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16/05/2023 | FRANCE | N°21BX00159

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 16 mai 2023, 21BX00159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler la décision du 9 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de prendre les mesures de nature à mettre un terme aux infractions constatées dans la commune de Le Barp, d'autre part, d'enjoindre au même préfet de faire dresser des procès-verbaux de constatation d'infraction et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la mise en conformité ou de la suppression des d

ispositifs en infraction, dans un délai de quinze jours à compter de la no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'annuler la décision du 9 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de prendre les mesures de nature à mettre un terme aux infractions constatées dans la commune de Le Barp, d'autre part, d'enjoindre au même préfet de faire dresser des procès-verbaux de constatation d'infraction et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la mise en conformité ou de la suppression des dispositifs en infraction, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, en cas d'inexécution par les contrevenants, d'inviter le maire de Le Barp à liquider et à recouvrer l'astreinte, dans un délai d'un mois à compter de la notification desdits arrêtés, et, à défaut de diligence du maire, de liquider et recouvrer la créance au profit de l'État, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de condamner l'État à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de la carence fautive du préfet de la Gironde.

Par un jugement n° 1802924 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du préfet de la Gironde du 9 juillet 2016, lui a enjoint, sous réserve que les publicités, enseignes et pré-enseignes en litige n'aient été ni supprimées ni mises en conformité, de mettre en œuvre les pouvoirs de police spéciale prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement concernant les infractions relevées et a condamné l'Etat à verser à l'association Paysages de France une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier 2021 et 6 janvier 2023, le ministre chargé de la transition écologique demande à la cour d'annuler ce jugement du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas établi que la minute a été signée conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- en jugeant que le préfet de la Gironde était tenu, à la demande de l'association Paysages de France, de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 581-27 du code de l'environnement et de faire constater les irrégularités relatives à trois enseignes portées à sa connaissance par cette association, le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit, le législateur les ayant explicitement exclus du champ d'application des dispositions de l'article L. 581-32 ;

- s'agissant de la qualité de l'auteur de la saisine du préfet :

* alors même qu'elle est une association agréée, au sens des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, l'association Paysages de France n'est susceptible de saisir le préfet que sur la base des dispositions spéciales de l'article L. 581-32 du code de l'environnement, qui dérogent à celles, plus générales, de l'article L. 581-27 ;

* cet article L. 581-27 ne place pas l'autorité compétente en matière de police en situation de compétence liée pour faire procéder au constat de l'infraction ; si en cas de constatation de l'infraction par un agent habilité, elle est tenue d'exercer son pouvoir de police, elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire quant au choix de faire constater ou non la réalité des infractions signalées ;

* en jugeant que le porter à connaissance du préfet d'éléments concernant des dispositifs publicitaires irréguliers peut être effectué par un tiers, le tribunal a méconnu le champ d'application de l'article L. 581-32 du code de l'environnement qui ne vise que les associations agréées ou le propriétaire de l'immeuble ;

- dès lors que la décision du 9 juillet 2017 du préfet de la Gironde n'est entachée d'aucune illégalité, le tribunal ne pouvait condamner l'Etat à indemniser un préjudice que n'a pas subi l'association demanderesse.

Par des mémoires, enregistrés les 31 mai 2021 et 23 janvier 2023, l'association Paysages de France, représentée par Me Clément, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de la carence fautive du préfet de la Gironde ;

3°) par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au préfet de la Gironde d'inviter le maire de Le Barp, dans le délai d'un mois, à liquider et à recouvrer l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L. 581-30 du code de l'environnement, à défaut de diligence du maire dans le mois suivant l'invitation précitée, de liquider et recouvrer la créance au profit de l'État et de faire exécuter d'office, conformément aux dispositions de l'article L. 581-31 du code de l'environnement, les travaux prescrits par les arrêtés pris en application de l'article L. 581-27 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la ministre de la transition écologique ne sont pas fondés ;

- il y a lieu de faire droit à ses conclusions indemnitaires à hauteur de la somme demandée eu égard aux difficultés qu'elle rencontre pour défendre la cause pour laquelle elle s'est constituée et pour conduire la mission d'intérêt général pour laquelle elle a été agréée au titre du code de l'environnement du fait de la carence des autorités de l'Etat qui laissent perdurer des situations contraires à la réglementation en matière de publicités, d'enseignes et de pré-enseignes ;

