Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Guignard Promotion a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le maire de Lourdes a retiré le permis de construire qui lui avait été tacitement accordé le 6 août 2018 et l'arrêté du même jour par lequel le maire de Lourdes a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la construction de surfaces commerciales.
Par un jugement n° 1802885 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté de refus de permis de construire du 5 novembre 2018 et a rejeté comme étant irrecevables les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du même jour portant retrait du permis de construire accordé tacitement le 6 août 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 24 février 2021, 16 octobre et 9 décembre 2022, la commune de Lourdes, représentée par Me Herren, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2020 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 5 novembre 2018 de refus de permis de construire et qu'il a enjoint au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande et de rejeter la demande de la société Guignard Promotion ;
2°) de mettre à la charge de la société Guignard Promotion la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la société LTTetCie, de la société Nomad Partman et de M. F... B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé et qu'il est entaché d'un défaut de motivation ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le refus de permis de construire est suffisamment motivé en droit ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le refus de permis de construire a été pris par une autorité compétente ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande de substitution de motif tiré de ce que le projet méconnaissait le principe de précaution eu égard notamment au risque d'inondation ;
- le motif tiré de ce que le pétitionnaire ne disposait plus d'aucun droit à déposer une demande de permis de construire à la date de réexamen de sa demande, peut être substitué aux motifs de refus opposés ;
- les autres moyens soulevés en première instance par la société Guignard Promotion et par la société LLT et Cie ne sont pas fondés :
- le pétitionnaire ne disposait plus d'aucun droit sur le terrain en raison de la caducité de la promesse de vente souscrite avec la société LLT et Cie ;
- aucun permis tacite n'était né, la société pétitionnaire n'ayant pas confirmé sa demande ;
- il ne peut être enjoint à la délivrance du permis de construire sollicité eu égard à l'évolution des circonstances de fait ;
- elle n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, de mauvaise foi et son refus n'est pas dilatoire.
Par un mémoire en intervention enregistré le 27 juillet 2022, la société LLT etCie, représentée par son président la société Nomad Participation et Management (Nomad Partman) et son dirigeant M. F... B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Lourdes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle demande en outre à la cour d'annuler les deux arrêtés du 5 novembre 2018, d'enjoindre au maire de Lourdes de délivrer à la société Guignard Promotion, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, le certificat du permis de construire tacite né le 24 juillet 2018 et de décider, dans l'hypothèse où la société Guignard Promotion ne défendrait pas, d'être substituée dans tous les droits de cette dernière en ce qui concerne l'autorisation d'exploitation commerciale et le permis de construire.
Elle soutient que :
- le retrait du 5 novembre 2018 est illégal dès lors que la procédure contradictoire préalable au retrait est irrégulière ;
- le retrait et le refus de permis de construire du 5 novembre 2018 sont tardifs ;
- les trois motifs opposés par le maire sont erronés, méconnaissent pour certains l'autorité de la chose jugée et sont entachés de détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 septembre et 9 novembre 2022, la société Guignard Promotion, représentée par Me Gras, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Lourdes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle demande en outre à la cour d'enjoindre au maire de Lourdes de délivrer le permis de construire qu'elle a sollicité.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- aucun des motifs opposés par le maire dans sa décision de refus de permis de construire n'était motivé en droit ;
- les premiers juges ont à juste titre écarté la demande de substitution de motifs opposée par la commune en défense comme étant inopérante dès lors qu'une telle substitution ne peut pallier à une insuffisance de motivation ;
- si la compétence de l'auteur de l'acte est finalement établie, le motif d'annulation tiré du défaut de motivation suffit à justifier l'annulation du refus contesté ;
- l'ensemble des motifs de refus opposé étant erroné, il ne pourra être qu'enjoint à la délivrance du permis de construire demandé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public ;
- les observations de Me Herren représentant la commune de Lourdes et M. E... C..., directeur général des services de la ville de Lourdes et Me Dega représentant la société Guignard Promotion.
