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18/04/2023 | FRANCE | N°21BX03695

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 18 avril 2023, 21BX03695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 9 de l'unité de contrôle de Bordeaux de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a autorisé son licenciement pour motif économique ainsi que la décision du 1er septembre 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté le rec

ours hiérarchique dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 20050...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 9 de l'unité de contrôle de Bordeaux de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a autorisé son licenciement pour motif économique ainsi que la décision du 1er septembre 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 2005071 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Bisiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 11 septembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 9 de l'unité de contrôle de Bordeaux de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a autorisé son licenciement pour motif économique ;

3°) d'annuler la décision du 1er septembre 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision du 11 septembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine et de l'association Petite Enfance, Enfance et Famille la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant du contrôle de l'élément matériel du motif économique, l'administration n'a pas vérifié si la modification du contrat de travail qui lui était proposée était réelle ; cette modification consistait en réalité à supprimer son poste et à le remplacer par un autre poste pour lequel un salarié a été recruté en contrat à durée déterminée ; ainsi, la modification de son contrat de travail n'est pas justifiée par les difficultés économiques et la nécessité d'une réorganisation ;

- s'agissant de l'obligation de reclassement de l'employeur, l'inspecteur du travail ne pouvait accepter le licenciement alors qu'il ne lui a pas été transmis le registre unique du personnel permettant de contrôler que l'ensemble des postes disponibles lui ont été proposés ; il n'était donc pas en mesure de vérifier que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement, alors que des secrétaires d'accueil ont été recrutés ultérieurement sans que ces postes ne lui soient proposés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2021, l'association Petite Enfance, Enfance et Famille (A...) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Petite Enfance, Enfance et Famille (A...), qui œuvre dans le secteur de la petite enfance, a recruté le 5 janvier 2004 Mme B... en qualité de secrétaire d'accueil. Rencontrant des difficultés économiques, l'APEEF a établi au début de l'année 2019 un projet de réorganisation de la structure afin de répondre aux demandes de la ville de Bordeaux, principal financeur, dans le cadre d'une nouvelle convention triennale de fonctionnement. Mme B..., a refusé le 4 juillet 2019 la modification de son contrat de travail qui lui avait été proposée dans ce contexte. Le 29 juillet 2019, l'APEEF a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de l'intéressée, à raison de son refus d'accepter une modification de son contrat de travail résultant d'un motif économique. Par une décision du 11 septembre 2019, l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine a autorisé son licenciement. Le recours hiérarchique formé par Mme B... le 12 novembre 2019 a été implicitement rejeté par la ministre du travail. Enfin, par une décision du 1er septembre 2020, qui s'est substituée à cette décision implicite, la ministre du travail a autorisé le licenciement de Mme B.... Cette dernière a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 11 septembre 2019 et 1er septembre 2020 précitées. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il leur appartient en outre, de rechercher si cette modification était justifiée par un tel motif.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...). / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. / Les difficultés économiques (...) s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (...) ".

4. La requérante soutient que l'inspectrice du travail a estimé que son licenciement résultait de son refus d'accepter la modification de son contrat de travail au titre des mesures prises pour remédier aux difficultés économiques de l'association alors que son poste n'a pas été modifié mais supprimé.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la situation économique de l'APEEF, qui ne disposait ni de trésorerie ni de fonds propres, était très dégradée au titre des années 2017 et 2018 à raison notamment de l'augmentation de la masse salariale depuis 2016. Le montant des pertes cumulées sur ces deux années, soit 435 155 euros, a conduit l'association à une réorganisation en 2019 et à une réduction de ses coûts salariaux. Cette situation financière, sur laquelle s'est fondée l'autorité administrative, qui a également relevé que l'APEEF n'appartenait pas à un groupe, n'est pas sérieusement contestée et caractérise des difficultés économiques de nature structurelle, au sens des dispositions précitées. Par suite, l'inspectrice du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la réalité des difficultés économiques invoquées au soutien de la demande d'autorisation de licenciement de Mme B... était établie.

6. D'autre part, dans le cadre de sa réorganisation, l'APEEF a proposé aux deux secrétaires d'accueil en contrat à durée indéterminée, dont Mme B..., une modification de leur contrat de travail consistant à passer d'un poste de secrétaire d'accueil à celui d'agent administratif de catégorie B, coefficient 225 avec une rémunération inférieure, que l'intéressée a refusée. L'autorité administrative n'avait pas à se prononcer sur l'opportunité des modifications envisagées à la structure de l'APEEF mais devait uniquement vérifier que la modification d'un élément essentiel du contrat de travail de Mme B... était justifiée par un motif économique et que cette modification avait été refusée par la salariée. Par ailleurs, dès lors que la proposition de modification de son contrat de travail a été effectivement transmise à Mme B..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la modification ainsi proposée constituait en réalité une suppression de son poste. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que, postérieurement au refus de la requérante d'accepter la modification de son contrat de travail et son licenciement, le poste d'agent administratif qu'elle avait refusé a été pourvu par un salarié recruté en contrat à durée déterminée.

7. Il résulte de ce qui précède que l'inspectrice du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le licenciement de Mme B... résultait d'une modification, refusée par la salariée, d'un élément essentiel du contrat de travail justifiée par un motif économique.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (...) / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. (...) /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Pour s'acquitter de son obligation de reclassement l'employeur doit procéder à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'APEEF, qui n'appartient pas à un groupe, a remis à l'intéressée, par courrier du 16 juillet 2019, trois propositions de reclassement au nombre desquelles figuraient le poste d'agent administratif précédemment refusé par modification de contrat, un poste d'animateur et un poste de niveau supérieur de directeur de site. L'intéressée n'a donné suite à aucune de ces trois propositions qui étaient en adéquation avec son profil. Si Mme B... fait valoir que l'inspectrice du travail n'aurait pas eu communication du registre unique du personnel, cette circonstance est sans incidence compte tenu des propositions concrètes, précises et personnalisées qui lui ont été faites. Dans ces conditions, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'APEEF avait procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de Mme B.... Enfin, les circonstances qu'un recrutement est intervenu ultérieurement en contrat à durée déterminée sur le poste d'agent administratif refusé par la requérante et qu'aucun des postes pourvus après le licenciement de cette dernière ne lui ont été préalablement proposés sont sans incidence sur cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 11 septembre 2018 et 1er septembre 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de l'APEEF, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., à l'association Petite Enfance, Enfance et Famille (A...) et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2023.

La rapporteure,

Caroline E...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03695
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : BISIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-18;21bx03695 ?
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