La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2023 | FRANCE | N°21BX02218

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 26 avril 2023, 21BX02218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 23 août 2019 par lesquels la rectrice de l'académie de Poitiers l'a affecté en zone de remplacement dans les Deux-Sèvres, du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, et l'a rattaché sur le plan administratif, au lycée d'enseignement général et technologie Jean Macé à Niort.

Par un jugement n° 1902578 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, M. A..., représenté par la SCP KPL Avocats, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 23 août 2019 par lesquels la rectrice de l'académie de Poitiers l'a affecté en zone de remplacement dans les Deux-Sèvres, du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, et l'a rattaché sur le plan administratif, au lycée d'enseignement général et technologie Jean Macé à Niort.

Par un jugement n° 1902578 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, M. A..., représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 mars 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 août 2019 de la rectrice de l'académie de Poitiers ;

3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Poitiers, en application de l'article L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de le réintégrer dans son ancienne affectation auprès du lycée de la Venise Verte à Niort ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les arrêtés attaqués constituaient de simples mesures d'ordre intérieur alors qu'il a fait l'objet de deux mesures successives de suspension démontrant l'intention de le sanctionner ; ces mesures ont été prises en fonction de sa manière de servir et constituent une mutation d'office destinée à sanctionner son comportement professionnel ; ces mesures ont eu pour effet de modifier le niveau de sa rémunération ainsi que les responsabilités qu'il avait sur le plan professionnel ; ;

- les mesures contestées qui ne sont pas fondées sur l'intérêt du service constituent une sanction disciplinaire déguisée ;

- les arrêtés litigieux ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il a été privé de la possibilité de consulter son dossier personnel en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et que la commission administrative paritaire aurait dû être saisie en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ;

- la mesure de déplacement d'office prononcée à son encontre qui constitue une sanction disciplinaire déguisée du deuxième groupe est entachée d'illégalité en l'absence de motivation, d'invitation à consulter son dossier administratif en méconnaissance de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et de saisine préalable du conseil de discipline en violation de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, la rectrice de l'académie de Poitiers conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 23 août 2019 sont irrecevables dès lors qu'ils constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 et notamment son article 65 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 :

- le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999 ;

- le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur certifié de lettres classiques depuis le 1er septembre 1999, a été affecté, le 1er septembre 2013, à titre définitif, au lycée d'enseignement général et technologique de la Venise Verte à Niort. Au vu notamment des conclusions d'un rapport de l'inspecteur d'académie du 7 février 2019 sur sa manière de servir, M. A... été suspendu de ses fonctions, par un arrêté de l'autorité rectorale du 12 mars 2019. Par deux arrêtés du 23 août 2019, la rectrice de l'académie de Poitiers l'a affecté à titre provisoire en qualité de titulaire sur zone de remplacement dans le département des Deux-Sèvres du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 et l'a rattaché, sur le plan administratif, au lycée d'enseignement général et technologique Jean Macé situé à Niort. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : " Les professeurs certifiés participent aux actions d'éducation, principalement en assurant un service d'enseignement dans les établissements du second degré et dans les établissements de formation. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré : " Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation, titulaires et stagiaires, peuvent être chargés, dans le cadre de l'académie et conformément à leur qualification, d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant ". L'article 2 de ce même décret dispose que : " Pour l'application du présent décret, le recteur détermine au sein de l'académie, par arrêté pris après avis du comité technique académique, les différentes zones dans lesquelles les personnels mentionnés à l'article 1er ci-dessus exercent leurs fonctions ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " L'arrêté d'affectation dans l'une des zones prévues à l'article 2 ci-dessus des personnels mentionnés à l'article 1er indique l'établissement public local d'enseignement ou le service de rattachement de ces agents pour leur gestion. Le territoire de la commune où est implanté cet établissement ou ce service est la résidence administrative des intéressés. / Le recteur procède aux affectations dans les établissements ou les services d'exercice des fonctions de remplacement par arrêté qui précise également l'objet et la durée du remplacement à assurer. / Ces établissements ou services peuvent être situés, lorsque l'organisation du service l'exige, dans une zone limitrophe de celle mentionnée à l'alinéa 1er ci-dessus. / Les instances paritaires compétentes sont consultées sur les modalités d'application des dispositions du présent article ". Aux termes de l'article 2 du décret du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré : " Dans le cadre de la réglementation applicable à l'ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail et dans celui de leurs statuts particuliers respectifs, les enseignants mentionnés à l'article 1er du présent décret sont tenus d'assurer, sur l'ensemble de l'année scolaire : / I. - Un service d'enseignement dont les maxima hebdomadaires sont les suivants : / 3° Professeurs certifiés, adjoints d'enseignement et professeurs de lycée professionnel : dix-huit heures ; (...) "