Une note en délibéré présentée par Me Herren pour la commune de Lourdes a été enregistrée le 4 avril 2023.
Une note en délibéré présentée par Me Rade pour la société LLT et CIE a été enregistrée le 17 avril 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 mars 2014, la société Guignard Promotion a déposé, après avoir obtenu une autorisation de création par la commission nationale d'aménagement commercial le 9 juin 2010 et le 2 mai 2012, une demande de permis de construire en vue d'édifier un centre commercial sur des parcelles cadastrées section AO n°342, 79p, 85p et BN n°519p situées avenue François D... à Lourdes. Par arrêté du 25 juin 2014, le maire de Lourdes lui a opposé un premier refus de permis de construire annulé par le tribunal administratif de Pau le 29 décembre 2015. Par arrêté du 30 mai 2016, le maire de Lourdes lui a opposé un deuxième refus de permis de construire, annulé le 24 avril 2018 par le même tribunal qui a alors enjoint la commune au réexamen de sa demande. Par deux arrêtés du 5 novembre 2018, le maire de Lourdes a, d'une part, retiré le permis de construire accordé tacitement à la société Guignard Promotion le 6 août 2018 et a, d'autre part, refusé de lui accorder le permis de construire sollicité. La commune de Lourdes relève appel du jugement du 15 décembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 5 novembre 2018 de refus de permis de construire et a enjoint au maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande.
Sur la recevabilité de l'intervention de la société LLT et Cie :
2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 (...) ".
3. Le mémoire en intervention de la société LLT etCie, représentée par son président la société Nomad Participation et Management (Nomad Partman) et son dirigeant M. F... B..., enregistré au greffe de la cour le 27 juillet 2022, n'a pas été produit par ministère d'avocat. La société LLT etCie n'a pas régularisé son mémoire avant la clôture de l'instruction qui a été fixée au 9 janvier 2023. Par suite, le mémoire en intervention volontaire de la société LLT etCie est irrecevable.
Sur la régularité du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement attaqué, transmise à la cour par le tribunal administratif de Pau, qu'elle a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ces jugements.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont retenu, pour annuler l'arrêté de refus de permis de construire du 5 novembre 2018, les moyens tirés de l'insuffisante motivation en droit de deux des trois motifs opposés par le maire de Lourdes relatifs à l'absence de dépôt d'un dossier " loi sur l'eau " et à l'absence de nouvelle consultation de la commission départementale d'aménagement commercial des Hautes-Pyrénées, comme ils s'en expliquent au point 9. Le tribunal en a ensuite déduit que l'administration ne pouvait utilement lui demander de procéder à une substitution de motifs qui ne saurait, en tout état de cause, remédier au vice de forme résultant de l'insuffisance de motivation. Ainsi, et tandis qu'ils n'avaient pas à se prononcer sur le caractère suffisant de la motivation du dernier motif de refus opposé par le maire, qui n'était pas contestée par le requérant, les premiers juges ont suffisamment motivé le rejet de la demande de substitution de motif présentée par la commune.
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement contesté doit être écarté dans ses deux branches.
Sur le bien-fondé des motifs d'annulation de l'arrêté de refus de permis de construire du 5 novembre 2018 retenus par les premiers juges :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :
7. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. (...) ".
8. Il ressort des pièces produites en appel que M. A... D..., maire adjoint et signataire de l'acte attaqué, avait reçu délégation du maire de Lourdes par arrêté du 28 avril 2014 à l'effet de signer " tous les arrêtés et décisions en matière (...) d'urbanisme (...) : permis de construire (...) ". Il ressort des mentions de cet arrêté, et notamment du tampon apposé par les services de l'Etat, que la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a accusé réception de cet arrêté le 30 avril 2014 et qu'il a été publié le même jour. Par suite, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne la motivation du refus de permis de construire contesté :
9. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...) ". Aux termes de l'article R. 424-5 du même code : " (...) Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s'il s'agit d'un sursis à statuer, elle doit être motivée. (...) ". Aux termes de l'article A. 424-3 du même code : " L'arrêté indique, selon les cas ; (...) b) Si le permis est refusé ou si la déclaration préalable fait l'objet d'une opposition ; (...) ". Aux termes de l'article A. 424-4 du même code : " Dans les cas prévus aux b à f de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision et indique les voies et délais de recours. ".
