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21/03/2023 | FRANCE | N°21BX01129

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 21 mars 2023, 21BX01129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France nature environnement Midi-Pyrénées, France nature environnement Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER) ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel la préfète des Hautes-Pyrénées a autorisé le syndicat départemental d'énergie des Hautes-Pyrénées (SDE 65) à installer et exploiter une centrale hydroélectrique utilisant l'énergie des eaux du ruisseau de

l'Estat, dans la vallée du Rioumajou, sur le territoire de la commune de Saint-Lar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France nature environnement Midi-Pyrénées, France nature environnement Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER) ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel la préfète des Hautes-Pyrénées a autorisé le syndicat départemental d'énergie des Hautes-Pyrénées (SDE 65) à installer et exploiter une centrale hydroélectrique utilisant l'énergie des eaux du ruisseau de l'Estat, dans la vallée du Rioumajou, sur le territoire de la commune de Saint-Lary-Soulan, afin d'alimenter en énergie électrique un refuge de montagne.

Par un jugement n° 1800030 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 15 mars 2021, 25 avril et 30 mai 2022, les associations France nature environnement (FNE) Midi-Pyrénées, France nature environnement (FNE) Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie (NEO) et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER), représentées par Me Galinon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800030 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2017 de la préfète des Hautes-Pyrénées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

En ce qui concerne l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique :

S'agissant de l'étude d'impact et la méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement :

- les inventaires faunistiques sont insuffisants, ce qui ne permet pas d'apprécier l'état initial de la biodiversité et l'impact du projet sur cette dernière :

- le dossier est contradictoire et peu probant en ce qui concerne la présence sur le site du calotriton des Pyrénées, alors qu'elles justifient de sa présence lors d'un relevé de terrain effectué le 24 juillet 2019 ;

- en ce qui concerne les autres amphibiens, l'étude d'impact ne permet pas de connaitre la localisation des espèces qu'elle a répertoriées (salamandre tachetée, grenouille rousse, lézard des murailles) ni leurs habitats ;

- le dossier est peu probant, au regard des périodes d'inventaire, sur la présence du desman des Pyrénées ;

- l'étude d'impact ne comporte aucun élément concernant la loutre d'Europe, dont la présence est pourtant avérée dans le secteur ;

- aucun inventaire spécifique de la faune piscicole n'a été réalisé ;

- l'inventaire des espèces d'oiseaux est lacunaire et ne permet pas de connaître la localisation des espèces et de leurs habitats ; le projet conduit à des héliportages et à l'enlèvement de plusieurs arbres sans que ne puisse ainsi être prises en compte les atteintes portées à ces espèces ;

- les différentes espèces de chiroptères n'ont pas été répertoriées ;

- l'évaluation des impacts du projet sur la biodiversité est insuffisante et erronée dès lors que les inventaires des espèces ne permettent souvent pas de les spécifier et de les cartographier, ce qui a été nécessairement de nature à nuire à l'information du public et a eu une influence sur le sens de la décision de la préfète ;

- les solutions de substitution n'ont pas été comparées aux incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine et l'exclusion de la solution alternative consistant en la mise en place de panneaux photovoltaïques n'est pas justifiée ; aucun photomontage n'a été produit pour permettre d'apprécier l'incidence potentielle du projet sur le site et son paysage ;

- l'analyse de la compatibilité du projet avec le SDAGE Adour-Garonne est insuffisante dès lors qu'elle ne traite que de certaines dispositions du SDAGE en faisant totalement abstraction de plusieurs autres dispositions transversales ;

- l'analyse hydrologique du projet est lacunaire et erronée dès lors notamment que les différents avis relèvent entre autres que le débit réservé n'est pas garanti pendant les étiages estivaux ce qui ne permet pas d'alimenter le refuge ;

S'agissant de l'insuffisance de l'évaluation des incidences Natura 2000 et la méconnaissance de l'article R. 414-23 du code de l'environnement :

