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29/03/2023 | FRANCE | N°21BX00530

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 29 mars 2023, 21BX00530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le courrier du 4 septembre 2018, par lequel le président du centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain a émis un avis défavorable à son inscription au tableau d'avancement au grade d'infirmière de classe supérieure, et d'enjoindre à cette autorité administrative de procéder à son inscription au tableau d'avancement.

Par un jugement n° 1900630 du 15 décembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2021 et le 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le courrier du 4 septembre 2018, par lequel le président du centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain a émis un avis défavorable à son inscription au tableau d'avancement au grade d'infirmière de classe supérieure, et d'enjoindre à cette autorité administrative de procéder à son inscription au tableau d'avancement.

Par un jugement n° 1900630 du 15 décembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2021 et le 27 juillet 2022, Mme B... C..., représentée par Me Gentilhomme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900630 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision du 4 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au président du centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain de procéder à son inscription rétroactive au tableau d'avancement dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre à cette autorité de procéder à une nouvelle instruction de sa demande d'inscription au tableau d'avancement, dans le même délai et sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal ne pouvait se fonder sur une note en délibéré qui présentait des éléments non soumis au débat contradictoire ;

- le tribunal n'a pas communiqué son mémoire en réplique au seul motif qu'il a été produit après la clôture de l'instruction alors que celui-ci répliquait à un mémoire en défense présenté peu avant cette clôture ; ce faisant, le tribunal a également méconnu le principe du contradictoire ;

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en retenant que la décision du 4 septembre 2018 était un acte préparatoire insusceptible de recours contentieux ; dès lors qu'aucun tableau d'avancement n'a été établi au titre de l'année 2018, la décision du 4 septembre 2018 n'est pas un acte préparatoire et fait grief car elle contient un refus d'inscription au tableau ;

- le tribunal a procédé d'office à une substitution de motif en considérant que le refus d'inscription en litige était fondé sur l'absence de poste vacant au tableau des effectifs ; ce faisant, il a commis une irrégularité dès lors que ce motif ne figurait pas dans la décision du 4 septembre 2018 en litige ;

Elle soutient, au fond, que :

- la décision du 4 septembre 2018 ne contient aucune motivation en droit et une motivation insuffisante en fait ;

- elle a été prise sans la consultation préalable de la commission administrative paritaire ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; ses capacités professionnelles ont toujours été reconnues ainsi que l'établissent ses évaluations depuis 2009 ainsi que les nombreuses attestations de collègues et de sa hiérarchie en sa faveur ; c'est seulement depuis l'arrivée d'une nouvelle direction en 2015 que ses évaluations ont été brutalement abaissées sans justification ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars 2022 et le 7 octobre 2022, le centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain, représenté par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision du 4 septembre 2018 constitue une simple mesure préparatoire insusceptible de recours et, au fond, que tous les moyens de la requête doivent être écartés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;

- le décret n° 92-861 du 29 août 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gentilhomme représentant Mme C... et de Me Levrey représentant le centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est infirmière territoriale de classe normale en poste au centre communal d'action sociale (CCAS) de Dangé-Saint-Romain. Le 21 juillet 2018, elle a demandé au président du CCAS de l'inscrire au tableau d'avancement au grade d'infirmière de classe supérieure. Le 4 septembre 2018, le président du CCAS lui a répondu qu'il émettait un " avis défavorable " à l'inscription sollicitée. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation du courrier du 4 septembre 2018, l'annulation du tableau d'avancement au grade d'infirmière de classe supérieure et qu'il soit prescrit au CCAS de l'inscrire rétroactivement sur ce tableau. Elle relève appel du jugement rendu le 15 décembre 2020 en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 4 septembre 2018 et ses conclusions à fin d'injonction.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour estimer qu'aucun tableau d'avancement n'avait été établi au titre de l'année 2018 et rejeter pour ce motif les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., les premiers juges se sont fondés sur des éléments contradictoirement débattus devant eux, et en particulier sur des pièces produites par le CCAS de Dangé-Saint-Romain dans son mémoire en défense du 15 mai 2020. Il s'ensuit que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait, en méconnaissance du principe du contradictoire, fondé sa solution sur les seules pièces produites par le CCAS avec sa note en délibéré, dont elle n'a pas reçu communication.

3. En deuxième lieu, les premiers juges ont estimé, par des motifs qui ne sont pas le support nécessaire du dispositif de leur décision, que la demande de Mme C..., si elle devait être regardée comme tendant à l'annulation d'une décision refusant d'établir un tableau d'avancement, serait vouée au rejet dès lors qu'aucun poste n'avait été déclaré vacant au sein du CCAS. Cette circonstance ayant été invoquée par le CCAS dans ses écritures de première instance, les premiers juges n'ont donc pas, contrairement à ce que soutient Mme C..., procédé irrégulièrement à une substitution de motifs de leur propre initiative. Ce moyen de régularité doit ainsi être écarté, en tout état de cause.

4. En troisième lieu, le mémoire que Mme C... a présenté devant les premiers juges le 30 novembre 2020, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, ne contenait l'exposé d'aucun élément dont cette dernière n'était pas en mesure de faire état avant cette clôture et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Par suite, en ne communiquant pas ce mémoire, le tribunal administratif de Poitiers n'a pas commis d'irrégularité.

