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07/03/2023 | FRANCE | N°21BX02432

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 mars 2023, 21BX02432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le maire de Saint-Jean-de-Luz a pris à son encontre une sanction de révocation prenant effet le 18 avril 2019 et d'en tirer toutes les conséquences quant à son évolution de carrière, sa rémunération et ses congés payés.

Par un jugement joint n° 1901342 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire, enregistrés les 7 juin et le 17 juin 2021, M. A..., représenté par Me Caljeo, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le maire de Saint-Jean-de-Luz a pris à son encontre une sanction de révocation prenant effet le 18 avril 2019 et d'en tirer toutes les conséquences quant à son évolution de carrière, sa rémunération et ses congés payés.

Par un jugement joint n° 1901342 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juin et le 17 juin 2021, M. A..., représenté par Me Caljeo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 31 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 du maire de Saint-Jean-de-Luz précité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Luz la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le maire s'est cru à tort lié par les conclusions du rapport du cabinet Formetis ;

- la procédure suivie par l'administration a été partiale et inéquitable en raison du conflit d'intérêt lié à la participation d'un représentant syndical (M. B...) tout au long de la procédure et particulièrement devant le CHSCT où il est intervenu en tant que plaignant ;

- le principe des droits de la défense a été méconnu à défaut d'avoir reçu communication d'avoir eu accès à ses données personnelles en raison de sa suspension, avant la tenue du conseil de discipline ;

- les faits qui lui sont reprochés sont prescrits en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que les dessins et courbes incriminés sont très anciens ;

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; elle a été prise pour des motifs extérieurs à l'intérêt du service ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne peuvent caractériser une situation de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la sanction de la révocation est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, la commune de Saint-Jean-de-Luz, représentée par son maire en exercice, et par Me Morin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cailjéo, représentant M. A... et de Me Morin, représentant la commune de Saint-Jean-de-Luz.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., , assistant de conservation principale (catégorie B), était employé à la médiathèque de Saint-Jean-de-Luz depuis le 25 septembre 2007 et occupait le poste de responsable de la section " musique, cinéma et presse ". Par un arrêté du 15 novembre 2018, le maire de la commune l'a suspendu de ses fonctions à compter du 17 novembre 2018 pour faute grave. Après avoir pris connaissance des conclusions d'une enquête administrative réalisée par un cabinet externe et avoir réuni le conseil de discipline, il a, par un arrêté du 15 avril 2019, pris à l'encontre de l'intéressé la sanction de la révocation prenant effet le 18 avril 2019 et l'a radié des cadres à compter de cette même date. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation ;

2. En premier lieu, M. A... persiste à soutenir en appel que le principe d'impartialité a été méconnu au motif que M. B..., représentant du syndicat alerté par un agent de la médiathèque, aurait influencé le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans sa décision de confier à un cabinet externe la réalisation d'une enquête administrative pour des faits supposés de harcèlement moral, dans la mesure où il a assisté cette réunion du CHSCT en qualité de dénonciateur d'une situation et d'expert en risques psycho-sociaux. Toutefois le requérant n'apporte aucun d'élément au soutien de ses allégations alors qu'il ressort des pièces du dossier que, étant en charge des formations sur les risques psycho-sociaux au sein de la branche régionale du syndicat en lien avec l'université de Bordeaux et l'institut du travail, M. B... justifiait de ses compétences dans ce domaine et que rien ne permet d'estimer qu'il aurait eu un intérêt personnel à la tenue d'une enquête administrative ni à la mise en cause des agents dénoncés. En outre, il était loisible au maire de la commune de saisir le CHSCT, en charge de donner un avis sur les questions de santé mentale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la partialité de la procédure doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune de Saint-Jean-de-Luz se serait cru en situation de compétence liée et aurait ainsi suivi sans faire usage de son pouvoir discrétionnaires les conclusions du rapport du cabinet Formetis. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa version applicable au litige : " (...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi (...) ". Aux termes de l'article 19 de cette loi dans sa version applicable au litige: " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. ". L'article 5 du même décret dispose que : " Lorsqu'il y a lieu de saisir le conseil de discipline, le fonctionnaire poursuivi est invité à prendre connaissance, dans les mêmes conditions, du rapport mentionné au septième alinéa de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et des pièces annexées à ce rapport ".

