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23/03/2023 | FRANCE | N°22BX00210

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 mars 2023, 22BX00210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 21 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Créonnais a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal.

Par un jugement n° 2001500 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1

8 janvier 2022 et le 12 septembre 2022, Mme C... et l'association des habitants des quartier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 21 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Créonnais a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal.

Par un jugement n° 2001500 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 janvier 2022 et le 12 septembre 2022, Mme C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve, représentés par Me Manetti, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes du Créonnais du 21 janvier 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Créonnais la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement attaqué n'a pas été signée ;

- le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas répondu à leur argumentation sur l'impact des insuffisances du rapport de présentation sur la bonne information du public ; il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le rapport de présentation méconnaît le 4° de l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme en s'abstenant d'expliquer le choix de l'ouverture à l'urbanisation du secteur du bois de la Sableyre ;

- les conseillers communautaires n'ont pas été suffisamment informés préalablement à la séance du 21 janvier 2020 en ce qui concerne les avis défavorables émis par les personnes publiques en méconnaissance des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- le rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal est insuffisant en ce qui concerne l'état initial de l'environnement dès lors que l'ensemble des zones humides ne sont pas recensées ; l'analyse de l'état initial de l'environnement du bois de la Sableyre est manifestement insuffisante au regard des nombreux indices relatifs aux sensibilités écologiques présentes dans l'ensemble du secteur ; le plan local d'urbanisme intercommunal méconnaît ainsi le 3° de l'article R. 151-1 du code de l'urbanisme ;

- l'exposé des caractéristiques de la zone classée AU est insuffisant ; en effet, les caractéristiques du bois de la Sableyre en tant que zone susceptible d'être touchée de manière notable par la mise en œuvre du plan sont insuffisamment décrites dans la section du rapport de présentation requise au titre de l'évaluation environnementale ; le rapport de présentation méconnaît le 4° de l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme dès lors que l'évaluation environnementale ne présente pas d'explication du choix retenu de l'ouverture à l'urbanisation de ce secteur ;

- le rapport de présentation ne justifie pas les choix retenus pour établir le plan d'aménagement et de développement durables et le zonage du secteur de la Sableyre à La Sauve, en méconnaissance du 5° de l'article R. 151-2 du code de l'urbanisme :

- les insuffisances du rapport de présentation ont nui à la bonne information du public ;

- les modalités de concertation définies par le conseil communautaire dans sa délibération du 19 mai 2015 n'ont pas été respectées dès lors que chaque réunion publique n'a pas été organisée dans deux secteurs différents du territoire communautaire et que les informations n'ont pas été diffusées sur des affiches exposées dans les mairies et au siège de la communauté de communes ;

- les modifications intervenues entre l'enquête publique et l'approbation du plan local d'urbanisme intercommunal, qui ne procèdent pas de l'enquête publique, auraient dû être soumises à une nouvelle consultation des personnes publiques associées et donner lieu à l'organisation d'une nouvelle enquête publique ;

- l'ouverture à l'urbanisation du bois de la Sableyre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de son intérêt écologique majeur ; ce secteur comporte une faune et flore importante, ainsi que des zones humides qui auraient dû conduire à la préservation renforcée de ce site ; ces zones humides ne sont pas identifiées par l'orientation d'aménagement et de programmation ;

- cette ouverture à l'urbanisation risque d'aggraver le risque d'inondation du secteur et le phénomène de " retrait-gonflement " des sols ;

- les réseaux publics de gestion des eaux pluviales existants sont insuffisants pour permettre une urbanisation immédiate ;

- le classement du bois de la Sableyre en zone AU est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise dès lors que ce secteur ne se situe pas dans une enveloppe urbaine ;

- le classement de ce bois est incohérent avec le plan d'aménagement et de développement durables, en méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme ;

- l'orientation d'aménagement et de programmation n'est pas justifiée et en totale incohérence avec le plan d'aménagement et de développement durables ;

- le classement du bois de la Sableyre est incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux dès lors qu'il méconnaît l'objectif de préservation des zones humides et aggrave les risques d'inondation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2022, la communauté de communes du Créonnais, représentée par Me Clerc, demande à la cour :

1°) de rejeter de la requête, ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;

2°) mettre à la charge de Mme C... et de l'association des habitants des quartiers est de La Sauve la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de Mme C... et de l'association des habitants des quartiers est de La Sauve ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Eizaga, représentant Mme C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve, et les observations de Me Le Guluche, représentant la communauté de communes du Créonnais.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 21 janvier 2020, le conseil communautaire de la communauté de communes du Créonnais a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal. Mme C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve relèvent appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par la rapporteure, le président et la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué sur ce point doit être écarté.

