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15/03/2023 | FRANCE | N°21BX04264

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 mars 2023, 21BX04264


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. B... de Niro D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel la préfète des Landes a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101596 du 31 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :r>
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2021, M. D..., représenté par Me Chamberland-Pou...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. B... de Niro D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel la préfète des Landes a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101596 du 31 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2021, M. D..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 juillet 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Landes de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa requête comme tardive ; il a formé son recours dans le délai imparti le 16 juin 2021 ; l'erreur sur l'heure à laquelle sa demande a été déposée provient nécessairement des services du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan où il était détenu ; ces services ont d'ailleurs aussi commis une erreur sur la juridiction destinataire du recours ; le doute sur les heure et date de dépôt de son recours doit lui bénéficier ;

- la décision préfectorale est fondée sur le fait qu'il constituerait une menace pour l'ordre public alors que le seul fait qu'il soit détenu ne suffit pas à confirmer que tel serait le cas, comme le précise l'article 2 de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964 ; si la préfète avait pris en compte cette directive, il aurait pu bénéficier d'un délai de départ volontaire de trente jours ;

- en l'absence de délégation de signature, l'arrêté est signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il ne traduit pas la prise en compte de sa situation personnelle et familiale ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen global et approfondi de sa situation ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ; il vit en France depuis l'âge de 11 ans ; de 2011 à 2019 la préfète lui a délivré huit titres de séjour à raison de sa vie privée et familiale ; il a travaillé en France de 2013 à 2016 ; l'ensemble de sa famille vit en Guyane et il n'a plus de lien avec le Surinam ;

- en appliquant l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la menace pour l'ordre public, la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa condamnation ne suffit pas à traduire une menace pour l'ordre public et qu'il entretient des liens forts avec la France où il vit depuis plus de 15 ans ;

- l'arrêté a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle a été prise en considération d'un refus de séjour lui-même illégal ;

- l'obligation de quitter le territoire a été décidée en méconnaissance du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis l'âge de 11 ans ;

- en ne lui accordant pas de délai de départ volontaire, la préfète a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son comportement ne constitue pas une menace réelle sérieuse et suffisamment grave pour l'ordre public ;

- dès lors que la privation d'un délai de départ volontaire est illégale, l'interdiction de retour sur le territoire, qui repose sur l'absence de délai de départ volontaire, est également illégale ;

- l'interdiction de retour sur le territoire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2022, la préfète des Landes conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964 pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 26 septembre 1992, de nationalité surinamaise, est entré selon ses dires sur le territoire français, en Guyane, avec sa famille, à l'âge de 11 ans et s'est ensuite établi en métropole. Il a été titulaire de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " entre 2011 et 2019. Alors qu'il était écroué depuis le 26 octobre 2018 au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, il a formulé, le 20 janvier 2020, une demande de renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 14 juin 2021, la préfète des Landes a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... fait appel du jugement du 31 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II.-Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code ". Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du même code, issues du décret du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 du code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

3. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours. Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur des dispositions mentionnées au point 2 s'agissant des étrangers retenus ou détenus, il incombe à l'administration, pour les décisions susceptibles de recours dans un délai bref de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. A défaut d'une telle mention, le délai de recours n'est pas opposable à l'intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à M. D..., alors détenu au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, le 15 juin 2021 à 10h20. Il disposait ainsi d'un délai de recours qui expirait le 17 juin suivant à la même heure. Si sa requête n'a été déposée au greffe du tribunal administratif de Pau que le 17 juin 2021 à 15h54, et si l'administration pénitentiaire n'en a accusé réception que ce même jour à 14h38, soit postérieurement à l'expiration du délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier que la notification qui lui été faite de l'arrêté ne mentionnait pas la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Dès lors, le délai de recours n'est pas opposable à M. D... et c'est ainsi à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable car tardive.

5. Devant le tribunal, la préfète des Landes avait également opposé une fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation du recours.

6. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". L'article R. 776-5 du même code dispose que : " (...) Lorsque le délai est de quarante-huit heures ou de quinze jours, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que si la demande présentée par M. D... au tribunal administratif, sans l'assistance d'un avocat, ne comportait l'exposé d'aucun moyen et n'était donc pas motivée, un mémoire complémentaire a été présenté pour le demandeur le 22 juillet 2021, avant la clôture de l'instruction. Ce mémoire était motivé. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée en première instance, tirée du défaut de motivation de la demande doit être écartée.

8. Ainsi, le jugement doit être annulé et il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Pau.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 juin 2021 :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

9. L'arrêté contesté est signé par M. Loïc Grosse, secrétaire général de la préfecture des Landes, qui avait reçu de la préfète des Landes délégation à l'effet de signer, notamment, tous actes arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, sous réserve de quatre exceptions sans application en l'espèce, par arrêté du 1er mars 2021 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit, par suite, être écarté.

10. L'arrêté du 14 juin 2021 vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application. Cet arrêté expose précisément les considérations de fait qui ont motivé le refus de séjour, notamment les faits que la préfète a estimé constitutifs d'atteinte à l'ordre public, l'obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, la fixation du pays de renvoi et, enfin, l'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans. Il expose également les raisons pour lesquelles l'administration n'a pas retenu l'existence de liens suffisamment forts de l'intéressé avec la France et a retenu au contraire le maintien de liens avec le pays d'origine. Cet arrêté, qui permettait à M. D... de comprendre et de contester utilement les motifs des décisions qui lui ont été opposées, est ainsi suffisamment motivé.

11. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté préfectoral en litige ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète aurait pris ses décisions sans procéder au préalable à un examen réel et approfondi de la situation de M. D....

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

12. L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". En application de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Enfin, selon l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est rendu coupable de faits de transport, détention, offre ou cession, acquisition, importation et trafic de stupéfiants, pour lesquels il a été condamné le 6 septembre 2019 à une peine d'emprisonnement de 5 ans dont un avec sursis et à une interdiction de séjour dans le département de la Gironde pendant 5 ans. Compte-tenu de la gravité de ces faits et de leur caractère récent, et alors même que l'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune condamnation avant celle prononcée à son encontre le 6 septembre 2019, la préfète n'a pas entaché son arrêté d'illégalité en estimant que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la préfète se serait fondée sur sa seule détention pour retenir une menace à l'ordre public, en méconnaissance de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964 qui, d'ailleurs, ne vise que les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne.

14. M. D... établit, par les éléments qu'il produit concernant sa scolarité en Guyane, qu'il est arrivé en France en 2003, alors qu'il était âgé de 11 ans et qu'il y a suivi sa scolarité jusqu'en 2012. Il n'est pas contesté qu'il a été titulaire en France d'un document de circulation pour mineur du mois de juillet 2007 au mois de septembre 2009 puis de cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " du 1er février 2011 au 1er janvier 2019. Il produit également le passeport français délivré en Guyane d'une personne qu'il indique être son frère, et le verso d'un titre de séjour délivré en Guyane qu'il présente comme étant le verso du titre de séjour de sa mère. Il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier que M. D..., qui est célibataire, sans enfant, et qui a quitté la Guyane depuis au moins 2018, année au cours de laquelle il dit s'être installé à Montargis, entretienne des liens familiaux étroits avec son frère et sa mère. S'il soutient n'avoir conservé aucun lien avec son pays d'origine, le Surinam, la préfète a relevé dans l'arrêté du 14 juin 2021, sans que l'intéressé ne conteste ce fait, qu'il y a obtenu un passeport en 2016. Dans ces conditions, compte tenu de son absence d'insertion dans la société française et dès lors qu'il ne justifie pas entretenir de liens étroits avec sa famille en France, la préfète, malgré l'ancienneté du séjour en France de M. D..., n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Dans ces circonstances, elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

15. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Compte tenu des circonstances exposées au point 11 ci-dessus, et dès lors notamment que M. D..., bien qu'entré sur le territoire français, en Guyane, à l'âge de 11 ans, n'y a pas entretenu ces dernières années de liens privés et familiaux d'une intensité particulière, la décision de refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour, justifiée par des intérêts liés à la défense de l'ordre public, la prévention des infractions pénales et la protection de la santé, ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance du droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

17. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle a été prise en considération d'un refus de séjour lui-même illégal doit être écarté.

18. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreux documents produits par M. D... sur sa scolarité en Guyane, couvrant les années 2003 à 2012, qu'il doit être regardé comme étant entré en France en 2003, à l'âge de 11 ans. Il produit également des bulletins de paie et attestations d'emploi qui permettent de considérer qu'il est demeuré en France durant les années 2013 et 2014. Toutefois, l'intéressé ne produit aucun document permettant d'estimer qu'il est demeuré habituellement en France après l'année 2014 et avant la date à laquelle il a été écroué en France, le 26 octobre 2018. Il ne peut donc être retenu que M. D... remplit les conditions prévues par les dispositions précitées.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

20. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

21. Ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, eu égard à la gravité des faits dont M. D... s'est rendu coupable, la préfète a pu légalement considérer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Dès lors, en refusant pour ce motif de laisser à l'intéressé un délai de départ volontaire, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire durant deux ans :

22. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ".

23. Pour prononcer, à l'encontre de M. D..., une interdiction de retour sur le territoire, la préfète s'est fondée sur les dispositions précitées. Il ressort de ce qui a été dit ci-dessus s'agissant du refus de délai de départ volontaire que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'interdiction de retour est illégale du fait de l'illégalité de ce refus de délai de départ volontaire.

24. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

25. Ainsi qu'il a été dit, M. D... est entré en France en 2003 alors âgé de 11 ans et y est resté au moins jusqu'en 2014, de sorte que ses liens avec la France peuvent être qualifiés d'anciens. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait continué d'entretenir avec sa famille de réels liens affectifs ni qu'il serait totalement dépourvu de liens personnels dans son pays d'origine dans lequel il a obtenu un passeport en 2016. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été précédemment exposé, il s'est rendu coupable de faits de transport, détention, offre ou cession, acquisition, importation et trafic de stupéfiants, pour lesquels il a été condamné le 6 septembre 2019 à une peine d'emprisonnement de 5 ans et qui traduisent une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement magistrat désigné du tribunal administratif de Pau du 31 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Pau et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... de Niro D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée à la préfète des Landes.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente assesseure

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023.

La présidente assesseure,

Claire ChauvetLa présidente-rapporteure,

Elisabeth A...

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04264
Date de la décision : 15/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-15;21bx04264 ?
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