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18/04/2023 | FRANCE | N°22BX02728

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 18 avril 2023, 22BX02728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200462 du 16 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, Mme B... D..., représentée p

ar Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2200462 du tribunal administratif ; ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200462 du 16 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, Mme B... D..., représentée par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2200462 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du délai de vingt jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; à défaut, d'enjoindre à la préfète de se prononcer à nouveau sur sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne doit pas comprendre le médecin qui a rédigé le rapport médical destiné à éclairer cette instance ; l'avis rendu ne comporte pas le nom de ce médecin, et il n'est donc pas possible de vérifier la régularité de la composition du collège ;

- il n'est pas établi que les signataires de l'avis puissent être identifiés, de même que le médecin auteur du rapport médical transmis à cette instance, que l'avis ait été rendu dans les trois mois suivant la transmission par l'étranger du certificat médical, que l'avis ait résulté d'une délibération collégiale et qu'il ait été motivé ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est atteinte de graves pathologies pour lesquelles il n'existe pas de traitements effectivement disponibles dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît son droit à une vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Elle soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît son droit à une vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., ressortissante arménienne née le 8 septembre 1953, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en novembre 2016 en compagnie de sa fille, âgée de 33 ans, pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 septembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 1er décembre 2017. En janvier 2018, Mme D... a déposé en préfecture de Haute-Vienne une demande de titre de séjour pour raison de santé, que le préfet a rejetée par un arrêté du 12 décembre 2019 assorti d'une mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2000241 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2019 présentée par Mme D..., et l'appel que celle-ci a formé contre ce jugement a fait l'objet d'une ordonnance de rejet n° 20BX03321,20BX03326 prise par la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 20 mai 2021. Mme D... a cependant déposé en préfecture de Haute-Vienne, le 1er octobre 2021, une nouvelle demande de titre de séjour pour raison de santé qui a été rejetée par un arrêté du 3 février 2022, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 et relève appel du jugement rendu le 16 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du bordereau de transmission du 6 janvier 2022, que l'état de santé de Mme D... a fait l'objet d'un rapport établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 28 décembre 2021, lequel a été transmis au collège de médecins le 3 janvier 2022. Ce collège a ainsi examiné la demande de titre de séjour de Mme D... sur la base du rapport médical et son avis a été rendu le 6 janvier 2022 dans une composition qui ne comprenait pas l'auteur de ce rapport, conformément aux dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2016.

4. Les mentions figurant sur l'avis du collège de médecins de l'OFII permettent de vérifier l'identité de ses signataires, tandis qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'avis devrait mentionner aussi le nom du médecin auteur du rapport médical, prévu par l'article R. 425-11, transmis au collège.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions figurant sur l'avis du 6 janvier 2022, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que les médecins ont délibéré collégialement avant de prendre position.

6. L'avis du collège de médecins précise que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque en Arménie. Cet avis satisfait aux exigences de motivation découlant de l'article 6, précité, de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

7. Si l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que le collège de médecins rend son avis dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux nécessaires à l'examen de sa demande, ce délai n'est pas prescrit à peine d'irrégularité de la procédure. Par suite, la circonstance que le collège de médecins de l'OFII aurait rendu son avis au-delà du délai prévu est sans incidence sur la régularité de la décision contestée.

8. Il résulte de ce qui précède que la procédure suivie n'est pas irrégulière.

9. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

10. Ainsi qu'il a été dit, le collège de médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, cette dernière peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... souffre d'un état dépressif, d'une hypertension artérielle, d'un rétrécissement aortique et de la maladie d'Alzheimer. Pour contester l'appréciation du préfet selon laquelle elle pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, Mme D... produit un " certificat sanitaire " rédigé par un médecin arménien présenté, sans autre précision, comme " chef du service de neurologie " indiquant qu'il n'existe pas, en Arménie, de traitement approprié à la maladie d'Alzheimer ni de structure prenant en charge ce type de pathologie. Elle produit également une note, présentée comme émanant du ministère de la santé de la République d'Arménie, indiquant que les médicaments qui lui sont administrés en France ne sont pas enregistrés dans ce pays. Toutefois, ces documents ne sont pas suffisamment probants pour permettre d'estimer que, contrairement à l'appréciation du préfet sur la base de l'avis collégial des médecins de l'OFII, Mme D... ne pourrait bénéficier d'un suivi médical effectif dans son pays d'origine, lequel n'a pas à être nécessairement identique à celui qu'elle reçoit en France du moment qu'il présente des garanties équivalentes. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté en litige, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée en France à l'âge de 63 ans pour y solliciter l'asile. Après le rejet définitif de sa demande en 2017, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français en dépit d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, et le recours contentieux que Mme D... a formé contre cette décision a été rejeté par le tribunal administratif de Limoges puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Par ailleurs, il est constant que Mme D... séjourne en France avec sa fille, laquelle a également fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Aucun élément au dossier ne permet d'estimer que Mme D... aurait, durant son séjour en France, noué des liens familiaux ou privés présentant un caractère ancien, intense et stable. Quant à la cellule familiale qu'elle forme avec sa fille, elle pourra se poursuivre en Arménie, d'autant qu'il ressort des pièces du dossier que son autre fille y demeure. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, il n'est pas établi que Mme D... serait, dans son pays d'origine, dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement médical adapté à son état de santé. Dans ces conditions, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces mêmes circonstances, la préfète n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :

13. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

14. En second lieu, les moyens tirés de l'atteinte à la vie privée et familiale et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 22BX02728 de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

Le rapporteur,

Frédéric A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02728

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02728
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-18;22bx02728 ?
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