- le dossier ne comporte aucun plan de situation détaillé ni aucun exposé des raisons pour lesquelles le projet est susceptible d'avoir ou non une incidence sur le site Natura 2000 ;

- en raison de l'insuffisance des inventaires faunistiques, l'analyse des impacts du projet sur les espèces protégées est impossible alors même que la majorité des habitats répertoriés sont d'intérêt communautaire (dont un prioritaire), comme le relève l'autorité environnementale dans son avis ;

En ce qui concerne l'enquête publique :

- elle est entachée d'irrégularité dès lors que l'arrêté par lequel la préfète des Hautes-Pyrénées a prescrit l'ouverture de l'enquête publique ne comportait aucune indication sur les caractéristiques principales du projet en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'environnement ; le tribunal a eu tort de considérer que ce vice n'avait pas nui à l'information du public ou n'avait pas été de nature à exercer une influence sur la décision d'autorisation en litige alors que l'enquête publique n'a reçu aucune participation ;

En ce qui concerne l'incompatibilité du projet avec le SDAGE Adour-Garonne :

- l'arrêté attaqué est incompatible avec les dispositions D1, D14, D27, D44 et D47 du SDAGE Adour-Garonne dès lors que :

--- il n'est pas démontré que l'implantation de l'ouvrage constitue la solution la plus satisfaisante eu égard aux enjeux en présence, notamment par rapport à l'installation de panneaux photovoltaïques ;

--- l'implantation du projet a une incidence sur la qualité de l'eau et des milieux et sur la dévalaison des bras de l'Estat, ce qui induit une modification de la qualité de l'eau et une remise en cause du très bon état écologique du ruisseau ; le projet est incompatible avec la disposition D27 ; il prévoit en effet sur 1500 mètres un débit réservé susceptible de porter atteinte à la conservation du desman des Pyrénées et du calotriton des Pyrénées et se traduit par la construction de deux seuils non franchissables par ces espèces, détruisant des habitats favorables et provoquera le réchauffement des eaux à l'aval ;

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 411-1, L. 411-2 et L. 181-2 du code de l'environnement :

- eu égard à la présence avérée de nombreuses espèces protégées (amphibiens, oiseaux, chiroptères...) le projet aurait dû faire l'objet d'une demande de dérogation au titre des espèces protégées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mars et 30 mai 2022, le syndicat départemental d'énergie (SDE) des Hautes-Pyrénées, représenté par Me Soulié, conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des associations à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril et 15 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Il soutient que les moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Par un courrier du 23 janvier 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la compatibilité du projet en litige doit s'apprécier, eu égard à l'office du juge de plein contentieux, au regard des règles de fond posées par le SDAGE Adour-Garonne en vigueur à la date à laquelle la cour statue.

Un mémoire a été enregistré le 3 février 2023 pour les associations France nature environnement (FNE) Midi-Pyrénées, France nature environnement (FNE) Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie (NEO) et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER).

Deux mémoires ont été enregistrés le 15 février 2023 pour le syndicat départemental d'énergie (SDE) des Hautes-Pyrénées, l'un portant sur le moyen d'ordre public soulevé par la cour et communiqué aux parties, et le second, visant à compléter les deux premiers mémoires en défense, qui, intervenu postérieurement à la clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.

