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06/04/2023 | FRANCE | N°21BX03118

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 avril 2023, 21BX03118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie et des arrêts de travail présentés depuis le 16 septembre 2016, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 100 000 euros en réparation de ses préjudic

es, enfin, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'établir le préjudice s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie et des arrêts de travail présentés depuis le 16 septembre 2016, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 100 000 euros en réparation de ses préjudices, enfin, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'établir le préjudice subi.

Par un jugement n° 1902780 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 17 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Merlet-Bonnan, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) avant dire droit, si la cour l'estime nécessaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer l'existence d'un lien entre son état de santé et son environnement professionnel ainsi que d'évaluer ses différents chefs de préjudice ou, subsidiairement, de diligenter une enquête en application de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2021 ;

3°) d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est atteinte, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de réexaminer sa situation ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme à parfaire de 202 609 euros en réparation de ses différents préjudices outre 70 000 euros au titre des souffrances morales endurées ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 250 euros au titre des dépens et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la commission de réforme a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que sa pathologie est en lien direct et certain avec ses conditions de travail, sans que son propre comportement puisse être regardé comme étant à l'origine de la dégradation de son contexte professionnel ;

- il y a lieu de prescrire une enquête concernant les agressions dont elle a été victime et qui sont à l'origine de la dégradation de son état de santé ;

- elle a porté plainte avec constitution de partie civile contre le recteur de l'académie de Bordeaux pour harcèlement moral.

Un mémoire a été enregistré pour le recteur de l'académie de Bordeaux le 19 mars 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Merlet-Bonnan représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme Santander, secrétaire administrative de classe exceptionnelle de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été affectée entre le 1er septembre 2007 et le 1er septembre 2013 à la faculté de pharmacie de Bordeaux, en qualité de responsable administrative et financière. Elle a été placée en congé de maladie puis en congé de longue maladie à compter du 13 septembre 2016. Le 23 décembre 2017, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre. Cette demande a été rejetée par une décision du recteur de l'académie de Bordeaux du 21 décembre 2018. Mme C... relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué

2. Si l'appelante soutient que le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs de fait et d'appréciation, ces moyens ont trait au bien-fondé du jugement attaqué et demeurent sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai. Ce délai de recours commence, en principe, à courir à compter de la publication ou de la notification complète et régulière de l'acte attaqué. Toutefois, à défaut, il court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un demandeur donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte.

4. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 5 juin 2019, Mme C... n'a invoqué que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision du 21 décembre 2018 serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et, en particulier, que l'avis de la commission de réforme aurait été irrégulièrement rendu, soulevé pour la première fois dans son mémoire du 20 avril 2021, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux, relevait d'une cause juridique différente des moyens invoqués avant l'expiration de ce délai et ne pouvait, par suite, qu'être écarté comme irrecevable.

5. En second lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

6. Madame C... soutient que la pathologie dont elle est atteinte a pour origine les incidents survenus sur son lieu de travail les 11 novembre 2010 et 8 novembre 2011, lesquels seraient survenus dans un contexte de " burn-out ".

7. D'une part, il ressort des pièces produites à l'instance que Mme C... a été placée en congé de maladie dès le 14 janvier 2010, pour une durée de 18 jours, qu'elle a ensuite bénéficié d'une prolongation d'arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif le 10 juin 2010, puis de deux arrêts supplémentaires, pour le même motif, les 26 octobre et 5 novembre 2010. Ainsi, et contrairement à ce qu'indiquent les certificats médicaux établis les 14 septembre 2016 et 6 juillet 2021 dont se prévaut l'appelante, celle-ci souffrait déjà d'un syndrome anxio-dépressif antérieurement aux incidents relatés, dont le premier correspond au début de " la période d'exposition " mentionnée dans sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service.

8. D'autre part, Mme C... n'a pas assisté à l'incident du 11 novembre 2010 au cours duquel un agent de l'université, brandissant une paire de ciseaux, l'aurait menacée de mort devant des collègues consécutivement à la diffusion, par la direction, d'une note concernant les règles en matière d'horaire et de congés applicable au service. L'incident du 8 novembre 2011 correspond à l'altercation qui l'a opposée, dans son bureau, à un maître de conférences qui se serait montré agressif, les aurait traités collectivement, elle et son équipe, de " bande de nazes " avant de quitter la pièce en lançant un stylo. Mme C... a été hospitalisée pendant deux heures le lendemain de cette altercation.

9. Eu égard aux circonstances dans lesquelles ils se sont produits, à leur caractère particulièrement ancien et isolé, ces deux incidents ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser un environnement de travail de nature à susciter le développement de la pathologie dont la requérante est atteinte.

10. Enfin, l'appelante n'établit pas la réalité de la surcharge exceptionnelle de travail qu'elle aurait dû supporter au cours des années 2010 à 2013, laquelle a été fermement contestée par le recteur devant le tribunal administratif dans son mémoire en défense communiqué à la requérante le 5 mars 2021, en se bornant à produire des pièces qui sont en relation avec les arrêts de travail qui lui ont été prescrits en 2010, en raison du syndrome anxio-dépressif dont elle souffrait déjà, ainsi qu'un certificat établi le 22 avril 2013 par un médecin du service de médecine du travail, faisant seulement état des " difficultés réactionnelles qu'elle a rencontrées à l'occasion de la conduite inadaptée d'agents de l'établissement " et dont la dernière occurrence serait survenue en février 2013, plus de quatre année avant son placement en congé de maladie pour la même affection.

11. Dans ces conditions, Mme C..., qui souffrait d'ailleurs déjà d'un syndrome anxio-dépressif au cours du premier semestre de l'année 2010, antérieurement aux circonstances auxquelles elle attribue la survenance de ce syndrome, n'établit pas que la dégradation de son état de santé serait en lien avec l'exercice de ses fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de ce syndrome ni, par voie de conséquence, que celui-ci, ou son aggravation, à compter de l'année 2016, serait imputable au service, quand bien même l'existence de cette pathologie a pu générer, depuis son apparition, une importante souffrance au travail.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ou de diligenter une enquête, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles R. 761-1 et L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

Le rapporteur,

Manuel B...

La présidente,

Marie-Pierre Beuve DupuyLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX03118 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03118
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS EXEME ACTION

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;21bx03118 ?
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