5. En quatrième lieu et en revanche, le courrier du 4 septembre 2018, par lequel le président du CCAS de Dangé-Saint-Romain a refusé de proposer l'inscription de Mme C... au tableau d'avancement au grade d'infirmière de classe supérieure, se fonde expressément sur la manière de servir de l'intéressée, jugée insatisfaisante. Un tel courrier, à la suite duquel aucun tableau d'avancement n'a été établi, ne constitue dès lors pas une mesure préparatoire insusceptible de recours contentieux. Par suite, le courrier du 4 septembre 2018 fait grief à Mme C... qui était recevable, en conséquence, à le contester devant le juge de l'excès de pouvoir. Il s'ensuit qu'en rejetant comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation du courrier du 4 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a entaché, dans cette mesure, son jugement d'irrégularité.

6. Il y a lieu, pour la cour, de statuer par la voie de l'évocation en ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 4 septembre 2018, Mme C... ne reprenant pas, en appel, ses autres conclusions de première instance dirigées contre le tableau d'avancement.

Sur la légalité de la décision du 4 septembre 2018 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'avancement de grade (...) a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° (...) au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; / (...) ". Aux termes de l'article 35 du décret du 17 avril 1989, relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics : " Toutes facilités doivent être données aux commissions administratives paritaires par les collectivités et établissements pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes les pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit consulter la commission administrative paritaire sur le projet de tableau d'avancement. Afin de permettre à la commission d'émettre un avis en connaissance de cause, l'autorité compétente doit tenir à sa disposition les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour établir son projet. Pour autant, les dispositions précitées ne font pas obligation à l'autorité administrative de saisir la commission du seul fait qu'un agent a demandé son inscription à un tableau d'avancement qui, comme en l'espèce, n'a pas été projeté ni a fortiori établi. Par suite, le moyen de procédure soulevé par Mme C... doit être écarté.

9. En deuxième lieu, le refus de proposition d'inscription au tableau d'avancement n'est pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ils ont droit qui, en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que la décision en litige est insuffisamment motivée.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 15 du décret du 29 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des infirmiers territoriaux : " Peuvent être promus au choix au grade d'infirmier de classe supérieure, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les infirmiers de classe normale justifiant d'au moins deux ans d'ancienneté dans le 4e échelon de leur grade et justifiant de dix ans de services effectifs dans un cadre d'emplois ou corps d'infirmiers ou dans un corps militaire d'infirmiers ". L'inscription à un tableau d'avancement ne constitue pas un droit pour un agent dont il revient à l'administration d'apprécier les mérites et la qualité de ses services.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... travaille au CCAS de Dangé-Saint-Romain depuis le 1er octobre 2008 et qu'elle y a exercé, jusqu'au 23 décembre 2017, des fonctions d'infirmière coordonnatrice avant d'être, à sa demande, déchargée de ces fonctions pour se consacrer à ses missions d'infirmière. Ainsi qu'il a été dit, la décision du 4 septembre 2018 en litige, refusant de proposer l'inscription de Mme C... au tableau d'avancement, est fondée sur la manière de servir de l'intéressée, considérée comme ne justifiant pas une promotion interne.

12. Il ressort des pièces du dossier qu'entre 2009 et 2015, Mme C... a fait l'objet de notations qui ont régulièrement progressé et que ses appréciations ont été dans l'ensemble élogieuses, même si elles n'ont pas été exemptes de réserves. Ainsi, en 2009, son évaluateur a relevé que " les tâches administratives ne doivent pas exclure un travail d'équipe avec les aides-soignantes. Un rééquilibrage semble nécessaire " ; en 2012, qu'elle éprouvait " quelques difficultés à trouver sa place d'infirmière-référente. Attention à ne pas scinder l'équipe plutôt qu'à la fédérer " ; en 2015, qu'elle rencontrait des " difficultés à passer d'une mission à une autre ".

13. Les évaluations dont Mme C... a fait l'objet en 2016 et 2017, cette dernière étant déterminante pour apprécier la légalité de la décision du 4 septembre 2018, soulignent les difficultés rencontrées par cette dernière en termes de compréhension, de positionnement, d'opposition à sa hiérarchie. Contrairement à ce que soutient Mme C..., cette évaluation ne traduit pas un brusque abaissement injustifié de l'appréciation de sa manière de servir par rapport aux années précédentes dès lors qu'elle demeure bien notée sur certains items relatifs aux compétences techniques et aux qualités relationnelles vis-à-vis des usagers. En revanche, l'évaluation comporte des réserves précises et circonstanciées sur la capacité de l'intéressée à rendre compte à la direction, sur sa faculté d'adaptation aux changements de situations, d'être une force de proposition, de piloter les projets ainsi que sur son aptitude à travailler en équipe, à animer et motiver une équipe de travail. Dans ces conditions, et bien que le dossier comprenne des attestations saluant le travail de Mme C..., rédigées par ses collègues et des membres de l'équipe ayant dirigé le centre jusqu'en 2014, la décision en litige du 4 septembre 2018 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige serait motivée par une volonté de l'équipe dirigeante du CCAS, en poste depuis 2015, de nuire à Mme C... ou de sanctionner celle-ci de manière déguisée. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision du 4 septembre 2018 doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par Mme C... tendant à ce que le CCAS de Dangé-Saint-Romain, qui n'est pas la partie principalement perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'appelante la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CCAS et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1900630 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2018.

Article 2 : La demande de première instance de Mme C... dirigée contre la décision du 4 septembre 2018 et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Mme C... versera au centre communal d'action sociale de Dangé-Saint-Romain la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre communal d'action sociale de Dangé Saint-Romain.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023.

Le rapporteur,

Frédéric A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne à la préfète de la Vienne en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00530 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00530
Date de la décision : 29/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-29;21bx00530 ?
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