Un mémoire a été enregistré le 16 février 2023 pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat départemental d'énergie (SDE) des Hautes-Pyrénées a déposé le 22 juillet 2016 une demande d'autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'une pico-centrale hydroélectrique utilisant l'énergie des eaux du ruisseau de l'Estat dans la vallée de Rioumajou, sur le territoire de la commune de Saint-Lary-Soulan afin d'alimenter en électricité le refuge de montagne de " l'Hospice du Rioumajou ". Par arrêté du 10 avril 2017, la préfète des Hautes-Pyrénées a prescrit l'ouverture d'une enquête publique préalable. A l'issue de cette enquête, qui s'est déroulée du 29 avril au 31 mai 2017, le commissaire enquêteur a émis, le 8 juin 2017, un avis favorable assorti de recommandations. Par arrêté du 6 septembre 2017, la préfète des Hautes-Pyrénées a délivré au syndicat départemental d'énergie des Hautes-Pyrénées (SDE 65) l'autorisation sollicitée. Par arrêté du 10 juin 2021, la préfète des Hautes-Pyrénées a édicté un arrêté modificatif de l'arrêté du 6 septembre 2017. Les associations France nature environnement Midi-Pyrénées, France nature environnement Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER) relèvent appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tenant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2017.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 septembre 2017 :

En ce qui concerne le contenu du dossier soumis à enquête publique :

S'agissant du contenu de l'étude d'impact :

2. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.- L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; (...) 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; (...) 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; 6° Les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l'article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l'article L. 371-3 ; (...) VI. Pour les travaux, ouvrages ou aménagements devant faire l'objet d'une étude d'incidences en application des dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV, l'étude d'impact vaut étude d'incidences si elle contient les éléments exigés par l'article R. 414-23. (...)".

3. D'une part, le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes qui modifie l'article R. 122-5 a été pris pour l'application de l'ordonnance n° 2016-1058 dont l'article 6 prévoit que " Les dispositions de la présente ordonnance s'appliquent : - aux projets relevant d'un examen au cas par cas pour lesquels la demande d'examen au cas par cas est déposée à compter du 1er janvier 2017 ; (...) ". Dès lors que la demande d'examen au cas par cas a été déposée en l'espèce avant le 1er janvier 2017, c'est l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version applicable antérieure au décret du 11 août 2016, tel que cité au point précédent, qui s'applique au présent litige.

4. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. Il résulte de l'instruction que pour faite suite aux avis défavorables des services et autorité consultées - avis de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Languedoc Roussillon Midi Pyrénées du 19 septembre 2016 et avis de l'autorité environnementale rendu le 29 septembre 2016 - pointant de nombreuses insuffisances de l'étude d'impact, le porteur de projet a déposé un dossier réactualisé le 18 janvier 2017. C'est ce dossier, qui a fait l'objet de l'avis de la DREAL Occitanie du 27 janvier 2017, favorable, et de l'avis de l'Agence française pour la biodiversité du 28 février 2017, défavorable, et qui a été soumis à l'enquête publique qui s'est déroulée du 29 avril au 31 mai 2017. Les associations requérantes soutiennent qu'au regard de l'état initial de la faune, de l'étude des impacts du projet sur son environnement et de la comparaison de solutions de substitution, le contenu de l'étude d'impact était insuffisant.

