cahier des clauses administratives générales " travaux " antérieures à celle applicable au litige, en cas d'inertie du maître d'ouvrage dans l'établissement du décompte général, d'adresser à ce dernier une mise en demeure avant de l'établir lui-même ou de saisir le juge administratif, cette obligation ne figure plus dans les dispositions précitées de l'article 13.4.4 du CCAG applicables au litige, lesquelles prévoient une procédure alternative d'établissement de ce décompte en cas d'inertie du maître de l'ouvrage.

13. En troisième lieu, la CTSPM ne peut utilement faire valoir que le projet d'état du solde joint au projet de décompte général que lui a notifié la société SSTM a été établi à partir de son projet de décompte final sans tenir compte des rectifications apportées à ce projet par le maître d'œuvre, dès lors qu'il résulte au contraire des dispositions précitées de l'article 13.4.4 du CCAG que le projet d'état du solde doit être établi à partir du projet de décompte final initialement adressé par le titulaire du marché au maître de l'ouvrage.

14. En outre, si la CTSPM soutient que le seul rappel du montant du dernier projet de décompte mensuel, sans production de ce projet de décompte mensuel, ne permettait pas au maître de l'ouvrage de s'assurer que le solde du marché avait été calculé correctement, les dispositions précitées du même article 13.4.4 n'imposent pas, à peine d'irrégularité du décompte général, la production, en annexe à ce décompte, du dernier projet de décompte mensuel alors, au demeurant, que la collectivité n'établit ni même ne soutient que le montant du dernier projet de décompte mensuel de paiement des travaux figurant dans le décompte général serait entaché d'une erreur de calcul mais se borne à faire valoir que ce décompte mensuel ne faisait, à juste titre, pas mention des sommes réclamées par la société au titre, non du paiement des travaux, mais de l'allongement de leur durée.

15. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que la CTSPM n'est pas fondée à soutenir que l'intangibilité d'un décompte général tacite ne concernerait pas l'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché mais uniquement les paiements contractuellement prévus et qu'il ne présenterait pas de caractère intangible à l'égard du maître de l'ouvrage lorsque celui-ci a expressément " rejeté " le projet de décompte final qui lui avait été notifié.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la CTSPM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré qu'elle était redevable à la société SSPM de la somme de 247 382,87 euros correspondant au solde du décompte général et définitif du marché

En ce qui concerne les appels en garantie :

17. En premier lieu, Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". L'article R. 541-4 du même code dispose : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ".

18. La SSPM a demandé, à l'occasion du règlement du marché, la réparation du préjudice que lui a causé l'allongement de la durée de ce marché. Ce préjudice n'étant pas directement imputable aux manquements qu'auraient commis le groupement de maîtrise d'œuvre ou l'Etat, en sa qualité de conducteur d'opération et d'assistant au maître d'ouvrage, à l'occasion de l'établissement du décompte général de ce marché, la CTSPM n'est pas fondée à demander à être garantie du paiement de ce préjudice, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces appels en garantie.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont partiellement fait droit aux conclusions d'appel en garantie dirigées contre le groupement de maîtrise d'œuvre. Par suite, il est également fondé à demander la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué.

20. Pour les mêmes motifs, il y a également lieu de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées par la CTSPM à l'encontre de l'Etat.

Sur les frais exposés pour l'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que demandent la CTSPM au titre des frais exposés pour l'instance soient mises à la charge de la société SSPM, de M. B... et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.

22. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la CTSPM les sommes de 1 500 euros au titre des frais exposés pur l'instance par la société SSPM et par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est rejetée.

Article 2 : Le jugement du 24 novembre 2020 est annulé en tant qu'il a condamné M. B..., en sa qualité de mandataire du groupement de maitrise d'œuvre, à garantir la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon à concurrence de 25% des sommes que cette collectivité a été condamnée à verser la société Self Saint-Pierre et Miquelon.

Article 3 : La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon versera à la société Self Saint-Pierre et Miquelon et à M. B... une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la société Self Saint-Pierre et Miquelon, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2023.

Le rapporteur,

Manuel C...

La présidente,

Marie-Pierre Beuve DupuyLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX00268-21BX00743 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00268
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CLL AVOCATS;RICHER ET ASSOCIES;CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;21bx00268 ?
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