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29/03/2023 | FRANCE | N°21BX01308

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 29 mars 2023, 21BX01308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a rejeté sa candidature en qualité de puéricultrice au sein de l'antenne médico-sociale de Bressuire. Elle a aussi demandé au tribunal de mettre en œuvre la procédure d'inscription de faux prévue par l'article R. 633-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où le département des Deux-Sèvres confirmerait vouloir utilis

er la pièce n°4 jointe à son mémoire, de surseoir à statuer dans l'attente que ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a rejeté sa candidature en qualité de puéricultrice au sein de l'antenne médico-sociale de Bressuire. Elle a aussi demandé au tribunal de mettre en œuvre la procédure d'inscription de faux prévue par l'article R. 633-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où le département des Deux-Sèvres confirmerait vouloir utiliser la pièce n°4 jointe à son mémoire, de surseoir à statuer dans l'attente que le tribunal judiciaire se prononce.

Par un jugement n° 1901321 du 28 janvier 2021, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 mars 2021 et le 13 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Gomez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901321 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision du 29 avril 2019 en litige ;

3°) d'enjoindre au département des Deux-Sèvres de procéder à sa réintégration sur un poste de puéricultrice au sein de l'antenne médico-sociale de Bressuire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du département la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a statué ultra petita sur sa demande d'inscription de faux présentée en application des dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative ;

- le tribunal a commis une erreur de droit dans l'application de l'article R. 633-1 du code de justice administrative ; il a commis une erreur dans l'appréciation de la portée de la pièce n° 4 produite par le département contre laquelle la demande d'inscription de faux a été présentée ; il a aussi commis une erreur dans l'appréciation de la valeur probante de cette pièce ;

Elle soutient, en ce qui concerne la légalité de la décision en litige, que :

- la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa manière de servir a été appréciée à sa juste valeur jusque-là et qu'un jury au sein du département avait retenu sa candidature au poste ouvert ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 qui prohibent toute forme de discrimination dans la fonction publique ; c'est en raison de son état de grossesse que le département des Deux-Sèvres a décidé de ne pas la recruter.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2021, le département des Deux-Sèvres, représenté par Me Vendé, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lagrue représentant Mme B... et Me Vendé représentant le département des Deux-Sèvres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., infirmière titulaire de la fonction publique hospitalière, a été placée en 2017 en position de disponibilité pour convenances personnelles pour préparer un diplôme de puéricultrice, qu'elle a obtenu. En 2019, elle a été recrutée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale des Deux-Sèvres et mise à la disposition du département comme puéricultrice au sein du Pôle des solidarités pour y exercer des fonctions à l'antenne médico-sociale de Thouars.

2. Le département des Deux-Sèvres a déclaré vacant, à compter du 1er février 2019, au sein de l'antenne-médico-sociale de Bressuire, un emploi de puéricultrice à pourvoir par la voie du détachement et pour lequel Mme B... a présenté sa candidature. Néanmoins, par une décision du 29 avril 2019, le président du conseil départemental des Deux-Sèvres a fait savoir à Mme B... que sa candidature n'avait pas été retenue. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cette décision du 29 avril 2019 et de mettre en œuvre la procédure d'inscription de faux à l'encontre d'une pièce produite par le département. Elle relève appel du jugement rendu le 28 janvier 2021 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux ".

4. Sauf dans le cas où une loi prévoit expressément que les mentions d'un acte administratif font foi jusqu'à inscription de faux, le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires fait obstacle à ce que l'exactitude de ces mentions soit appréciée par un tribunal de l'ordre judiciaire. En l'absence d'une telle disposition législative, il appartient à la juridiction administrative saisie de l'instance principale de se prononcer elle-même sur l'argument de faux invoqué contre un acte administratif et d'en tirer les conséquences sur le litige dont elle est saisie.

5. Devant les premiers juges, Mme B... s'est prévalue des dispositions précitées de l'article R. 633-1 du code de justice administrative à l'encontre d'une note de service produite par le département en vue de justifier la décision du 29 avril 2019 contestée. En application de la règle rappelée ci-dessus, il appartenait au tribunal administratif d'apprécier l'authenticité de la note de service en cause, ce qu'il a fait au point 3 de sa décision. Ce faisant, les premiers juges n'ont pas " statué ultra petita " comme le soutient l'appelante.