6. S'agissant tout d'abord de l'état initial de la faune, l'étude d'impact, dans sa version définitive de janvier 2017, comporte une description détaillée des espèces présentes sur le territoire d'étude, reprenant les résultats d'expertises de terrain menées sur deux journées en juin 2015 et mai 2016 et complétées en novembre 2016. Les inventaires faunistiques, qui font l'objet d'un paragraphe dédié de l'étude d'impact, relèvent la présence de neuf espèces d'oiseaux, du lézard des murailles, de la grenouille rousse et de la salamandre tachetée ainsi que de douze espèces de lépidoptères. Concernant les espèces particulièrement protégées, l'étude d'impact conclut, en ce qui concerne le calotriton des Pyrénées, à un niveau d'enjeu faible dès lors que, bien que certains secteurs du site d'étude soient favorables à cette espèce, l'expertise de novembre 2016 n'a pas permis d'en observer. Enfin, s'agissant des chiroptères, l'étude d'impact indique que les enjeux sur ces espèces se réduisent à la présence de quelques gros arbres gîtes. En outre, s'agissant de la faune piscicole, pour faire suite aux remarques de l'autorité environnementale, le dossier comporte un " prélèvement des invertébrés benthiques du ruisseau de l'Estat pour analyse selon le protocole IBGN ", effectué le 4 novembre 2016, dont les résultats sont détaillés dans l'étude. Ainsi, bien que ne comportant toujours pas de cartographie à l'échelle du site permettant de localiser les espèces protégées ni d'inventaire précis des espèces de chiroptères, le dossier complémentaire permet d'apporter des précisions sur le calotriton des Pyrénées et de conclure au peu d'impact du projet sur ces espèces. S'agissant du desman des Pyrénées, si l'étude d'impact cartographie la potentialité de sa présence et conclut, d'après cette même expertise complémentaire, à son absence sur les bras de l'Estat, dès lors que " ces cours d'eau forment de profonds canyons dans lesquels les berges et le fond du lit sont dénuées de végétation ", l'Agence française de la biodiversité relève dans son avis du 28 février 2017 que la prospection complémentaire réalisée en novembre 2016 a mis en évidence des habitats très favorables à ces derniers à l'aval du projet, au niveau du cours d'eau de l'Estat, lieu d'implantation de la pico-centrale et de la conduite de restitution. Dans ces conditions, l'étude d'impact apparaît sous-estimer la présence d'habitats du desman et donc sa présence éventuelle sur le site. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette lacune n'a eu aucune incidence sur la décision de l'administration ni sur l'information complète du public dès lors que cette présence possible est mentionnée dans l'avis de l'autorité environnementale du 29 septembre 2016 dont l'administration disposait et qui a été joint au dossier de l'enquête publique dont le public a eu connaissance.

7. S'agissant de l'analyse hydrologique, dans sa version initiale, l'étude d'impact a estimé des débits naturels (débit réservé de 7 l/s et 13l/s pour chacune des prises d'eau) en utilisant les données des débits moyens mensuels recueillis au niveau de la station hydrométrique de Tramezaïgues située en aval sur la Neste de Rioumajou. L'autorité environnementale a pointé l'insuffisance d'une telle analyse et relevé que compte tenu de la période de fonctionnement de la centrale qui correspond à la période d'étiage estival (entre début juin et fin octobre), l'impact de l'aménagement sur le cours d'eau, qui doit être maintenu en très bon état, devrait être analysé sur la base de débits journaliers. Dans sa version complétée, l'étude d'impact consacre un chapitre complémentaire d'une dizaine de pages à la réduction de débit dans les tronçons court-circuités. Elle détaille les modalités de calcul du débit réservé, toujours déterminé par rapport aux débits moyens au cours de la période 1969-2012 sur les mois de juin à octobre, extrapolés cette fois-ci par quinzaine, de la station hydrométrique de Tramezaïgues, et indique que d'après ces calculs, la pico-centrale permettra d'assurer l'alimentation électrique du gîte en ne faisant appel qu'occasionnellement, durant les années très sèches, à un moyen de substitution, consistant dans le maintien d'un groupe électrogène, lorsque le débit ne sera pas suffisant pour turbiner. Elle apparaît ainsi, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, suffisante sur ce point.

8. S'agissant des solutions de substitution, l'étude d'impact complétée en fait une analyse détaillée, notamment concernant l'installation de panneaux photovoltaïques sur le bâtiment de l'Hospice de Rioumajou, solution écartée compte tenu de la situation du projet en site classé et de l'absence d'ensoleillement suffisant en fond de vallée tel que cela ressort de l'étude de faisabilité jointe en annexe de l'étude d'impact. Enfin, en tout état cause, s'agissant des éléments d'appréciation de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour-Garonne 2016-2021, l'étude d'impact complétée intègre ces données et indique que s'agissant des préconisations D27 du SDAGE, le projet n'induit aucune modification de la qualité de l'eau et n'a aucune influence significative sur les biocénoses aquatiques. Ainsi, et dès lors qu'elle n'a pas à comporter une analyse détaillée de la compatibilité du projet avec chacune des dispositions du SDAGE, l'étude d'impact apparaît suffisante sur ce point.

