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11/04/2023 | FRANCE | N°22BX02350

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22BX02350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100784 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme

A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100784 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 5 juillet 2022.

Il soutient que l'arrêté du 24 juin 2021 ne méconnait ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête du préfet a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante haïtienne née le 17 mars 1967, déclare être entrée sur le territoire français le 6 avril 2004. Elle a déposé le 7 juin 2010 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 août 2010 et par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 30 mai 2011. Par une décision du 26 mai 2017, le préfet de la Guadeloupe a refusé sa demande d'admission au séjour sur le fondement de la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012. Par un arrêté du 11 juin 2019, le préfet de la Guadeloupe a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 1900635 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté aux motifs que la commission du titre de séjour n'avait pas été consultée préalablement à l'édiction de cet arrêté, et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de procéder au réexamen de la situation de Mme A... après avoir recueilli l'avis de cette commission. La demande de titre sollicitée par Mme A... a été soumise à l'avis de la commission du titre de séjour qui a émis un avis favorable dans sa séance du 11 février 2021. Par un arrêté du 24 juin 2021, le préfet de la Guadeloupe a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une part : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Mme A..., qui soutient être entrée en France le 6 avril 2004, justifie, par les pièces qu'elle produit, de sa présence sur le territoire français à compter du 23 mai 2006. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France sans titre de séjour puis s'y étant maintenue malgré le refus opposé à sa demande de séjour le 26 mai 2017, n'a séjourné sur le territoire que de façon irrégulière. Par ailleurs, si elle produit une attestation du service central d'état civil de Nantes en date du 16 août 2021 indiquant qu'elle a conclu un pacte de solidarité civile avec un ressortissant français le 24 octobre 2013, elle ne produit aucun élément de nature à établir l'intensité et l'actualité de cette relation, et ce alors qu'elle a par ailleurs indiqué être célibataire sur une fiche de renseignements du 4 août 2018. En outre, elle ne justifie pas davantage avoir des liens avec ses cousins et son oncle dont elle prétend qu'ils seraient en France. Enfin, Mme A... ne démontre pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu plus de trente-cinq ans. En outre, il ressort de la même fiche de renseignements remplie lors de sa demande d'admission au séjour qu'elle a déclaré ne pas avoir d'enfant. Si elle a ensuite indiqué devant le tribunal administratif que ses trois enfants majeurs vivent à l'étranger ou en métropole et qu'elle n'a plus de liens en Haïti, elle n'a assorti ces allégations d'aucun élément de preuve. Dans ces conditions, et malgré l'avis favorable émis par la commission du titre de séjour, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que l'arrêté en litige était entaché d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient à la cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A....

Sur les autres moyens de première instance :

5. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 relatives à l'admission exceptionnelle au séjour, soulevé en première instance par Mme A..., doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Mme A... fait valoir qu'en cas de retour en Haïti, elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants, et évoque l'assassinat pour des raisons politiques de son ancien compagnon ainsi que la dégradation de la situation politique dans ce pays. Cependant, Mme A..., qui n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, ne démontre pas qu'elle encourt un risque personnel et actuel. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, Mme A... doit être regardée comme invoquant l'illégalité par voie d'exception de la décision du 26 mai 2017 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui accorder un titre de séjour.

9. Toutefois, l'arrêté du 24 juin 2021 n'a pas été pris pour l'application de la décision du 26 mai 2017. Mme A... ne peut donc utilement invoquer son illégalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à demander l'annulation du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 24 juin 2021.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100784 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Evelyne B... Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02350
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CAZAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;22bx02350 ?
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