3. En second lieu, le tribunal administratif de Bordeaux a répondu au moyen tiré de ce que le rapport de présentation comporterait des insuffisances concernant le choix de l'ouverture à l'urbanisation du secteur du bois de la Sableyre au point 14 de son jugement. En outre, il résulte des mentions figurant aux points 9 à 14 du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté, dans ses diverses branches, le moyen tiré des insuffisances que présenterait le rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal. Ainsi, le tribunal administratif n'avait pas à se prononcer sur l'impact des insuffisances du rapport de présentation sur la bonne information du public dès lors qu'il a estimé que ce rapport n'était pas affecté par de telles insuffisances. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que tribunal administratif aurait omis de statuer sur certains des moyens de la requête doivent être écartés et le jugement n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur la légalité de la délibération du 21 janvier 2020 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables à la communauté de commune du Créonnais en vertu de l'article L. 5211-1 du même code, que la convocation aux réunions du conseil communautaire doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires afin de permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

5. Une note de synthèse était jointe à la convocation du 14 janvier 2020 des conseillers communautaires pour la séance du 21 janvier suivant. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la mention, dans la partie 4 de cette note, des " avis favorables " émis se rapporte sans ambiguïté aux avis des communes membres de la communauté de communes du Créonnais. Par ailleurs, cette seule indication ne laissait pas entendre que toutes les personnes publiques associées avaient également émis un avis favorable. D'autre part, il est fait état aux pages 7 et 8 de cette note de synthèse des principaux points sur lesquels les personnes publiques associées ont émis des " observations ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la page 12 de cette note, qui constitue un projet de délibération, mentionne que les observations émises par les personnes publiques associées ont nécessité d'apporter des modifications au plan local d'urbanisme intercommunal, lesquelles sont répertoriées dans un tableau joint à la délibération. Ledit tableau reprend avec précision les remarques et réserves émises par les différentes personnes publiques associées, dont celles émises par l'État le 1er août 2019 et par la mission régionale d'autorité environnementale le 21 août 2019, ainsi que les modifications apportées en réponse à ces observations. Dans ces conditions, les conseillers communautaires ont été suffisamment informés préalablement à l'adoption de la délibération litigieuse, notamment en ce qui concerne les avis de la mission régionale d'autorité environnementale et de l'État. Par suite, ce moyen doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme : " Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° Les procédures suivantes : a) L'élaboration et la révision du schéma de cohérence territoriale et du plan local d'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 103-3 du même code : " Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : (...) 3° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public (...) ". Et aux termes de l'article L. 103-4 du même code : " Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l'importance et des caractéristiques du projet, au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente ".

7. La délibération du 19 mai 2015 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal a défini les modalités de la concertation, qui comprenaient l'organisation de réunions publiques organisées de manière déconcentrée lors des grandes étapes du projet, la diffusion d'informations dans la presse locale, le bulletin intercommunal, le site internet de la communauté de communes, et par affichage en mairie, ainsi que la mise à disposition d'un registre à la communauté de communes pour recueillir l'avis de la population. Il ressort du bilan de la concertation établi le 21 mai 2019 que six réunions publiques ont été tenues dans plusieurs communes du territoire, à savoir Créon, Blésignac, Sadirac et Lignan-de-Bordeaux. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les modalités de la concertation telles que définies par la délibération du 19 mai 2015 n'imposaient pas que chaque réunion publique soit organisée dans deux secteurs différents du territoire de la communauté de communes. En outre, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que des informations auraient fait l'objet d'un affichage en mairie, ainsi que le prévoyait cette délibération, le public n'a pas été privé d'une garantie au regard des autres modalités de concertation effectivement mises en œuvre telles que l'exposition de panneaux explicatifs lors des réunions publiques, la diffusion d'articles sur le plan local d'urbanisme intercommunal dans la presse locale et dans le magazine papier de la communauté de communes ou encore celle de publications sur le site internet des communes ou leurs bulletins municipaux. A cet égard, ces moyens de diffusion étaient suffisants, alors même que les communes concernées sont en secteur rural. Par suite, le moyen tiré de ce que les modalités de la concertation n'auraient pas été respectées doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services (...) ". Aux termes de l'article L. 104-4 de ce code : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu ".

