Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2100576 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 15 janvier 2021 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juin 2022 et de rejeter la demande de première instance de Mme B....
Il soutient que sa décision du 15 janvier 2021 n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que Mme B... n'établit pas l'ancienneté ni la continuité de son séjour ni la stabilité des liens dont elle se prévaut en France ; elle n'établit en particulier pas en quoi sa présence auprès de sa fille et de ses petits-enfants serait indispensable en raison de circonstances particulières et ne plus avoir d'attache personnelle dans son pays d'origine, Haïti.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Navin, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté 15 janvier 2021 et à l'injonction du préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que l'arrêté en litige est illégal au regard des moyens qu'elle a déjà soulevés en première instance.
Par ordonnance du 17 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... B..., ressortissante haïtienne née le 5 décembre 1958, est entrée en Guadeloupe le 25 mars 2010 sous couvert d'un visa valable du 18 mars 2010 au 18 juin 2010. L'intéressée a sollicité le 7 juillet 2013 un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 6 août 2013, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours qu'elle n'a pas exécutée. Elle a sollicité le 20 août 2018 un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 janvier 2021, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par jugement du 21 juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cette décision pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... établit, par les divers documents qu'elle produit et notamment ses avis d'imposition pour les années 2010 à 2021, complétés des copies de ses cartes individuelles d'admission à l'aide médicale de l'Etat de 2013 à 2021, et de nombreux documents médicaux, ordonnances et certificats médicaux datés de l'ensemble des années concernées, sa présence en France depuis l'année 2010, soit depuis onze ans à la date de l'arrêté contesté. Il ressort également des pièces du dossier que depuis son entrée régulière sur le territoire français en 2010, elle est hébergée au domicile de sa fille Mme A... F..., qui est mariée avec M. E... C... depuis 2001 et qui a acquis la nationalité française par déclaration souscrite devant le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en 2008, domicile où vivent également ses trois petits-enfants nés en 2002, 2004 et 2013, eux aussi de nationalité française. S'il est vrai qu'en dehors des périodes d'examen de ses demandes de titre de séjour, Mme B... s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français et qu'elle a déjà fait l'objet d'une première mesure d'éloignement en 2013, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le préfet, que Mme B... ait gardé des attaches dans son pays d'origine tandis que sa fille et ses petits-enfants n'ont aucune vocation à retourner vivre en Haïti. En outre, il ressort de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 13 décembre 2018 dans le cadre de sa demande présentée en raison de son état de santé que Mme B... présente un état de santé fragile, qui justifie d'autant plus la présence de sa famille à ses côtés. Dans ces conditions, et dans les circonstances de l'espèce, Mme B... est fondée à soutenir que la décision de refus de séjour attaquée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale telle que garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 15 janvier 2021. Sa requête doit, dès lors, être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Elisabeth Jayat, présidente de la 5ème chambre,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
La rapporteure,
Héloïse D...
Le président,
Luc Derepas
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22BX02077