3. D'autre part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la réception par le rectorat de plusieurs plaintes de parents d'élèves remettant en cause les méthodes pédagogiques et le contenu des cours de M. A... jugés insuffisant pour permettre la préparation aux examens de français du baccalauréat et du refus d'un certain nombre d'élève d'assister à ses cours à compter du 14 janvier 2019, M. A... a fait l'objet d'une évaluation sur sa manière de servir par l'inspecteur d'académie qui a conclu dans son rapport du 7 février 2019 à la persistance des difficultés de M. A... tant sur le plan pédagogique que sur le plan relationnel avec la direction, les élèves et leurs parents en dépit des conseils réitérés depuis plusieurs années mais non suivis par l'enseignant. La matérialité de ces faits n'est pas sérieusement remise en cause par les précédentes évaluations de M. A..., lesquelles, bien que reconnaissant la grande culture du requérant, soulignent également ses difficultés en termes de pédagogie et de méthodologie. Pour mettre fin à la situation conflictuelle et au climat de tension qui s'étaient instaurés au sein du lycée de la Venise Verte à Niort de nature à compromettre tant le bon fonctionnement de l'établissement, que la continuité du service public de l'éducation, par les mesures contestées, M. A... a été affecté à titre provisoire en qualité de professeur titulaire, pour la même discipline, sur la zone de remplacement des Deux-Sèvres tout en le rattachant, sur le plan administratif, au lycée Jean Macé de Niort pour l'année scolaire 2019-2020. Si ces mêmes faits ont donné lieu préalablement à une mesure de suspension à titre conservatoire prononcée par un arrêté du 13 mars 2019, cette circonstance ne révèle pas que le changement d'affectation en cause aurait eu pour finalité de le sanctionner alors au demeurant que le requérant admet dans ses écritures que la procédure disciplinaire envisagée dans un premier temps a été abandonnée. M. A... n'avance en outre aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'une discrimination à son encontre. Dans ces conditions, alors même qu'il a été décidé pour des motifs tenant au comportement de l'intéressé, le changement d'affectation de M. A..., prononcé dans l'intérêt du service, ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée.

5. M. A... fait valoir que les arrêtés en litige modifient sa situation professionnelle dès lors qu'en tant que titulaire de zone de remplacement, il n'exercera plus ses fonctions de manière permanente mais dans les seules hypothèses de remplacement et qu'il ne pourra s'inscrire dans la durée au sein des établissements scolaires. Toutefois, il ressort des arrêtés contestés que l'affectation temporaire de M. A... en zone de remplacement n'a pour effet ni de le priver de sa qualité de professeur titulaire au lycée de la Venise Verte à Niort, qui demeure son adresse d'affectation à titre définitif, ni de diminuer la durée de son service d'enseignement maintenu à dix-huit heures de service hebdomadaire. S'il est constant ainsi que l'a jugé le tribunal que les nominations en qualité de titulaire sur zone de remplacement impliquent nécessairement des déplacements compte tenu des exigences dictées par l'organisation du service, les services que M. A... est appelé à accomplir en zone de remplacement font partie des missions pouvant être statutairement confiées à un enseignant et les mesures litigieuses n'entraînent pas un changement significatif de ses conditions de travail en l'absence de changement de résidence administrative alors, au demeurant, que le requérant a décliné les autres postes qui lui ont été proposés et notamment au sein du centre national d'enseignement à distance lors de son entretien avec la direction des ressources humaines du rectorat le 23 mai 2018 et que le rectorat a précisé dans son courrier du 26 août 2019 que la suppléance s'effectuera à Niort ou aux alentours proches. Par ailleurs, M. A... n'établit pas la perte des primes afférentes au poste permanent qu'il occupait précédemment en se bornant à comparer le montant de ses revenus perçus au titre de l'année 2018 et ceux perçus au titre de l'année 2020 alors qu'il ressort de l'arrêté du 24 juillet 2020, que le requérant a été placé en congé de maladie à demi-traitement du 13 décembre 2019 au 12 septembre 2020 inclus. Si le requérant a perçu au titre du mois de janvier 2021 un revenu net de 1 423 euros, il ressort du bulletin de salaire que son traitement ainsi que ses indemnités sont demeurés à un niveau équivalent voire légèrement supérieur et que la baisse de rémunération s'explique par une retenue pour un trop perçu d'un montant de 888 euros.

6. Ainsi, le changement d'affectation de M. A... à compter du 1er septembre 2019, qui ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est pas constitutif d'une discrimination, ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, et n'a pas emporté de perte de responsabilités ou de rémunération. Par suite, et alors même que cette mesure de changement d'affectation a été prise pour des motifs tenant au comportement de celui-ci, elle présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, prise dans l'intérêt du service, et dès lors, est insusceptible de recours.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 23 août 2019 comme irrecevable.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par le requérant n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Poitiers.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2023.

La rapporteure,

Birsen D...Le président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02218
Date de la décision : 26/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-26;21bx02218 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award