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16/05/2023 | FRANCE | N°22BX01472

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 16 mai 2023, 22BX01472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 23 avril 2022 par lequel la préfète de l'Aveyron lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200901 du 29 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté en tant qu'il emp

ortait pour M. C... interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 23 avril 2022 par lequel la préfète de l'Aveyron lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200901 du 29 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté en tant qu'il emportait pour M. C... interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2022, M. C..., représenté par Me Appaule, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 avril 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 23 avril 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de son article R. 611-1 ont été méconnues : la préfète aurait dû saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ainsi que le prévoit l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a apporté des éléments suffisamment précis et circonstanciés attestant que son état de santé requiert des soins et un suivi médical dont il ne peut bénéficier dans son pays d'origine ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu dès lors qu'il ne dispose plus d'aucun lien avec son pays d'origine et que ses attaches se trouvent désormais en France.

La requête a été communiquée à la préfète de l'Aveyron qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 25 avril 2023, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant géorgien, né le 7 août 1992, entré une première fois en France le 18 décembre 2017, a vu sa demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 décembre 2018. Bénéficiant de l'aide au retour, M. C... est revenu dans son pays d'origine au mois de mars 2019, puis en France, où il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Cette demande a fait l'objet d'une décision de clôture par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 janvier 2021. Interpellé avec son épouse le 22 avril 2022 pour des faits de vol, M. C... a été placé en rétention par un arrêté du 23 avril 2022 de la préfète de l'Aveyron. Par une ordonnance du 27 avril 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier l'a finalement assigné à résidence pour une durée maximale de 28 jours à Lourdes. Par un arrêté du 23 avril 2022, la préfète de l'Aveyron a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement du 29 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté en tant qu'il emportait pour M. C... interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) " Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9o de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Selon l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) "

3. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

4. Contrairement à ce que soutient M. C..., ni le certificat établi le 26 avril 2022 par un médecin du service de pneumologie du centre hospitalier de Pau, reprenant en termes identiques un précédent du 23 juillet 2021, indiquant qu'il " présente une pathologie respiratoire sévère nécessitant une surveillance rapprochée tous les trois mois par clinique et imagerie scannographique ", qu'il n'établit, au demeurant, pas avoir effectuée, ni le certificat du 15 avril 2022 d'un médecin du service des urgences du centre hospitalier de Pau précisant que son état de santé " nécessite la constitution d'un dossier étranger malade ", ni le bordereau de consultation, pour un rendez-vous fixé 28 juin 2022, pour une exploration fonctionnelle respiratoire au service de pneumologie du même centre hospitalier de Pau ne suffisent pour permettre d'estimer que son état de santé est susceptible de nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, outre que M. C... n'apporte aucun élément à l'appui de l'affirmation selon laquelle il souffrirait d'un diabète de type 1, la demande en qualité d'étranger malade qu'il a présentée a été classée sans suite, faute pour lui de s'être présenté aux deux convocations qui lui avait été adressées les 11 mars et 15 avril 2022 en vue de l'instruction de cette demande. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Aveyron disposait à la date de la décision contestée, d'éléments d'information précis lui permettant d'établir que son état de santé était susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du collège de médecins de l'OFII doit être écarté. Compte tenu des circonstances qui viennent d'être exposées, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Si M. C... fait valoir qu'il réside principalement en France depuis cinq années, il n'a été autorisé à y séjourner que le temps nécessaire à l'examen de ses demandes d'asile et s'y trouve en situation irrégulière depuis la décision de clôture par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 janvier 2021 de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que son épouse, présente à ses côtés, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement notifiée le même jour que celle prise à son encontre et que leurs deux enfants sont présents sur le sol géorgien où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. En outre, l'intéressé n'apporte aucun élément permettant de retenir que ses parents résideraient en France et ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité des liens qui les uniraient. Dans ces conditions, et alors que M. C... n'établit pas avoir tissé des liens anciens et stables en France, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre par la préfète de l'Aveyron le 23 avril 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

La rapporteure,

Claire B...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

2

N° 22BX01472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01472
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : APPAULE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-16;22bx01472 ?
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