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14/03/2023 | FRANCE | N°21BX00326

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 14 mars 2023, 21BX00326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest du 4 avril 2019 portant refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 19 août 2016 et placement en congé de longue maladie.

Par un jugement n° 1902615 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest du 4 avril 2019, a enjoint à cet

te autorité de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme F... et d'en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest du 4 avril 2019 portant refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 19 août 2016 et placement en congé de longue maladie.

Par un jugement n° 1902615 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest du 4 avril 2019, a enjoint à cette autorité de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme F... et d'en tirer toutes les conséquences sur son droit à traitement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le préfet, tenu par le secret médical, ne pouvait pas produire le rapport d'expertise du docteur E... ; le tribunal ne pouvait reconnaître l'imputabilité au service en écartant cette expertise médicale sans avoir préalablement demandé sa production à Mme F... ou, à tout le moins, ordonné une expertise médicale ; les éléments médicaux versés par Mme F... n'ont pas été établis de manière contradictoire ;

- les expertises médicales produites par Mme F... ne suffisent pas à établir l'existence d'un lien entre son état dépressif et ses conditions de travail ; cette imputabilité ne se présume pas et n'est retenue qu'en cas de lien direct avec l'exercice des fonctions ou des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause ; s'agissant de troubles psychiques, le juge recherche s'ils sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service ; en l'espèce, les éléments médicaux produits par Mme F..., qui relaient sa version subjective des faits, sont rédigés de manière neutre et ne permettent pas de retenir avec certitude l'existence d'un lien entre sa dépression et les conditions d'exercice de ses fonctions ;

- le tribunal n'a pas pris en compte le comportement et les manquements professionnels de Mme F..., en particulier son manque d'investissement professionnel et ses répercussions sur le fonctionnement du service ainsi que les nombreux manquements constatés par plusieurs rapports de sa hiérarchie ; ces manquements sont à l'origine des difficultés professionnelles qu'elle a rencontrées et, par conséquent, de la dégradation de ses conditions de travail, et constituent ainsi un fait personnel de nature à détacher la survenance de sa maladie du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2021, Mme F..., représentée par Me Pigeanne, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et demande à la cour d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise psychiatrique.

Elle soutient que :

- malgré ses demandes, le rapport du docteur E... ne lui a pas été communiqué, de sorte qu'elle n'a pas pu se défendre utilement devant la commission de réforme, qui a émis un avis défavorable à sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie ; la procédure n'a ainsi pas respecté les exigences de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 ;

- alors qu'elle donne expressément son accord, le ministre refuse de produire le rapport du docteur E... ;

- quatre rapports d'expertise successifs ont retenu l'imputabilité de sa pathologie au service ; elle ne présente aucun état antérieur sur le plan psychologique ; elle souffre d'une dépression réactionnelle, sans lien avec de prétendus traits de personnalité pathologiques.

Par une ordonnance du 6 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... B...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., fonctionnaire de la police nationale au grade de brigadier de police, a été placée en arrêt de travail à partir du 19 août 2016 pour un syndrome dépressif. Elle a sollicité le 29 novembre 2018 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que la régularisation de sa situation administrative. La commission de réforme a émis le 26 mars 2019 un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Par des décisions du 4 avril 2019, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme F... et l'a placée en congé de longue maladie. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 21 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme F... et d'en tirer toutes les conséquences sur son droit à traitement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Les éléments médicaux produits par Mme F..., en particulier les rapports établis par deux psychiatres et un médecin légiste les 26 juin, 5 octobre et 2 novembre 2017 et 25 janvier 2018, indiquent que le syndrome anxiodépressif dont elle souffre n'a pas de cause extérieure à son activité professionnelle et est en lien avec celle-ci. Cependant, la requérante, qui se borne à se référer aux éléments médicaux ci-dessus mentionnés, ne produit aucun élément de nature à établir que ses conditions de travail étaient susceptibles de susciter le développement de la maladie dont elle est atteinte. Par suite, c'est à tort que, pour annuler les décisions du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur d'appréciation entachant le refus de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de Mme F....

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... devant le tribunal administratif.

6. En premier lieu, les décisions litigieuses ont été signées par Mme D... C... qui bénéficiait, en sa qualité de directrice des ressources humaines, d'une délégation de signature consentie par un arrêté préfectoral du 14 décembre 2017 aux fins de signer, notamment, tous les actes relatifs à la gestion administrative des personnels du ministère de l'intérieur affectés dans le ressort de la zone de défense et de sécurité sud-ouest. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions doit être écarté.

7. En deuxième lieu, à le supposer soulevé, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme n'est pas assorti de précision permettent d'en apprécier le bien-fondé.

8. Enfin, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors en vigueur : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. Le secrétariat de la commission de réforme est informé des décisions qui ne sont pas conformes à l'avis de la commission de réforme ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 11 mars 2019 dont elle a pris connaissance le 15 mars 2019 selon ses propres déclarations, Mme F... a été informée de la réunion de la commission de réforme le 26 mars suivant et de la possibilité de consulter son dossier, de présenter des observations ou pièces médicales et d'être entendue ou de faire entendre le médecin ou la personne de son choix par cette commission. Mme F... fait valoir qu'en méconnaissance des dispositions citées au point précédent, l'expertise médicale réalisée le 27 février 2019, à l'initiative de l'administration, par le Dr E..., ne lui a pas été communiquée avant la séance de la commission de réforme, malgré la demande qu'elle avait présentée en ce sens. Cependant, les seules dispositions invoquées prévoient uniquement que le fonctionnaire doit être mis à même de prendre connaissance de la partie administrative de son dossier. Le moyen ne peut donc être accueilli.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest du 4 avril 2019 et enjoint à cette autorité de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme F... et d'en tirer toutes les conséquences sur son droit à traitement. Les conclusions de Mme F... à fin d'astreinte et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902615 du 21 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Bordeaux, ensemble ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme

Agnès F....

Délibéré après l'audience du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2023.

La présidente rapporteure,

Marie-Pierre Beuve B...

Le premier assesseur,

Manuel Bourgeois

Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00326
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : PIGEANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-14;21bx00326 ?
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