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26/04/2023 | FRANCE | N°22BX01393

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 26 avril 2023, 22BX01393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2105954 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2022, Mme A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2105954 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Lagarde, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 14 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire vie privée et familiale pour motifs exceptionnels dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation s'agissant du bien-fondé des moyens soulevés ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 6-5 et 7 b de l'accord franco-algérien sa situation justifiant une régularisation pour motif exceptionnel ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est dénuée base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par Mme A... a été enregistré le 27 mars 2023, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les observations de Me Lagarde, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante algérienne née le 18 août 1964, est entrée en France le 2 octobre 2013 munie d'un visa C valable jusqu'au 30 octobre 2013. Elle a fait l'objet de deux arrêtés de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français le 20 août 2015 et le 21 décembre 2017 et les recours dirigés contre ces décisions ont été rejetés. Elle a sollicité de nouveau le 19 décembre 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6-5 et 7 b de l'accord franco-algérien et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 octobre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire pur une durée de deux ans. Mme A... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis des erreurs de fait et des erreurs d'appréciation au regard des moyens soulevés en première instance ont trait au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. La décision attaquée vise les textes dont il est fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-algérien. Elle mentionne que l'intéressée est entrée en France le 2 octobre 2013, qu'elle a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement prononcées les 20 août 2015 et 21 décembre 2017, qu'elle est célibataire sans charge de famille en France, qu'elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine ou au Maroc où elle a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans, et qu'elle est démunie de ressources personnelles propres sur le territoire national. Elle indique également que les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que Mme A... ne peut se prévaloir de la promesse d'embauche conclue avec l'association Lisette de Pessac en l'absence de visa de long séjour, qu'elle n'a jamais travaillé en France et que sa situation ne répond pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Dans ces conditions, la décision attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : " (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Selon l'article 7 b de l'accord franco-algérien : " (...) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...). ". D'une part, cet article, qui porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires, n'institue ainsi pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. La délivrance d'un titre en application de ces dispositions ne procède pas d'un droit encadré par des dispositions législatives ou internationales mais procède du pouvoir gracieux de régularisation reconnu à l'autorité administrative. D'autre part, cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. En vertu de ces principes, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être regardé comme excipant de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'usage de son pouvoir de régularisation. Mme A... se prévaut de son séjour en France depuis 2013, de la présence de son frère et d'une promesse d'embauche du 11 août 2020 en qualité d'aide à domicile auprès d'une association de services à la personne. Toutefois, il est constant qu'elle s'est maintenue en France de manière irrégulière et ne justifie pas de visa de long-séjour en qualité de salarié. En outre, elle est célibataire et sans enfant et n'a jamais exercé d'activité professionnelle en France. La présence de son frère en France et ses activités de bénévolat ne sont pas de nature à établir qu'elle y aurait fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux alors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle serait isolée dans son pays d'origine, où réside notamment sa sœur, alors même qu'elle aurait rompu tout lien avec cette dernière, ainsi qu'au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans. Enfin la seule circonstance que son frère rencontre des problèmes de santé n'est pas de nature à établir que sa présence serait indispensable pour lui porter assistance. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de refus serait entachée d'erreur d'appréciation au regard des articles 6-5 et 7 b de l'accord franco-algérien et que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans la cadre de l'exercice de son pouvoir de régularisation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, Mme A... se borne à reprendre en appel, sans critique sérieuse et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français, moyen auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

8. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'erreur de fait, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. L'article L. 612-6 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit

d'asile prévoit que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger,

l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français

d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent

toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

11. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. Il résulte en outre des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité administrative prend en compte les circonstances humanitaires qu'un étranger peut faire valoir et qui peuvent justifier qu'elle ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre.

12. La décision contestée rappelle les éléments propres à la situation de Mme A..., vise les dispositions législatives appliquées et indique que l'examen de la situation de l'intéressée a été fait au regard de ces critères en précisant que bien qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, elle a déjà fait l'objet de deux mesures de reconduite à la frontière non exécutées, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Ainsi, elle comporte les considérations de droit et de fait qui fondent l'interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

13. Au vu de ces éléments, et des motifs énoncés au point 6, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 14 octobre 2021. Par suite sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2023.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01393
Date de la décision : 26/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LAGARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-26;22bx01393 ?
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