10. Lorsque le juge, saisi d'un moyen en ce sens, constate qu'une décision administrative est insuffisamment motivée, l'administration ne peut utilement lui demander de procéder à une substitution de motifs, laquelle ne saurait, en tout état de cause, remédier au vice de forme résultant de l'insuffisance de motivation.
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que pour refuser le permis de construire en litige, le maire de Lourdes s'est fondé sur plusieurs motifs tirés de l'absence de dépôt préalable d'un dossier " loi sur l'eau ", de l'absence de dépôt " d'un dossier justifiant que le projet (...) est d'intérêt majeur (...) et que la société a cherché toutes les solutions pour éviter la destruction des espèces concernées ", de l'absence de nouvelle autorisation de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) préalablement au dépôt du permis de construire et, enfin, de l'insuffisance des réseaux humides, eau potable, eaux pluviales et assainissement collectif. Or, en dehors de ce dernier motif, l'arrêté contesté, s'il vise le code de l'urbanisme et le plan d'occupation des sols approuvé le 28 mars 2022, ne cite aucun texte législatif ou règlementaire sur lequel l'auteur de la décision se serait fondé pour refuser l'autorisation sollicitée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces motifs étaient insuffisamment motivés en droit.
12. D'autre part, si la commune de Lourdes a demandé en cours d'instance au tribunal administratif de Pau de procéder à une substitution de motif, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, cette éventuelle substitution ne saurait, en tout état de cause, remédier au vice de forme retenu par le tribunal administratif de Pau pour annuler l'arrêté attaqué.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lourdes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté de refus de permis de construire du 5 novembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Guignard Promotion :
14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ". Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'urbanisme délivrée dans ces conditions peut ensuite être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement.
15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le maire a fondé son refus sur deux premiers motifs tirés, d'une part, de l'absence de dépôt " d'un dossier loi sur l'eau " " indiquant la méthode utilisée pour délimiter la zone humide et ses résultats ", " les incidences du projet sur la zone humide les mesures correctives et les mesures compensatoires prévues ", et, d'autre part, de l'absence de dépôt " d'un dossier justifiant que le projet, objet de la demande de permis de construire, est d'intérêt majeur y compris de nature sociale et économique, et que la société a cherché toutes les solutions pour éviter la destruction des espèces concernées, que les relevés de faune et de flore ont été effectués à la période adéquate et avec le bon protocole ". Toutefois, même à considérer que le maire, qui comme indiqué au point 11 n'a pas motivé ces motifs en droit, aurait entendu se fonder sur le caractère incomplet du dossier de permis de construire, il ressort du formulaire CERFA de demande de permis de construire que le dossier comportait l'étude d'impact ou la décision de dispense d'une telle demande en application des dispositions du a) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, à supposer que le maire ait entendu fonder son refus de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée sur l'absence d'une autorisation " loi sur l'eau " au titre des dispositions de l'article L. 214-3 et suivants du code de l'environnement, ou sur l'absence d'une dérogation " espèces protégées " en application des dispositions de l'article L. 411-2 du même code, il ne pouvait légalement opposer au pétitionnaire l'absence de telles autorisations qui relèvent de législations indépendantes.
16. En deuxième lieu, le maire a fondé son refus sur un troisième motif tiré de ce que, eu égard à l'objet de la demande en litige, qui porte sur la construction d'un bâtiment composé de cinq cellules d'une surface de vente totale de 4275 m2, et non plus sur un ensemble commercial de 15 magasins répartis sur deux bâtiments pour une surface de vente totale de 8643 m2, l'autorisation de la commission nationale d'aménagement commercial du 2 mai 2012, accordée pour ce dernier projet, ne peut tenir lieu d'autorisation préalable au projet en litige.