9. Tout d'abord, si les requérantes font valoir que la mission régionale d'autorité environnementale a relevé que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal ne comportait pas de recensement de l'ensemble des zones humides, elles ne versent au dossier aucun élément permettant d'identifier des zones humides qui n'auraient pas été répertoriées par le rapport de présentation, ni ne précisent quelles incidences un tel défaut de recensement aurait pu avoir sur l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal. En particulier, en ce qui concerne le secteur du bois de la Sableyre à La Sauve, il ressort des pièces du dossier que la fiche de synthèse n° 29 figurant au tome 1.4 du rapport de présentation y identifie une saulaie comme habitat naturel humide et indique que des mesures seront adoptées afin de limiter les incidences négatives sur la biodiversité et les paysages, notamment pour la préservation de cette saulaie. Dans ces conditions, elles ne sont pas fondées à soutenir que le rapport de présentation ne respecte pas les exigences fixées par le 3° l'article R. 151-1 du code de l'urbanisme selon lequel " le rapport de présentation : (...) Analyse l'état initial de l'environnement, expose la manière dont le plan prend en compte le souci de la préservation et de la mise en valeur de l'environnement ainsi que les effets et incidences attendus de sa mise en œuvre sur celui-ci (...) ".

10. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que la fiche de synthèse n° 29 figurant au tome 1.4 du rapport de présentation évoquée ci-dessus, qui concerne le secteur La Saule - La Sableyre fait état, outre de l'habitat naturel humide qui s'y trouverait en raison de l'existence d'une saulaie, de la présence dans cette zone de dix-sept espèces d'oiseaux, deux espèces d'insectes, une espèce de mammifères et une espèce de reptiles, dont certaines sont protégées, et souligne que le boisement présente des arbres de différentes classes d'âge permettant l'accueil d'une faune diversifiée. Elle relève également le rôle de tampon de ce secteur entre l'espace boisé à l'est et la zone urbaine à l'ouest. Cette fiche est accompagnée d'une carte rendant compte de la composition du boisement, qui comporte, outre la saulaie, une prairie mésophile, un espace de " fourré, lande, roncier ", et une chênaie-charmaie. Au regard de ces éléments, et alors qu'elles se bornent à indiquer que les observations auraient été réalisées en période défavorable, sans toutefois préciser quelles espèces n'auraient pas été identifiées, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les caractéristiques du secteur de la Sableyre ne sont pas suffisamment décrites par le rapport de présentation.

11. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le tome 1.4 du rapport de présentation indique, à sa page 24, que des investigations écologiques ont été menées sur des " zones à projet " afin d'en apprécier les enjeux écologiques, et que ces investigations ont pu mettre en lumière des sensibilités environnementales au départ insoupçonnées. Il précise que l'outil du zonage Npr a ainsi été mobilisé afin de préserver l'intérêt écologique de ces zones, et que la présence de ces sensibilités a été intégrée dans le parti d'aménager lors de la conception des orientations d'aménagement programmées afin de préserver au maximum leur intérêt écologique, notamment les zones humides. Par ailleurs, le tome 1.3 de ce rapport de présentation précise, à la page 83, que les zones 1AU à destination d'habitat, qui correspondent au zonage du secteur de la Sableyre, couvrent notamment " des secteurs d'extension urbaine dont l'objectif est notamment l'optimisation d'espaces naturels et agricoles pour la construction de nouveaux logements en apportant une attention particulière à l'intégration paysagère et environnementale ". Enfin, la partie 2.2.6 de ce tome 1.3, qui concerne la commune de La Sauve, comporte un plan identifiant les changements de zonage sur le territoire de la commune, dont celle du bois de la Sableyre. Il est indiqué dans cette partie qu'une seule zone à urbaniser a été identifiée à l'est du bourg de La Sauve, en extension urbaine mais au sein de l'enveloppe urbaine du schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise, que ce secteur est couvert pas l'assainissement collectif, qu'il est compris en AOC mais n'est pas constitué de terres agricoles utilisées. Ces éléments de justification de zonage sont à lire en tenant compte des mentions de la fiche de synthèse n° 29 déjà évoquée, laquelle précise que le zonage Npr à l'intérieur du secteur a été défini pour préserver les espaces sensibles représentant une surface de 6 019 mètres carrés pour une emprise de la zone 1AUc de 2,1 hectares. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent Mme C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve, les choix retenus concernant le secteur du bois de la Sableyre, ainsi que les mesures adoptées destinées à prendre en compte ses spécificités, sont suffisamment expliqués dans le rapport de présentation. En outre, aucune alternative n'ayant été envisagée, ce document n'avait pas à faire mention des raisons justifiant le choix opéré au regard d'éventuelles solutions de substitution. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le rapport de présentation ne répondrait pas aux exigences du 4° de l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme. Pour les mêmes motifs, alors qu'elles ne précisent pas en quoi ces mentions seraient incomplètes en ce qui concerne la justification de l'institution de cette zone à urbaniser, elles ne sont pas davantage fondées à soutenir qu'il ne répondrait pas au 5° de l'article R. 151-2 du même code.

12. Par ailleurs, si les requérantes ont entendu soulever un moyen tiré de l'insuffisance des choix retenus pour établir le plan d'aménagement et de développement durables, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 12 que le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté, dans toutes ses branches.

14. Enfin, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, applicable en l'espèce : " (...) Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

15. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort du rapport de la commission d'enquête que les avis des personnes publiques associées étaient joints au dossier d'enquête publique dans leur intégralité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'une partie du secteur du bois de la Sableyre à La Sauve a fait l'objet d'un zonage en Npr afin de répondre à la réserve qui assortissait l'avis favorable de la commission d'enquête au projet de plan local d'urbanisme intercommunal et procède donc de l'enquête publique, alors même que la commission d'enquête n'a pas précisé dans sa réserve l'importance de la modification de zonage pour ce secteur. Ainsi, les requérantes ne peuvent être regardées comme ayant été privées d'une garantie en raison de l'absence de nouvelle consultation sur le projet modifié des personnes publiques associées. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

16. En premier lieu, il résulte de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme alors applicable, qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

17. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la carte " pour une métropole nature " du schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise dont les requérantes se prévalent, que le secteur du bois de la Sableyre à la Sauve est situé à l'intérieur d'une enveloppe urbaine identifiée par ce schéma. Son ouverture à l'urbanisation est ainsi compatible avec les orientations de ce document, lesquelles préconisent de " contenir l'urbanisation dans les zones urbaines définies ", et de préserver les secteurs en dehors de ces enveloppes de l'urbanisation. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du classement de ce secteur avec le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine de Bordeaux doit être écarté.

18. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que par une délibération du 16 décembre 2019, le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise a été mis en compatibilité, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 131-3 du code de l'urbanisme, avec le schéma directeur d'aménagement des eaux, qui avait été adopté ultérieurement au schéma de cohérence territoriale. Dans ces conditions, il n'existe pas de rapport de compatibilité entre plan local d'urbanisme intercommunal et le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, alors même qu'un plan local d'urbanisme doit être compatible avec le schéma de cohérence territoriale. Par suite, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de l'incompatibilité du classement du bois de la Sableyre avec les objectifs du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne. Par suite, ce moyen doit être écarté.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation (...) ".

20. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

21. Le secteur du bois de la Sableyre à La Sauve, qui a été en partie classé en zone AU par le plan local d'urbanisme intercommunal jouxte immédiatement un lotissement résidentiel situé à l'est du bourg. Il est desservi par la route de Blésignac, le chemin de Sableyre et la voie structurante du lotissement voisin. D'une part, pour démontrer la biodiversité qu'abriterait ce site, les requérantes se bornent à faire valoir que de nombreuses espèces floristiques et faunistiques, dont elles auraient constaté l'existence, y seraient présentes, sans toutefois produire de document d'expertise environnementale probant au soutien de leurs allégations. D'autre part, la présence d'une zone humide potentielle relevée par la mission régionale d'autorité environnementale dans son avis a été prise en compte par les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal qui ont délimité, à l'intérieur de ce site, un secteur de 6 019 mètres carrés classé en Npr, correspondant à des " espaces naturels où les nouvelles constructions sont interdites pour des raisons écologiques et paysagères à l'intérieur des secteurs de projet ". Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le classement partiel de ce secteur en zone à urbaniser répond aux orientations 1.2 et 1.4 du plan d'aménagement et de développement durables, lesquelles révèlent le parti pris d'aménagement des auteurs du plan, correspondant au développement de l'habitat de manière hiérarchisée entre la ville-centre de Créon, les pôles-relais au nombre desquels figure la ville de La Sauve, et les huit autres communes rurales, ainsi qu'à la production de logements en cohérence avec le principe de modération et de consommation de l'espace selon une logique d'affirmation de l'armature du territoire. A cet égard, les requérantes ne sauraient se prévaloir de l'avis de l'État du 21 mai 2019, lequel identifie le nombre de logements nécessaires à la croissance démographique comme étant surévalué à l'échelle globale du territoire, et ne vise pas spécifiquement la commune de La Sauve. En outre, au regard des caractéristiques du bois de la Sableyre, et de son classement partiel en zone Npr, le classement en zone AU d'une partie de ce secteur n'est pas de nature à compromettre l'objectif de préservation du patrimoine naturel défini par le plan d'aménagement et de développement durables, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, alors même que les cartes jointes au rapport de présentation identifient ce site comme ayant un intérêt écologique " potentiellement fort ", mais non avéré, et comme réservoir de biodiversité. De surcroît, les trois photographies versées au dossier ne permettent pas de tenir pour établie l'insuffisance du réseau d'eaux pluviales. Au demeurant, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'orientation d'aménagement programmée de La Sauve - La Sableyre prévoit que l'ensemble des opérations d'aménagement doit comporter un système ou des aménagements favorisant le traitement des eaux pluviales. Enfin, le risque de retrait-gonflement des sols argileux existant sur le territoire de La Sauve, qui concerne notamment le secteur de La Sableyre, est identifié dans le tome 1.2 du rapport de présentation consacré à l'état initial de l'environnement et pris en compte dans le règlement de la zone 1 AU. Ce risque n'a toutefois pas pour effet de rendre les secteurs qu'il concerne inconstructibles, mais devra seulement être pris en compte au stade de la délivrance des autorisations d'utilisation des sols dans lesdits secteurs, notamment au titre des prescriptions. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le classement d'une partie du secteur de la Sableyre en zone AU n'est ni entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ni incohérent avec les orientations du plan d'aménagement et de développement durables. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

22. Enfin, aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles ".

23. L'orientation d'aménagement programmée La Sauve - La Sableyre prévoit l'aménagement, à vocation résidentielle, d'un secteur de 2,1 hectares, tout en préservant, au sein de ce site, des espaces identifiés comme susceptibles d'abriter une zone humide. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 21, cette orientation d'aménagement programme respecte les orientations définies par le plan d'aménagement et de développement durables, notamment celles relatives à la production d'habitat selon une logique d'affirmation de l'armature du territoire en évitant l'urbanisation en dehors des enveloppes urbaines des bourgs définies par le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Créonnais, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... et de l'association des habitants des quartiers est de La Sauve une somme 1 500 euros à verser à la communauté de communes du Créonnais, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et de l'association des habitants des quartiers est de La Sauve est rejetée.

Article 2 : Mme C... et l'association des habitants des quartiers est de La Sauve verseront à la communauté de communes du Créonnais une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à l'association des habitants des quartiers est de La Sauve et à la communauté de communes du Créonnais.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

Charlotte A...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00210 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00210
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP CORNILLE - POUYANNE-FOUCHET;SCP CORNILLE - POUYANNE-FOUCHET;SCP CORNILLE - POUYANNE-FOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-23;22bx00210 ?
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