- il y a lieu de faire droit à ses conclusions à fin d'injonction, le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n'ayant pas reçu exécution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 3 mai 2016, reçu le 9 mai suivant, l'association Paysages de France, association agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a demandé au préfet de la Gironde de mettre en œuvre les pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 581-27 du code de l'environnement et de prendre, sur leur fondement, des arrêtés de mise en demeure en vue de la suppression ou de la régularisation de panneaux publicitaires, enseignes et pré-enseignes installés sur le territoire de la commune de Le Barp. Le préfet n'ayant pas donné suite à sa demande, réitérée par trois courriers des 7 août et 26 septembre 2017 et du 5 janvier 2018 et les infractions qu'elle avait relevées n'ayant pas cessé, l'association Paysages de France a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par cette autorité préfectorale sur sa demande, d'autre part, à ce qu'il lui soit enjoint de faire dresser des procès-verbaux de constatation d'infraction et de faire usage sous astreinte des pouvoirs de police qu'elle tient de l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte ainsi portée aux intérêts qu'elle s'est donné pour objet de défendre. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de rejet de la demande de l'association Paysages de France, a enjoint au préfet de la Gironde de prendre les mesures prévues à l'article L. 581-27 du code de l'environnement concernant les dispositifs publicitaires en cause dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement, a condamné l'Etat à verser une somme de 3 000 euros à l'association Paysages de France en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La ministre de la transition écologique relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, l'association Paysages de France demande que le montant de la condamnation de l'Etat en réparation de son préjudice moral soit porté à la somme de 25 000 euros et, dans le dernier état de ses écritures, qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde s'agissant des dispositifs toujours en place pour lesquels des arrêtés de mise en demeure ont été pris, de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement en vue d'assurer l'exécution des travaux prescrits.

Sur l'appel principal du ministre :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. La minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait.

En ce qui concerne le bien fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une pré-enseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou pré-enseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la pré-enseigne irrégulière. / Si cette personne n'est pas connue, l'arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou pré-enseignes ont été réalisées ". L'article L. 581-32 du même code dispose que : " Lorsque des publicités ou des pré-enseignes contreviennent aux dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, l'autorité compétente en matière de police est tenue de faire usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 581-27, si les associations mentionnées à l'article L. 141-1 ou le propriétaire de l'immeuble sur lequel ont été apposées, sans son accord, les publicités ou pré-enseignes, en font la demande ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 581-32 du code de l'environnement que l'autorité compétente en matière de police est tenue de faire usage, à la demande d'une association agréée de protection de l'environnement ou du propriétaire de l'immeuble concerné, des pouvoirs que lui confère l'article L. 581-27 du code de l'environnement lorsque des publicités ou des pré-enseignes contreviennent aux dispositions applicables. En revanche, ces dispositions de l'article L. 581-32, qui ne visent que les publicités et pré-enseignes, ne sont, comme le soutient la ministre, pas applicables aux enseignes. Toutefois, les dispositions de l'article L. 581-27, qui ne font obligation à l'autorité de police compétente de prendre un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité de publicités, enseignes ou pré-enseignes irrégulières, qu'après constatation des infractions par des officiers de police judiciaire ou des agents ou fonctionnaires dont la liste figure à l'article L. 581-40 du code de l'environnement, ne dispensent pas cette autorité d'exercer son pouvoir d'appréciation au vu des éléments portés à sa connaissance par un tiers et, dès lors que ceux-ci sont suffisamment précis, de prendre les mesures nécessaires afin qu'il soit mis fin à cette situation irrégulière. Le refus de l'autorité compétente de faire usage de ses pouvoirs de police peut être déféré au juge de l'excès de pouvoir. Enfin, les dispositions de l'article L. 581-32 n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire aux associations agréées pour la protection de l'environnement dont l'objet social est de lutter contre l'affichage publicitaire illégal, d'introduire des actions contentieuses à l'encontre des décisions administratives intervenues dans ce domaine.