9. En définitive, s'il est constant que le projet se situe dans un secteur d'une particulière sensibilité environnementale, la vallée de Rioumajou, site classé par décret du 4 juillet 1979, et dans le périmètre de deux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), la ZNIEFF de type I " Haute vallée d'Aure en rive droite, de Barroude au Col d'Azet " et la ZNIEFF de type II " Haute vallée d'Aure ", et de la zone spéciale de conservation Natura 2000 " Rioumajou et Moudang ", il résulte de tout ce qui précède que l'étude d'impact, dans sa version complétée, apparaît proportionnée à la sensibilité environnementale de la zone du projet et à l'importance et la nature des travaux entrepris et leur incidence sur l'environnement.

S'agissant de l'évaluation des incidences Natura 2000 :

10. Aux termes de l'article L. 414-1 du code de l'environnement : " I. Les zones spéciales de conservation sont des sites marins et terrestres à protéger comprenant : soit des habitats naturels menacés de disparition ou réduits à de faibles dimensions ou offrant des exemples remarquables des caractéristiques propres aux régions alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne ; soit des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; soit des espèces de faune ou de flore sauvages dignes d'une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat ou des effets de leur exploitation sur leur état de conservation ; (...) ". Aux termes de l'article L. 414-4 du même code : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...) ". Aux termes de l'article R. 414-23 du même code : " (...) Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I.-Le dossier comprend dans tous les cas : (...)1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. (...) ". En application de l'article R. 122-5 du même code cité au point 2, l'étude d'impact qui comprend ces éléments tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale, que le projet se situe dans un secteur d'une grande diversité faunistique et floristique comportant des espèces emblématiques comme le gypaète barbu, l'aigle royal et le desman des Pyrénées. Au titre de l'analyse de l'incidence du projet sur le site Natura 2000, l'étude d'impact comporte un paragraphe spécifique comportant un plan de situation de la zone spéciale de conservation " Rioumajou et Moudang " et l'implantation du projet au sein de cette zone. Elle indique que 50 types d'habitats ont été recensés dans le périmètre du site Natura 2000 dont 36 d'intérêt communautaire, cartographiés dans l'étude. Elle est complétée d'un chapitre dédié à la description de ces habitats naturels (notamment landes à rhododendron, landes sèches, landes à raisin d'ours, fourrés à genévrier nain...) et de trois cartes des enjeux du projet sur la faune, la flore et les habitats de la zone d'étude. En sus de ce qui a été indiqué aux points précédents concernant certaines espèces protégées, elle spécifie l'impact du projet sur les habitats naturels d'intérêt communautaire s'agissant notamment du passage en tranchée de la conduite forcée qui nécessite la coupe d'arbres. Elle détaille enfin les mesures d'évitement résultant notamment du choix d'un tracé de moindre impact reprenant le cheminement d'un sentier en sous-bois et de la coupe seulement de quelques jeunes pins sylvestres d'un diamètre inférieur à 5 cm. Concluant à un impact très faible à nul sur le milieu naturel, l'étude d'impact ne prévoit aucune mesure compensatoire. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'évaluation des incidences Natura 2000 telle que prévue par les dispositions précitées de l'article R. 414-23 du code de l'environnement est suffisante.

