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23/03/2023 | FRANCE | N°21BX00775

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 mars 2023, 21BX00775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Lucien A... et M. Patient A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 29 août 2019, par laquelle le préfet de la Martinique a rejeté leur demande tendant à la cession des parcelles I 439, I 440 et I 441, situées dans la zone des cinquante pas géométriques, sur le territoire de la commune des Anses-d'Arlet.

Par un jugement n° 1900577 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.

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Par une requête enregistrée le 23 février 2021 et un mémoire enregistré le 17 avril 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Lucien A... et M. Patient A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 29 août 2019, par laquelle le préfet de la Martinique a rejeté leur demande tendant à la cession des parcelles I 439, I 440 et I 441, situées dans la zone des cinquante pas géométriques, sur le territoire de la commune des Anses-d'Arlet.

Par un jugement n° 1900577 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2021 et un mémoire enregistré le 17 avril 2022, M. Lucien A..., représenté par Me Catol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 19 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Martinique du 29 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de poursuivre la procédure de cession de la parcelle anciennement référencée I 142 située sur le territoire de la commune des Anses-d'Arlet dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la lettre du 3 avril 2013 intervenue sur recours gracieux de Mme A..., comme étant une simple correspondance administrative informant d'un avis favorable de la commission interservices du 26 mars 2016 ;

- eu égard aux circonstances de fait l'ayant précédé et au comportement de l'administration, la lettre du 3 avril 2013 présente le caractère d'une décision créatrice de droit qui ne pouvait en l'absence de fraude être retirée au-delà du délai de 4 mois après sa notification ; en vertu du parallélisme des formes un simple avis ne pouvait intervenir à la suite d'un recours gracieux ;

- le retrait détourné de la décision favorable du 3 avril 2013 par la nouvelle décision du 29 août 2029 est illégal ;

- le bornage réalisé le 21 mars 2014 à la demande de l'agence des cinquante pas géométriques ouvrait droit à la poursuite du processus d'attribution alors en outre que l'administration n'a jamais informé Mme A... de la suspension de la procédure ;

- le préfet a méconnu le jugement du 28 juin 2019 dès lors qu'il n'a réexaminé leur demande qu'au regard de la seule parcelle I 439 au lieu des trois parcelles ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation au regard des conditions posées par l'article L. 5112-6 du code général de la propriété et des personnes publiques et n'ont pas établi de lien entre la première décision de la commission et celle du 29 août 2019 ;

- la commission interservices ne pouvait modifier son appréciation sur les conditions d'application de l'article L. 5112-6 du code général de la propriété et des personnes publiques en l'absence de changement de circonstances de droit et de fait ;

- le motif tiré de l'existence de deux jugements qui établiraient qu'un tiers disposerait d'un titre lui conférant les droits de propriété sur le bâti n'était pas susceptible de faire obstacle à l'application de l'article L 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques lequel subordonne la cession à la seule condition relative à l'édification d'une construction à usage d'habitation sur les parcelle ;

- la construction n'a à ce jour fait l'objet d'aucune procédure constatant son état d'abandon manifeste ou son insalubrité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, la ministre de la transition écologique, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du domaine de l'Etat ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 17 septembre 2012, le préfet de la Martinique a rejeté la demande de Mme G... A... tendant à la cession à titre onéreux de la parcelle I 142, désormais subdivisée en 3 parcelles numérotées I 439, I 440 et I 441, située dans la zone des cinquante pas géométriques, sur le territoire de la commune des Anses-d'Arlet, que son mari et elle-même ont occupée à partir de 1945, et sur laquelle ils ont fait édifier une construction à usage d'habitation en 1964. Saisi du recours gracieux formé le 15 octobre 2012 contre cette décision, le préfet a informé Mme A..., par un courrier du 3 avril 2013, de l'avis favorable émis à sa demande par la commission des cinquante pas géographiques réunie le 26 mars 2013. Par un courrier du 19 janvier 2018, M. Patient A... et M. Lucien A..., en leurs qualités d'ayants droits de Mme A..., ont sollicité du préfet de la Martinique, la délivrance du titre de propriété concernant ces parcelles. Par un jugement n° 1800340 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur cette demande, et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de cession. Par une nouvelle décision du 29 août 2019, le préfet de la Martinique a de nouveau rejeté cette demande. M. Lucien A... relève appel du jugement du 19 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 29 août 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 août 2019 :