17. Aux termes de l'article L. 752-1 du code du commerce dans sa version applicable au litige : " I. Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 752-3 du même code : " I. Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; (...) ". Aux termes de l'article L. 752-15 du même code : " L'autorisation d'exploitation commerciale est délivrée préalablement à l'octroi du permis de construire s'il y a lieu, ou avant la réalisation du projet si le permis de construire n'est pas exigé. L'autorisation est accordée par mètre carré de surface de vente. Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente. Il en est de même en cas de modification de la ou des enseignes désignées par le pétitionnaire. L'autorisation préalable requise pour la création de magasins de commerce de détail n'est ni cessible ni transmissible. ". Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-13-2 du même code : " Lorsque la demande de permis de construire porte sur un projet relevant de l'article L. 752-1 du code de commerce, le maire transmet au secrétariat de la commission départementale d'aménagement commercial deux exemplaires du dossier, dont un sur support dématérialisé, dans le délai de sept jours francs suivant le dépôt. ".
18. La société pétitionnaire oppose au motif de refus du maire rappelé au point 16 que son projet n'a pas fait l'objet de modifications substantielles mais que sa demande de permis de construire ne porte en réalité que sur une partie du projet autorisé par la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) dès lors que la réhabilitation de l'ancien bâtiment préexistant, qui abritait un aquarium, se fera indépendamment. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande d'autorisation commerciale, que la CNAC s'est prononcée sur un projet portant sur un ensemble de 15 cellules commerciales sur une surface totale de vente de 8 643 m2 qui se répartit en deux bâtiments, un premier bâtiment qui sera réhabilité, accueillant 6 cellules commerciales d'une surface de vente totale de 2685 m2, et un second à construire accueillant 9 cellules commerciales d'une surface de vente totale de 5958 m2. Il ressort du dossier de demande du permis de construire en litige, et notamment du plan de masse, que le pétitionnaire a spécifié dans sa demande que le bâtiment préexistant, " bâtiment B ", ferait l'objet d'un permis de construire ultérieur et qu'ainsi sa demande ne portait que sur le bâtiment nouvellement crée, " bâtiment A ", d'une superficie de 4889 m2, composé de cinq commerces pour une surface de vente totale de 4275 m2. Le projet soumis à la CNAC comportait, pour le bâtiment A, neuf enseignes dont trois d'une surface de vente supérieure à 1000 m2, Norauto - Delatour- Intersport-Mol-Leader Price - Kiabi - Chaussea - La grande récré et une enseigne d'équipement de la personne ou de la maison, tandis que le projet soumis au permis de construire litigieux ne comporte plus que cinq enseignes mais toujours trois de plus de 1000 m2. Dans ces conditions, quand bien même le projet litigieux ne porte que sur une partie du projet global autorisé par la CNAC, dès lors qu'il est scindé en deux demandes de permis de construire distinctes, ce qui était possible en l'absence de lien physique ou fonctionnel entre les deux bâtiments, l'administration a pu porter une appréciation d'ensemble sur le projet et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les modifications apportées auraient eu pour effet d'entraîner une modification substantielle au sens des dispositions précitées de l'article L. 752-15 du code du commerce. En outre, si le maire considérait que tel était le cas, il lui revenait de transmettre le dossier pour un nouvel avis à la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) en application des dispositions précitées de l'article R. 423-13-2 du code de l'urbanisme. Par suite, le motif de refus opposé par le maire et tiré de ce que le projet devait être soumis à une nouvelle autorisation de la CDAC est erroné.
19. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté de refus attaqué qu'après avoir visé les dispositions des articles R. 111-2, R. 111-8 du code de l'urbanisme et UD 4-1 et UD 4-2 du règlement de la zone UD du plan d'occupation des sols de la commune, le maire a fondé son refus sur un quatrième motif tiré de l'insuffisance des réseaux humides, eau potable, eaux pluviales et assainissement collectif dès lors que le dossier de demande ne permettait pas de juger de la compatibilité du projet avec la capacité des canalisations et ouvrages existants. Toutefois, et alors que le maire ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme qui ne sont pas applicables au projet, la commune étant dotée d'un plan d'occupation des sols, il ne pouvait par ailleurs exiger d'autres pièces que celles prévues par le code de l'urbanisme et il n'est pas allégué que des pièces aurait été manquantes au dossier de demande. Il lui incombait de consulter les services compétents et, le cas échéant, d'identifier une insuffisance de réseaux. Par suite, et dès lors qu'il n'a pas procédé à une telle consultation, le motif de refus opposé est erroné.
20. En quatrième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
21. La commune de Lourdes soutient que l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le maire a rejeté la demande de permis de construire présentée par la société Guignard Promotion est légalement justifié par les motifs tirés de ce que la société pétitionnaire ne disposait plus de la qualité pour déposer la demande en litige et de ce que le projet méconnaitrait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme eu égard au risque d'inondation.
22. D'une part, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;/(...). ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ".
23. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire peuvent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire selon laquelle il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, sont accordées sous réserve du droit des tiers et il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle déclaration ou d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire a présenté sa demande. Mais, lorsque le pétitionnaire est, pour le terrain faisant l'objet de la demande de permis, titulaire d'une promesse de vente qui n'a pas été remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce, l'attestation par laquelle il déclare remplir les conditions pour déposer la demande de permis ne peut, en l'absence de manœuvre frauduleuse, être écartée par l'autorité administrative pour refuser de délivrer le permis sollicité.
24. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de permis de construire présentée par la société Guignard Promotion, le maire de la commune de Lourdes a retenu la caducité de la promesse de vente conclue en septembre 2008 entre la société Guignard Promotion et la société LLT etCie. Toutefois, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le juge judiciaire ait constaté la nullité ou la caducité de cette promesse, une telle circonstance ne permettait pas au maire de cette commune de retenir que la société pétitionnaire ne disposait pas du droit, de ce seul fait, à déposer une demande de permis de construire sur le terrain appartenant à la société LLT etCie. Par suite, le maire de la commune de Lourdes ne pouvait légalement opposer ce motif pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité.
25. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
26. Contrairement à ce que soutient la commune de Lourdes, il ne ressort pas des pièces du dossier, malgré la survenue d'inondations au cours de l'année 2021, évènement qui reste isolé et qui n'a pas touché pas directement la zone en litige, que le projet, qui s'implante en zone bleue du plan de prévention des risques naturels de Lourdes, dans laquelle les constructions sont autorisées, soit de nature à être exposé à un risque particulier d'inondation. Par suite, ce motif de refus est erroné.
27. Ainsi qu'il a été dit, les motifs du refus opposé par le maire de Lourdes à la demande de permis de construire présentée par la société Guignard Promotion sont entachés d'illégalité. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que d'autres motifs justifieraient un refus de permis de construire ni qu'un changement de circonstances fasse obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée. Dans ces conditions, l'annulation du refus de permis de construire implique nécessairement la délivrance du permis sollicité. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à trois mois à compter de la notification du présent arrêt le délai dans lequel devra intervenir cette délivrance.
Sur les frais liés au litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Guignard Promotion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Lourdes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées au même titre par la société LLT etCie doivent être également rejetées dès lors que cette dernière n'est pas partie à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Lourdes une somme de 1 500 euros à verser à la société Guignard Promotion au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société LLT etCie n'est pas admise.
Article 2 : La requête de la commune de Lourdes est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Lourdes de délivrer le permis de construire sollicité par la société Guignard Promotion dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Lourdes versera à la société Guignard Promotion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lourdes, à la société Guignard Promotion et à la société LLT etCie.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2023.
La rapporteure,
Héloïse G...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX00827