En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :

12. Aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'environnement : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête : 1° L'objet de l'enquête, notamment les caractéristiques principales du projet, plan ou programme, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée ; (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel la préfète des Hautes-Pyrénées a prescrit l'ouverture de l'enquête publique préalable au projet indique qu'elle porte sur l'installation d'une pico-centrale pour l'alimentation électrique de l'Hospice de Rioumajou sur la commune de Saint-Lary-Soulan, sur demande d'autorisation unique émanant du Syndicat départemental d'énergie des Hautes-Pyrénées, qu'elle se déroulera du samedi 29 avril au mercredi 31 mai inclus, que le siège de l'enquête publique est fixé à la mairie de Saint-Lary-Soulan, que toute information sur ce dossier peut être demandée au Syndicat départemental de l'énergie des Hautes-Pyrénées et que le dossier d'enquête pourra être consulté pendant toute la durée de l'enquête en mairie. Ainsi, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, l'arrêté du 10 avril 2017 comportait l'ensemble des mentions visées à l'article R. 123-9 du code de l'environnement et était suffisant pour informer le public de l'ouverture et des modalités de l'enquête publique.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le SDAGE Adour-Garonne :

14. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " I. - L'autorité administrative délimite les bassins ou groupements de bassins en déterminant le cas échéant les masses d'eau souterraines et les eaux maritimes intérieures et territoriales qui leur sont rattachées. (...) III. - Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les objectifs visés au IV du présent article et les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1 et L. 430-1. (...) XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) ".

15. Il résulte de l'instruction que le SDAGE 2022-2027 du bassin Adour-Garonne a été adopté le 10 mars 2022. Ainsi, et dès lors que l'autorisation en litige est soumise à un contentieux de pleine juridiction, sa légalité doit être appréciée par rapport à ce seul document. Dans ces conditions, le moyen des appelantes tiré de l'incompatibilité du projet avec les dispositions D1, D14, D27, D44 et D47 du SDAGE Adour-Garonne 2016-2021 doit être écarté comme étant inopérant. Cependant, les appelantes soulèvent, en réponse au moyen relevé d'office par la cour, l'incompatibilité du projet avec les mêmes objectifs repris par le SDAGE Adour-Garonne 2022-2027.

16. Le SDAGE Adour Garonne 2022-2027 rappelle les objectifs environnementaux (non-détérioration de l'état des masses d'eau, atteinte du bon état des eaux...) et la nécessité pour les études d'impact de comporter les éléments relatifs à la justification technique et économique des projets, les propositions de solutions alternatives, les mesures correctives afin de réduire les impacts ainsi que les éventuelles mesures compensatoires. Aux termes de la disposition D1 relative à l'équilibre entre les enjeux de préservation des milieux aquatiques et de production hydroélectrique : " Sur la base de l'analyse du potentiel hydroélectrique le maintien et le développement de la production hydroélectrique doivent favoriser l'émergence des projets ayant le moins d'impacts sur les milieux aquatiques, en prenant en compte les enjeux environnementaux du bassin (...). Ainsi, dans le cadre de l'instruction des projets et sur la base d'une analyse au cas pas cas, sont préférés l'optimisation des aménagements hydroélectriques existants (...) ou l'équipement d'ouvrages existants. Pour la création de nouveaux ouvrages, sont privilégiées les projets présentant un équilibre entre les enjeux énergétiques et environnementaux, qui prennent notamment en compte, en les limitant, les impacts cumulés sur l'état écologique des masses d'eau et les pressions qui altèrent l'hydrologie, la continuité écologique, les habitats ". Aux termes de la disposition D30 relative à la préservation des milieux aquatiques et humides à forts enjeux environnementaux : " Afin de ne pas dégrader l'état écologique de ces milieux aquatiques et humides à forts enjeux environnementaux (...) l'autorité administrative, là où c'est nécessaire, prend les mesures utiles à la préservation des milieux aquatiques et humides et à la restauration de leurs fonctionnalités (...) Toute opération soumise à autorisation ou à déclaration au titre de l'article L. 214-2 du code de l'environnement sur " les milieux aquatiques ou humides à forts enjeux environnementaux " du SDAGE doit préserver des milieux. A ce titre, le document d'incidence, l'étude d'incidence environnementale ou encore l'étude d'impact évaluant son impact sur l'environnement doit vérifier que le projet ne portera pas atteinte aux fonctionnalités des milieux. Ainsi, l'opération ne peut être autorisée ou acceptée si ses impacts négatifs sur les milieux aquatiques et humides ne peuvent être ni évités, ni réduits, ni compensés de façon satisfaisante, en application de la séquence " éviter, réduire, compenser " (...) ". Elle invite également les autorités administratives à prescrire au maitre d'ouvrage des dispositifs de suivi des travaux et d'évaluation de l'efficacité des prescriptions et des mesures compensatoires, en tenant compte de l'importance des projets et de la sensibilité des milieux. Au nombre des espèces aquatiques remarquables du fait de leur caractère menacé ou quasi-menacé de disparition présentes sur le bassin Adour-Garonne, le SDAGE Adour-Garonne liste notamment le desman des Pyrénées et le calotriton des Pyrénées.

