Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... et Mme F... A... née C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 24 septembre 2021 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2201087, 2201088 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 3 septembre 2022 sous le n° 22BX02382, M. A..., représenté par Me Hugon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 septembre 2021 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 813 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa femme et lui remplissent les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012, qui est invocable ; en effet, ils vivent en France depuis 2014, la famille y est intégrée et y a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux ; leurs enfants poursuivent leur scolarité en France ; par ailleurs, il ne constitue pas une menace à l'ordre public, contrairement à ce qu'a retenu la préfète de la Gironde ; Mme A... bénéficie d'un suivi psychiatrique et n'a plus de liens dans son pays d'origine
- cette décision méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- ces décisions se fondent sur des décisions de refus de titre de séjour illégales ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et son entachées d'erreurs manifestes d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- ces décisions se fondent sur des décisions portant obligation de quitter le territoire français illégales ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A..., méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son entachées d'erreurs manifestes d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2023, la préfète de la Gironde a conclu au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 3 septembre 2022 sous le n° 22BX02383, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 septembre 2021 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 813 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 22BX02382.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2023, la préfète de la Gironde a conclu au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de Mme A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 28 juillet 2022.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 28 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants kosovars nés respectivement le 18 mai 1980 et le 22 février 1980, entrés sur le territoire français au mois de décembre 2014 selon leurs déclarations, ont sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 et de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 24 septembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer les titres de séjour demandés, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Par la requête enregistrée sous le n° 22BX02382, M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 septembre 2021 pris à son encontre. Par la requête enregistrée sous le n° 22BX02383, Mme A... relève également appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel ce tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2021 la concernant. Ces deux requêtes, qui concernent les membres d'une même famille, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".
3. M. et Mme A... sont entrés en France au mois de décembre 2014 et se sont maintenus sur le territoire français en dépit de plusieurs mesures d'éloignement. Si les requérants sont désormais francophones, bénévoles dans plusieurs associations et versent au dossier de nombreuses attestations démontrant leur volonté d'intégration, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a jamais travaillé avant l'édiction de l'arrêté litigieux, et que Mme A... est employée seulement une trentaine d'heures par mois chez la personne qui les héberge. En outre, la préfète a pu prendre en compte, pour apprécier l'intégration de M. A... sur le territoire français, la circonstance qu'il a été signalé et interpellé le 20 mai 2018 par les services de police d'Agen pour des faits de violence avec usage ou menace sans incapacité, alors même qu'il n'a pas été poursuivi pour ces faits et qu'ils seraient intervenus dans le cadre d'une dispute avec sa fille aînée, laquelle a d'ailleurs conduit à une évaluation réalisée par le service social départemental. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, où ils ont vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans et où résident encore les parents de M. A..., la mère de Mme A..., ainsi que la plupart de leurs frères et sœurs. Ainsi, Mme A... ne peut être regardée comme n'ayant plus aucun lien dans son pays d'origine, contrairement à ce qu'elle soutient, alors même qu'elle y aurait vécu des événements traumatiques et bénéficie d'un suivi psychiatrique. Enfin, par un arrêté du 24 septembre 2021, la préfète de la Gironde a également refusé de délivrer un titre de séjour à leur fille aînée et lui a fait obligation de quitter le territoire français, et rien ne fait obstacle à ce que leur fils né en 2007 poursuive sa scolarité au Kosovo. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne peuvent être regardés comme ayant fixé le centre de leurs intérêts privés et familiaux sur le territoire national. Ainsi, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Par suite le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. A cet égard, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de ce qu'ils remplissent les critères de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, laquelle concerne seulement l'admission exceptionnelle au séjour. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
5. Les éléments exposés au point 3, notamment en ce qui concerne la durée du séjour de M. et Mme A... en France, la scolarisation de leurs enfants et la circonstance que l'un d'eux est encore mineur, ne permettent pas de caractériser, en l'espèce, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle des requérants au séjour, contrairement à ce qu'ils soutiennent. Par ailleurs, à supposer qu'ils aient entendu invoquer la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, des orientations générales contenues dans cette circulaire pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Au regard de ce qui a été dit aux point 3, notamment concernant la scolarité du fils de M. et Mme A... et dès lors que la fille aînée du couple a également fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, les décisions de refus de titre de séjour en litige ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète quant aux conséquences des décisions portant obligation de quitter le territoire français sur leur situation personnelle doivent être écartés.
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français prises à leur encontre.
11. En deuxième lieu, la circonstance qu'il est indiqué que M. A... ne représente pas une menace actuelle pour l'ordre public, alors que l'arrêté indiquait précédemment, en ce qui concerne la demande de titre de séjour, que son comportement était " de nature à troubler l'ordre public " relève d'une erreur de plume et ne saurait révéler un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant dès lors que l'arrêté fait par ailleurs état des autres éléments pris en compte au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tels que les mesures d'éloignement dont il a fait l'objet et ses attaches dans son pays d'origine et sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
12. Enfin, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... ont tous deux fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, auxquelles ils n'ont pas déféré. Au regard des éléments énoncés au point 3, les interdictions de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la préfète de la Gironde quant aux conséquences de ces décisions sur leur situation personnelle doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Leurs requêtes doivent ainsi être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 22BX02382 et n° 22BX02383 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et Mme F... A... née C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
La rapporteure,
Charlotte B...Le président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02382, 22BX02383 2