5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies datées, et il n'est pas contesté par l'administration, qu'à la date de la décision attaquée, les dispositifs faisant l'objet des fiches de constat, établies par l'association Paysages de France, n° 33.LBa.01, 33.LBa.02, 33.LBa.03, 33.LBa.04, 33.LBa.05, 33.LBa.06, 33.LBa.07, 33.LBa.08, 33.LBa.09, 33.LBa.10, 33.LBa.12, 33.LBa.13, 33.LBa.14, 33.LBa.16, 33.LBa.18, 33.LBa.38, 33.LBa.39 et 33.LBa.40, et dont la localisation est précisée, méconnaissent les dispositions de l'article L. 581-8 du code de l'environnement aux termes duquel " I. À l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite : / (...) / 3° Dans les parcs naturels régionaux / (...) ", que les dispositifs faisant l'objet des fiches de constat n° 33.LBa.11, 33.LBa.15, 33.LBa.28, 33.LBa.32 et 33.LBa.33 établies dans les mêmes conditions ne respectent pas les prescriptions de l'article L. 581-7 de ce code interdisant toute publicité " En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière ", que le dispositif faisant l'objet de la fiche de constat n° 33.LBa.23 est contraire à l'article R. 581-62 du même code interdisant l'implantation de publicité sur les toitures ou terrasses en tenant lieu au moyen de lettres ou de signes non découpés, que celui faisant l'objet de la fiche 33.LBa.29 méconnaît les dispositions de l'article R. 581-65 dudit code selon lequel " I. - La surface unitaire maximale des enseignes mentionnées à l'article R. 581-64 est de 6 mètres carrés. Elle est portée à 12 mètres carrés dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants. (...) " et que celui faisant l'objet de la fiche 33.LBa.36 méconnaît les dispositions de l'article R. 581-60 du même code selon lequel " Les enseignes apposées à plat sur un mur ou parallèlement à un mur ne doivent pas dépasser les limites de ce mur ni constituer par rapport à lui une saillie de plus de 0,25 mètre, ni le cas échéant, dépasser les limites de l'égout du toit. (...) ". Dans ces conditions, le préfet de la Gironde, saisi le 3 mai 2016 d'une demande circonstanciée de l'association Paysages de France fondée sur les dispositions de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, a méconnu les obligations que lui imposent ces dispositions. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a annulé le rejet implicite qu'il a opposé à cette demande.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre chargé de la transition écologique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le rejet implicite du préfet de la Gironde sur la demande que lui a présentée l'association Paysages de France le 3 mai 2016 et, par voie de conséquence, a condamné l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait de la carence fautive du préfet et ordonné audit préfet de prendre les mesures prévues à l'article L. 581-27 du code de l'environnement concernant les enseignes en cause.

Sur les conclusions incidentes de l'association Paysages de France :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

7. Aux termes des statuts de l'association Paysages de France, agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " L'association a pour objet de protéger, réhabiliter et valoriser les paysages urbains et non urbains (...). Pour ce faire, elle lutte contre toutes les atteintes au paysage et au cadre de vie et contre toutes les formes de pollution, notamment visuelle, dans les paysages urbains et non urbains, y compris maritimes et aériens. Elle veille au strict respect de l'ensemble des textes législatifs et réglementaires qui concernent la protection et la défense des paysages, ou y contribuent. A cet effet, elle se propose notamment de lutter contre les atteintes au cadre de vie constituées par les dispositifs publicitaires, enseignes et pré-enseignes au sens de l'article L. 581-3 du Code de l'environnement et de veiller à la stricte application des dispositions du Code de la route relatives aux installations de même nature (...) ".

8. Il n'est pas contesté que, ainsi qu'elle l'expose, les actions que mène l'association Paysages de France pour la protection des intérêts mentionnés au point précédent nécessitent un travail complexe et important qui a permis de révéler un grand nombre d'infractions à la législation sur la publicité, les enseignes et pré-enseignes sur l'ensemble du territoire métropolitain français, dont celui de la commune de Le Barp.

9. En dépit des démarches répétées accomplies par l'association Paysages de France pour faire mettre un terme aux infractions qu'elle avait constatées à Le Barp, commune située dans le parc naturel régional des Landes de Gascogne, l'inertie du préfet de la Gironde a permis le maintien de dispositifs qui, implantés illégalement, contribuent à la dégradation des paysages. Cette carence des services de l'Etat a ainsi été de nature à porter atteinte à la crédibilité de cette association et à remettre en cause les actions qu'elle accomplit tant au niveau national que local et, par suite, a eu pour effet de faire obstacle à l'accomplissement des missions qu'elle s'est assignées. Ainsi, l'association établit que l'inaction du représentant de l'Etat a eu, en l'espèce, pour effet de lui causer un préjudice moral direct, certain et personnel dont elle est fondée à demander réparation.