17. Il résulte des dispositions citées au point 14 que les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs, ces derniers pouvant être, en partie, exprimés sous forme quantitative. Les autorisations délivrées au titre de la législation de l'eau sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard chaque disposition ou objectif particulier.

18. Il résulte de l'instruction que le projet en litige consiste en l'installation d'une pico-centrale qui court-circuite deux branches du ruisseau de l'Estat, pour un débit de 15 litres par seconde (l/s) générant une puissance maximale de 22,2 kilowatts, afin de permettre l'alimentation électrique du refuge dit B... de Rioumajou. La prise d'eau P1 (5 l/s) est située sur la branche rive droite tandis que la prise d'eau P2 (10 l/s) est située sur la branche rive gauche. Elles alimentent deux tuyaux de transfert, d'une longueur de 150 mètres à partir de P1 et de 50 mètres à partir de P2, puis une conduite forcée enterrée d'une longueur de 820 mètres environ jusqu'à l'usine encastrée dans le bas du versant à proximité du ruisseau. Les eaux sont restituées en contrebas de l'usine, à environ 140 mètres de la confluence du ruisseau avec la Neste du Rioumajou. Le projet concerne ainsi une alimentation électrique, provenant de l'énergie hydroélectrique, de faible puissance et très localisée.

19. Il est constant que le ruisseau de l'Estat est un cours d'eau en très bon état écologique et que le bassin du Rioumajou est une zone de présence potentielle d'espèces protégées et notamment deux espèces rares, le calotriton et le desman des Pyrénées. Toutefois comme indiqué aux points 6 à 11, l'étude d'impact a procédé à une évaluation des impacts du projet sur la flore, les habitats naturels, la faune, les paysages et la continuité écologique du cours d'eau. Elle a évalué les autres solutions pouvant être retenues et indiqué les raisons pour lesquelles la solution de pico-centrale a été retenue, bien que n'étant pas entièrement satisfaisante dès lors qu'elle nécessite le maintien par période de l'utilisation d'un groupe électrogène. Elle a conclu à l'absence d'obstacle à la continuité écologique du ruisseau et à l'absence d'impact significatif sur les espèces protégées. Comme retenu par le tribunal, la préfète a autorisé le projet en assortissant son autorisation de prescriptions précises relatives notamment aux caractéristiques des prises d'eau, et à la vérification, à la charge du bénéficiaire, du respect des débits dérivés, et a prévu, en cas d'inobservation des prescriptions, une mise en demeure de s'y conformer, par décision préfectorale, préalable à une éventuelle suspension du fonctionnement de l'ouvrage. Elle a également fixé dans l'arrêté contesté des débits restitués à l'aval immédiat des prises d'eau à respecter sans qu'aucun élément de l'instruction ne permette de considérer que ce respect serait impossible à assurer. Ainsi, après avoir été rendu destinataire d'un rapport en manquement administratif dressé le 11 janvier 2019 constatant que les prises d'eau dépassaient la hauteur autorisée, l'autorité préfectorale a mis en demeure, par arrêté du 27 mai 2019, le syndicat départemental d'énergie des Hautes-Pyrénées (SDE 65) de se conformer aux prescriptions initiales. S'il ressort de cet arrêté que le fonctionnement de la pico-centrale ne permettait pas de maintenir le très bon état écologique du cours d'eau, il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a, dans le cadre de la régularisation de ces installations, diligenté une nouvelle expertise réalisée par un cabinet d'études en gestion de l'environnement aquatique (EcoGea), qui n'est pas sérieusement contestée, et qui permet de compléter les données issues de l'étude d'impact, grâce notamment à des études plus précises et in situ des débits. Cette expertise indique que l'ensemble du bassin de Rioumajou est classé en zone noire de présence certaine du desman des Pyrénées, mais que les inventaires des dix dernières années conduits sur le bassin n'ont pas permis de détecter des indices de présence de l'espèce tandis que la prospection réalisée le 28 octobre 2021 n'a relevé aucun indice sur les deux branches du ruisseau et à la confluence du Rioumajou. Elle complète également les données relatives à l'hydrologie du ruisseau en calculant les débits des modules au droit des deux prises d'eau et en