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21/03/2023 | FRANCE | N°22BX02023

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 21 mars 2023, 22BX02023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200316 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Bo

rdeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200316 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 août et 7 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 25 août 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision a été signée par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas établi que les personnes précédant le signataire de l'acte dans la chaine des délégations de signature étaient empêchées ou absentes à la date à laquelle la décision a été prise ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision méconnait l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil ;

- la décision méconnait l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- la décision a été signée par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas établi que les personnes précédant le signataire de l'acte dans la chaine des délégations de signature étaient empêchées ou absentes à la date à laquelle la décision a été prise ;

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision a été prise par une autorité incompétente faute pour l'administration de justifier d'une délégation de signature ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...;

- et les observations de Me Ghettas, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., de nationalité malienne, qui déclare être né le 15 mai 2000 et être entré irrégulièrement en France le 5 avril 2016, a sollicité, le 12 septembre 2019, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 août 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui déclare être entré en France le 5 avril 2016, a bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Dordogne en qualité de mineur étranger isolé. Depuis son entrée en France, il a obtenu un diplôme d'études en langue française, niveau A2 en 2017 et un certificat d'aptitude professionnelle spécialité " cuisine " en juin 2018 et s'est inscrit en formation brevet professionnel " Arts de la cuisine ", durant laquelle il a conclu un contrat d'apprentissage en qualité d'apprenti cuisinier avec l'entreprise Les Maitres du Grill du 21 novembre 2018 au 31 août 2020. Il produit ses bulletins de salaire de septembre 2020 à décembre 2021 en qualité de commis de cuisine au sein de l'EURL Chez Vincent ainsi qu'une attestation élogieuse de son employeur. En outre, il résulte de l'attestation du 14 janvier 2022 établie par la directrice du pôle logement des comités locaux pour le logement autonome des jeunes que M. B... est rigoureux, respecte le règlement intérieur et le contrat d'hébergement et paie sa participation aux frais d'hébergement dans la structure où il réside depuis le 16 décembre 2020. Alors même qu'il est célibataire sans charge de famille, il fait valoir que ses parents sont décédés et produit les actes de décès de son père et de sa mère, dont l'authenticité n'est pas sérieusement contestée. Ainsi, dès lors qu'il doit être regardé comme isolé dans son pays d'origine et compte tenu de la durée de sa présence en France et de son insertion professionnelle, la préfète de la Gironde a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... est ainsi fondé à demander l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, de la mesure d'éloignement prise à son encontre sur le fondement de ce refus de titre de séjour, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 août 2021.

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Gironde, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle au taux de 55 %. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Astié.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200316 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mai 2022 et l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 août 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Astié en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Elisabeth Jayat, présidente de la 5ème chambre,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

Nathalie A...Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02023
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-21;22bx02023 ?
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