6. Par ailleurs, les éventuelles erreurs de droit et d'appréciation qu'aurait commises le tribunal pour admettre l'authenticité de la note de service, si elles sont susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de sa décision, sont en revanche sans incidence sur la régularité de celle-ci.

7. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la demande d'inscription de faux :

8. A l'appui de sa demande, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu de rejeter cette demande par adoption des motifs pertinents exposés au point 3 du jugement attaqué.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 29 avril 2019 :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Tous les corps et cadres d'emplois sont accessibles aux fonctionnaires civils régis par le présent titre par la voie du détachement (...) ". Aux termes de l'article 23 du décret du 18 août 2014 portant statut particulier du cadre d'emplois des puéricultrices territoriales : " I. - Les fonctionnaires appartenant à un corps ou un cadre d'emplois de catégorie A ou de niveau équivalent peuvent être placés en position de détachement ou directement intégrés dans le présent cadre d'emplois s'ils justifient du diplôme ou de l'autorisation d'exercice mentionnés à l'article 4 (...) ".

10. Il ressort, certes, des pièces du dossier qu'en décembre 2018, un " jury " interne au département avait proposé le recrutement de Mme B... comme puéricultrice au sein du pôle départemental. Toutefois, il ressort aussi des pièces du dossier, et notamment d'une note rédigée le 27 mars 2019 par la cheffe du service de protection maternelle et infantile du département à l'attention du directeur général adjoint du pôle des solidarités, que l'implication et le positionnement professionnels de Mme B... ont été considérés comme problématiques durant la période au cours de laquelle elle a exercé comme puéricultrice. Il a ainsi été souligné que les heures d'arrivée et de départ de Mme B... n'étaient pas conformes à l'amplitude horaire en vigueur au sein des antennes médico-sociales et qu'un relâchement de sa part avait été observé dans l'exécution de ses missions, notamment une restitution insatisfaisante des évaluations d'agréments des assistants maternels. Il a également été reproché à Mme B... d'avoir signifié ses arrêts de travail pour maladie à la secrétaire de l'antenne sans en informer directement sa hiérarchie et de ne s'être jamais préoccupée de l'organisation du service pendant ses diverses absences. Dans ces conditions, alors même que la cheffe de bureau du pôle de Bressuire a pu déclarer être " très satisfaite " du travail fourni par Mme B... à l'occasion d'un courriel adressé à celle-ci le 18 janvier 2019, le président du conseil départemental des Deux-Sèvres, seule autorité compétente pour pourvoir les emplois vacants en vertu des articles 40 et 41 de la loi du 26 janvier 1984, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de recruter Mme B... sur l'emploi vacant de puéricultrice au sein de l'antenne médico-sociale de Bressuire.

11. En second lieu, aux termes l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs (...) de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé (...) ".

12. Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

13. Ainsi qu'il a été dit, un " jury " interne au département avait, dans un premier temps, proposé le recrutement de Mme B... comme puéricultrice au sein du pôle départemental. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a informé le chef de bureau du pôle de Bressuire de son état de grossesse le 1er février 2019, puis adressé au département le certificat médical correspondant le 24 mars 2019. Pour autant, ni ces éléments ni les autres pièces du dossier produites par les parties ne permettent d'estimer que la décision en litige du 29 avril 2019 aurait été prise en raison de l'état de grossesse de Mme B.... Au contraire, le courriel adressé à Mme B... par la direction des ressources humaines du département le 4 février 2019 montre que la procédure de recrutement s'est poursuivie après la révélation de la grossesse de l'intéressée, tandis que les éléments précis et circonstanciés sur la manière de servir, relatés dans la note de service précitée du 27 mars 2019, établissent que la décision du 29 avril 2019 est fondée sur des considérations étrangères à toute discrimination liée à cet état de grossesse. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Les conclusions présentées par Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que le défendeur n'est pas la partie perdante à l'instance d'appel. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département des Deux-Sèvres et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 21BX01308 de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera au département des Deux-Sèvres la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au département des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023. Le rapporteur,

Frédéric A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01308 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01308
Date de la décision : 29/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-29;21bx01308 ?
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