10. L'association Paysages de France, si elle justifie, comme il vient d'être dit, d'un préjudice moral lui ouvrant droit à réparation, n'apporte aucun élément susceptible de justifier le montant de 25 000 euros qu'elle demande à ce titre. Eu égard toutefois aux efforts importants qu'elle a dû déployer pour obtenir du préfet de la Gironde qu'il mette en œuvre ses pouvoirs de police en matière de publicités, enseignes et pré-enseignes sur le territoire de la commune de Le Barp, il sera, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste appréciation de la réparation due pour ce préjudice par l'attribution d'une indemnité portée de 3 000 euros à 5 000 euros.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

11. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 581-30 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date du présent arrêt : " A l'expiration du délai de cinq jours, dont le point de départ se situe au jour de la notification de l'arrêté, la personne à qui il a été notifié est redevable d'une astreinte de 200 euros par jour et par (...) enseigne (...) maintenue. Ce montant est réévalué chaque année, en fonction de l'évolution du coût de la vie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) L'astreinte est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle ont été commis les faits constatés ; à défaut par le maire de liquider le produit de l'astreinte, de dresser l'état nécessaire à son recouvrement et de le faire parvenir au préfet dans le mois qui suit l'invitation qui lui en est faite par celui-ci, la créance est liquidée et recouvrée au profit de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 581-82 du même code : " Dans tous les cas où le préfet prend l'arrêté de mise en demeure prévu à l'article L. 581-27, il en informe aussitôt le maire de la commune dans laquelle est situé le dispositif publicitaire irrégulier (...) ". Selon l'article R. 581-4 dudit code : " L'état nécessaire au recouvrement des astreintes prononcées en application de l'article L. 581-30 (...) est, à défaut de diligence du maire, établi et recouvré au profit de l'Etat dans les conditions prévues aux articles 23 à 28 et 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ".

13. Par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint au préfet de la Gironde de prendre les mesures prévues à l'article L. 581-27 du code de l'environnement concernant les dispositifs mentionnés aux points 5 à 9 de sa décision, dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

14. Il résulte de l'instruction que les infractions signalées par les fiches 33.LBa.01, 33.LBa.02, 33.LBa.03, 33.LBa.04, 33.LBa.07, 33.LBa.10, 33.LBa.12, 33.LBa.13, 33.LBa.14, 33.LBa.40, n° 33.LBa.11, 33.LBa.15, 33.LBa.28, 33.LBa.32 et 33.LBa.33, 33.LBa.23 et 33.LBa.29 ont cessé. Mais il résulte également de l'instruction que celles signalées par les fiches 33.LBa.05, 33.LBa.06, 33.LBa.08, 33.LBa.09, 33.LBa.16, 33.LBa.18, 33.LBa.38, et 33.LBa.39 ont fait l'objet de constats ordonnés par la préfète de la Gironde le 27 février 2020 et de mises en demeure des contrevenants, par des arrêtés du 12 octobre 2020, de les faire cesser, que celle signalée par la fiche 33.LBa.36 a été constatée le 31 mars 2020 et a donné lieu à une mise en demeure de cesser le 8 décembre 2020, et que malgré ces mesures, les dispositifs concernés perdurent. Dans ces conditions, l'annulation de la décision refusant de prendre les mesures propres à faire cesser ces neuf infractions implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 581-30 et L. 581-31 du code de l'environnement en vue d'assurer l'exécution des travaux prescrits par les arrêtés de mise en demeure pour les infractions objet de ces neuf fiches, sous réserve que lesdites infractions n'aient pas cessé à la date du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association Paysages de France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : Le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à l'association Paysages de France est porté à la somme de 5 000 euros.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder au recouvrement de l'astreinte sous les conditions prévues à l'article L. 581-30 du même code et à l'exécution d'office des travaux de mise en conformité en application de l'article L. 581-31 de ce code, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt pour les infractions signalées par les fiches établies par l'association Paysages de France sous les références 33.LBa.05, 33.LBa.06, 33.LBa.08, 33.LBa.09, 33.LBa.16, 33.LBa.18, 33.LBa.38, 33.LBa.39 et 33.LBa.36, sous réserve que lesdites infractions n'aient pas cessé à la date du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à l'association Paysages de France la somme de 1 500 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de l'association Paysages de France est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Paysages de France, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

La rapporteure,

Claire A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00159
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-16;21bx00159 ?
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