5. Premièrement, il est constant que le requérant a reçu l'ensemble des pièces relatives à son dossier personnel dont la communication est règlementairement obligatoire en amont de la réunion du conseil de discipline, l'informant notamment des griefs qui lui étaient reprochés, et qu'il avait au demeurant été reçu par le maire dans le cadre de sa suspension. S'il a entendu faire valoir que son dossier personnel communiqué " initialement " comportait des pièces qui n'étaient pas numérotées, il ne l'établit pas. Deuxièmement, M. A..., n'indique pas en quoi les pièces complémentaires et notamment les mails professionnels, les plannings et compte-rendu de réunion des dix dernières années, qu'il a sollicité par courriers auprès de la mairie, auraient été utiles pour sa défense. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que l'intéressé a pu s'exprimer, assisté de son conseil, au cours de la réunion du conseil de discipline pour faire valoir ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, au soutien du moyen tiré de ce que les faits qui lui sont reprochés seraient prescrits, le requérant ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal et ne se prévaut en appel d'aucun élément de droit ou de fait nouveau. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".

8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher notamment si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction.

9. Il est reproché à M. A... d'avoir contribué, avec quatre de ses collègues, à instaurer au sein de la médiathèque des conditions de travail particulièrement délétères depuis plusieurs années, se traduisant par l'adoption de comportements nuisibles et dégradants envers plusieurs autres collègues isolés. L'intéressé a remis en cause leurs compétences et critiqué le travail de ses collègues, a eu un comportement agressif envers certains collègues, a participé à des paris avec d'autres collègues sur l'espérance de vie d'agents atteints de grave maladie, réalisait des dessins et écrits caricaturaux supposés humoristiques, dont la teneur portait atteinte à la dignité de la personne en raison de leur caractère sexuel, sexiste, homophobe, humiliant, provocateur et morbide, et les affichait au sein du local technique ouvert à tous les agents de la médiathèque dénommé " l'atelier " . La décision contestée conclut que les faits ainsi reprochés sont constitutifs d'un manquement grave aux obligations statutaires et professionnelles de l'agent et incompatibles avec la mission de service public qui lui est confiée.

10. M. A... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des témoignages concordants, précis et circonstanciés de plusieurs agents repris dans le rapport d'enquête réalisé par le cabinet externe Formetis dans le cadre de l'enquête administrative, que l'intéressé, outre qu'il critiquait le travail de ses collègues, est le co-auteur des dessins et caricatures supposés humoristiques, à caractère sexiste, homophobe, morbide et humiliants, qui étaient affichés dans " l'atelier " servant à la fois de local technique et de lieu de déjeuner et de détente. Ces écrits, quand bien même ils ont pu amuser certaines des personnes visées, ont eu des répercussions graves sur les conditions de travail et la santé mentale de plusieurs collègues.

11. En estimant que le comportement de M. A... envers certains de ses collègues réitéré pendant plusieurs années, était constitutif de manquements graves aux obligations statutaires et professionnelles de l'agent et qu'il justifiait le prononcé d'une sanction disciplinaire, l'auteur de la décision attaquée n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A..., lesquels portent atteinte à la dignité de la personne, et nonobstant les bons états de service de l'intéressé, la sanction de la révocation décidée par le maire de Saint-Jean-de-Luz n'est pas disproportionnée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Luz, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Saint-Jean-de-Luz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Saint-Jean-de-Luz une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la commune de Saint-Jean-de-Luz.

Délibéré après l'audience du 6 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2023.

La rapporteure,

Caroline D...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02432
Date de la décision : 07/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : FIDAL PAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-07;21bx02432 ?
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