reconstituant les régimes hydrologiques des deux branches du ruisseau en aval des prises d'eau en retranchant les débits prélevés de 10 et 5 l/s pendant la période de juin à octobre. Elle conclut que le prélèvement n'apparaît pas de nature à modifier significativement le régime hydrologique du cours d'eau et à une absence totale d'enjeux du projet sur les espèces calotriton et desman des Pyrénées. Il résulte enfin de l'instruction que l'autorisation modificative délivrée par la préfète le 10 juin 2021, qui prend en compte ces éléments, prescrit en son article 2.1 que " les deux prises sont constituées par des seuils en béton fondés dans la roche qui ne doivent pas dégrader la libre circulation des espèces biologiques inféodées au milieu (notamment desman (...) et calotriton (...)) et ne pas perturber significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ", elle soumet le respect de cette prescription à la démonstration de la conformité de l'installation par le pétitionnaire, sur la base d'une expertise d'un bureau d'étude spécialisé et de mesures complémentaires de suivi et ce dans un délai de six mois. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les associations appelantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué est incompatible avec le SDAGE Adour-Garonne 2022-2027 et en particulier avec ses dispositions précitées.

En ce qui concerne l'absence de dérogation aux espèces protégées :

20. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La demande de dérogation (...) comprend : (...) La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : (...) s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées (..) ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté, la décision précise, en cas d'octroi d'une dérogation, " la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celles-ci, notamment : (...) nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation " et " s'il y a lieu, mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ainsi qu'un délai pour la transmission à l'autorité décisionnaire du bilan de leur mise en œuvre ". Les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixent, respectivement, la liste des mammifères terrestres et des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

21. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

22. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 19 que compte tenu des mesures d'évitement et réduction proposées, le projet ne comporte pas de risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées ou leurs habitats et le porteur de projet n'était ainsi pas tenu de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

24. Il résulte de tout ce qui précède que les associations France nature environnement (FNE) Midi-Pyrénées, France nature environnement (FNE) Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie (NEO) et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER) ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement aux associations requérantes de la somme qu'elles demandent sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ces dernières la somme demandée par le syndicat départemental d'énergies (SDE) des Hautes-Pyrénées au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête des associations France nature environnement (FNE) Midi-Pyrénées, France nature environnement (FNE) Hautes-Pyrénées, Nature en Occitanie (NEO) et Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER) est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat départemental d'énergies (SDE) des Hautes-Pyrénées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association France nature environnement (FNE), à l'association France nature environnement (FNE) Hautes-Pyrénées, à l'association Nature en Occitanie (NEO) et l'Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER), au syndicat départemental d'énergie des Hautes-Pyrénées (SDE 65) et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Elisabeth Jayat, présidente de la 5ème chambre,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

Héloïse C...

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX01129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01129
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : GALINON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-21;21bx01129 ?
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