2. Aux termes de l'article L. 5111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction applicable au litige : " La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de l'Etat. ". Aux termes de l'article L. 5111-2 de ce code : " La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. (...) ". Aux termes de l'article L. 5112-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les terrains situés dans les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, délimités conformément aux articles L. 5112-1 et L. 5112-2, peuvent être déclassés aux fins de cession à titre onéreux aux personnes ayant édifié ou fait édifier avant le 1er janvier 1995, ou à leurs ayants droit, des constructions à usage d'habitation. / A défaut d'identification des personnes mentionnées à l'alinéa précédent, ces terrains peuvent être déclassés aux fins de cession à titre onéreux aux occupants de constructions affectées à leur habitation édifiées avant le 1er janvier 1995. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 168 du code du domaine de l'Etat applicable à la date de l'avis de la commission des cinquante pas géométrique du 26 mars 2013, repris par l'article R. 5111- 5 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les projets d'aliénation ou de transfert de gestion sont soumis à l'avis d'une commission des cinquante pas géométriques constituée dans le département ".

3. Il résulte des termes de la décision attaquée du 29 août 2019 que le préfet a rejeté la demande de M. A... après avis défavorable de la commission des cinquante pas géométriques rendu le même jour aux motifs que les conditions de cession requises par l'article L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques n'étaient pas réunies dès lors que d'une part, il est établi par un jugement du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 28 mars 1966, confirmé par la cour d'appel le 29 février 1968 que les parents du requérant occupaient sans titre le bâti appartenant à Mme D... selon un titre de propriété établi en 1923. D'autre part, la décision relève qu'il n'était pas démontré que la construction, en état de ruine à la date de la demande de Mme A..., serait occupée à titre d'habitation ou donnée à bail à une personne qui l'occupe à titre d'habitation. Enfin, la décision mentionne, à titre subsidiaire, que la parcelle fait l'objet d'une demande de cession gratuite par la commune des Anses-d'Arlet en application de l'article L. 5112-4 du code général de la propriété des personnes publiques, dans le cadre d'un projet de revitalisation du bourg.

4. En premier lieu, s'il ressort du jugement du TGI de Fort-de-France du 18 mars 1966 que la parcelle I 439 supportant l'habitation occupée sans titre par M. E... A... à partir de 1945 appartenait à M. D... en vertu d'un titre de propriété établi en 1923, cette circonstance n'était pas susceptible de faire obstacle à l'application de l'article L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques aux ayants droits de M. A... dès lors que la cession prévue par cet article est subordonnée à la seule condition relative à l'édification d'une construction à usage d'habitation sur les parcelles et non à la possession d'un titre de propriété. Or, il ressort des attestations versées au dossier par le requérant et il n'est pas contesté que M. E... A... a procédé à la reconstruction de cette habitation en 1964 après le passage de l'ouragan Edith. Par suite, et alors au demeurant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ainsi que le reconnaît d'ailleurs, M. H..., héritier de Mme D..., que le titre de propriété de 1923 aurait été validé par l'Etat, le préfet de la Martinique ne pouvait refuser la cession de la parcelle supportant cette construction aux ayant droits de M. et Mme A... au motif qu'ils ne justifiaient pas d'un titre de propriété.

5. En deuxième lieu, il ressort de l'alinéa 1er de l'article L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, éclairée par les travaux parlementaires, que la cession des terrains aux ayants droits des personnes ayant édifié ou fait édifier une construction à usage d'habitation avant 1995 n'est plus subordonnée à la condition d'occupation à usage d'habitation à la date de la demande de cession. Ces dispositions ne conditionnent pas davantage la cession à l'état du bâti. Par suite, les circonstances que la construction serait dans un état de ruine, ce qui au demeurant ne ressort pas des photographies versées au dossier et ne serait pas occupée à titre d'habitation à la date de la demande de cession ne pouvaient pas non plus fonder le refus opposé aux ayants droits de M. et Mme A....

6. Enfin, il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, qu'une priorité devrait être accordée aux demandes des communes, présentées en application de l'article L. 5112-4 du code général de la propriété des personnes publiques, sur les demandes des personnes privées, présentées en application de l'article L. 5112-6 du même code. Dans ces conditions, en rejetant la demande de cession des ayants droits de M. et Mme A..., pour ce motif, le préfet de la Martinique a fait une inexacte application des dispositions de L. 5112-6 du code général de la propriété des personnes publiques.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 août 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonctions :

8. Eu égard aux motifs d'annulation retenus, l'exécution du présent arrêt implique seulement un réexamen de la demande de M. A.... Il est enjoint au préfet de la Martinique de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés aux litige :

9. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900577 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de la Martinique et la décision du 29 août 2019 du préfet de la Martinique sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Martinique de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lucien A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLe président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX00775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00775
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CATOL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-23;21bx00775 ?
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