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07/03/2023 | FRANCE | N°21BX01131

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 mars 2023, 21BX01131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 septembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement dans le pays d'origine.

Par un jugement n° 1904700 du 31 décembre 2020, le tribunal adm

inistratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 septembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement dans le pays d'origine.

Par un jugement n° 1904700 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, M. E... C..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904700 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision en litige du 3 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le dossier d'enquête, sur la base duquel cette décision a été prise, ne lui a été communiqué que partiellement ; il manquait ainsi une page du procès-verbal d'audition réalisé pendant l'enquête ; l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été destinataire de ce dossier incomplet et n'a pas pu prendre sa décision en connaissance de cause ; par ailleurs, la procédure suivie est irrégulière dès lors que la personne poursuivie a demandé communication du procès-verbal avant l'édiction de la sanction, ce qui est le cas en l'espèce ;

- le taux de la sanction appliqué ne correspond pas aux cas dans lesquels il se trouve et qui justifiaient l'application d'un taux moindre en application des dispositions du II et du III de l'article R. 8253-2 du code du travail ; ainsi, l'infraction qui lui est reprochée ne concerne qu'un seul travailleur ; de plus, celui-ci n'avait réalisé aucun travail le jour de son contrôle, de sorte que l'employeur n'avait pas à lui verser les salaires et indemnités prévus par la législation applicable ;

- la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement n'était pas applicable dès lors qu'on ignore la nationalité du salarié contrôlé ; par ailleurs, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que l'Inde, pays dont le travailleur serait originaire, ne peut être rattaché à la zone " Asie du Sud-Est " prévue par l'arrêté ministériel du 5 décembre 2006 ; mais les premiers juges auraient dû en tirer les conséquences en jugeant que la sanction était ainsi dépourvue de base légale, d'autant que les textes relatifs à l'application d'une sanction sont d'interprétation stricte, ce qui interdisait de rattacher l'Inde à la zone considérée ou à une autre zone ;

- l'arrêté ministériel du 5 décembre 2006 est illégal dès lors qu'il porte atteinte au principe d'égalité consacré par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) en prévoyant que les travailleurs issus de certaines zones ne peuvent être sanctionnés ; il porte atteinte aux principes de clarté et d'intelligibilité de la règle de droit, consacrés par les articles 4, 5, 6 et 16 de la DDHC car les zones dont dépend l'application de la sanction sont insuffisamment définies ; il porte aussi atteinte à l'article 34 de la Constitution en prévoyant des exceptions à la sanction non prévues par la loi ;

- la décision en litige fixe un montant disproportionné qui ne tient pas compte de ses faibles moyens financiers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits et l'homme et du citoyen ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cesso réprésentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle routier effectué le 20 mars 2019 au niveau d'un péage autoroutier, les services de gendarmerie ont constaté la présence, dans un véhicule appartenant à M. C..., lequel se rendait à Langon sur un chantier dont il avait la charge en tant qu'entrepreneur individuel, d'un ressortissant étranger en situation irrégulière. Par une décision du 3 septembre 2019, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. C... la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger, prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 18 100 euros, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros, soit une somme totale de 20 409 euros. Toutefois, par cette même décision du 3 septembre 2019, l'OFII a réduit le montant de la sanction à 15 000 euros en application du " bouclier pénal " prévu à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 septembre 209. Il relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs aux contributions en litige :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8271-17 du code du travail : " (...) les agents et officiers de police judiciaire (...) sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler. Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. ". Aux termes de l'article R. 8253-6 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ".

3. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande.

4. Si les dispositions législatives et réglementaires applicables au cas d'espèce ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII, constatant l'infraction, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Mais le refus de communication du procès-verbal ne saurait entacher la sanction d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale à la charge de l'intéressé, prononce la sanction.

5. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 7 mai 2019, l'OFII a informé M. C... de ce qu'il était envisagé de lui appliquer la contribution spéciale et la contribution forfaitaire, à raison des faits constatés lors du contrôle du 20 mars 2019, et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Le 17 mai 2019, le conseil de M. C... a demandé communication d'une copie du procès-verbal d'infraction et sa demande a été satisfaite par un courriel de l'OFII du 20 mai 2019. Le conseil de M. C... ayant fait remarquer que la page 2/3 du procès-verbal était manquante, l'OFII lui a répondu, le 20 mai 2019, que le procès-verbal transmis était identique à celui que lui-même avait reçu des services de gendarmerie. Il résulte de l'instruction que la page 1 du procès-verbal d'infraction du 20 mars 2019 expose la nature de l'infraction reprochée à M. C... et les circonstances dans lesquelles elle a été commise. La page 3 de ce même procès-verbal relate les questions posées à M. C... et les réponses que celui-ci a apportées quant à son activité d'entrepreneur, les conditions dans lesquelles il a recruté le travailleur étranger et la nature des travaux à réaliser. Ainsi, M. C... a eu une connaissance suffisante des éléments nécessaires à la constatation matérielle des faits qui lui étaient reprochés en vue de présenter utilement sa défense. Il en va ainsi alors même que la page 2 du procès-verbal d'audition était manquante dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les éléments non communiqués du procès-verbal auraient eu une incidence sur la décision de l'administration d'appliquer les contributions en litige, lesquelles ont été appliquées sur la base des mêmes informations que celles dont M. C... a eu connaissance. Dans ces circonstances, la transmission d'un procès-verbal incomplet n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée et n'a pas non plus privé M. C... d'une garantie. Le moyen tiré de l'atteinte aux droits de la défense doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. (...) ".

7. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur les contribution spéciale et forfaitaire prévues par les dispositions précitées de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions.

8. La qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique, fût-il indirect, de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant. Dès lors, pour l'application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie. Enfin, les contributions ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement en France, ou démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel ne soit nécessaire à la caractérisation du manquement.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de l'audition effectuée par les services de gendarmerie, que M. C..., entrepreneur individuel, se rendait avec son véhicule sur un chantier dont il avait la charge, le 20 mars 2019, en compagnie de M. F... B.... Dans ses déclarations recueillies au procès-verbal, M. C... a affirmé qu'il avait chargé M. B... de réaliser des travaux de peinture sur le chantier. Le procès-verbal de constatation mentionne que les services de gendarmerie ont, lors du contrôle, retrouvé du matériel de chantier, divers outils et pots de peinture à l'arrière du véhicule. Dans ces conditions, l'existence d'un lien juridique caractérisant une relation de travail doit être regardée comme suffisamment établie sans qu'importe la circonstance que M. B... n'ait pas exécuté les tâches prévues dès lors que seul le contrôle de gendarmerie a empêché cette exécution.

10. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de constatations du 20 mars 2019, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que M. B... est né en Inde et parle un dialecte indou. Il résulte également des vérifications faites par les services de police que M. B... est dépourvu de titre de séjour l'autorisant à travailler sur le territoire français. Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute les constatations ainsi effectuées par l'OFII. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'OFII serait défaillant à apporter la preuve de ce que M. B... possède la nationalité étrangère et séjourne irrégulièrement sur le territoire français.

11. Il résulte de ce qui précède que la matérialité et la qualification des faits d'emploi d'un travailleur étranger en situation irrégulière est suffisamment établie. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de qualification juridique doivent, dès lors, être écartés.

12. En troisième lieu, si l'appelant conteste la proportionnalité de la sanction prononcée à son encontre en faisant état de ses difficultés financières, celles-ci ne suffisent pas à justifier, au regard de la nature et des agissements sanctionnés et de l'exigence de répression effective des infractions, qu'il soit, à titre exceptionnel, dispensé des contributions en litige.

En ce qui concerne le moyen propre à la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier :

13. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités (...) / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...). "

14. Par la décision en litige du 3 septembre 2019, le directeur général de l'OFII a, en application des dispositions précitées du I de l'article R. 8253-2, fixé à 18 100 euros le montant de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier à raison de 5000 fois le taux horaire du minimum garanti, d'un montant de 3,62 euros.

15. Il appartient au juge administratif de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

16. D'une part, les dispositions précitées du II de l'article R. 8253-2, qui prévoient que le montant de la contribution est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le salarié en situation irrégulière a perçu les salaires et indemnités auxquels il a droit à raison de son travail, ne sauraient trouver application dans le cas, constitué en l'espèce, où l'employeur n'a aucun salaire et indemnité à verser en l'absence commencement d'exécution d'un travail. Par ailleurs, ces mêmes dispositions prévoient une réduction du montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal ne mentionne pas d'autre infraction commise que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1. Toutefois, cette dernière condition n'est pas remplie en l'espèce dès lors que le procès-verbal du 20 mars 2019 a été dressé à l'encontre de M. C... pour emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail, infraction prévue par l'article L. 8251-1 du code du travail, mais aussi pour emploi dissimulé, infraction prévue par les articles L. 8221-1 et suivants du même code.

17. D'autre part, s'il résulte des dispositions précitées du III de l'article R. 8253-2 que le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger en situation irrégulière, ce qui est certes le cas en l'espèce, l'application d'une telle réduction nécessite, en outre, que l'employeur ait versé les salaires et indemnités dus. Ainsi qu'il a été dit au point 16, il est constant que M. C... n'a versé aucun salaire ou indemnité à son employé.

18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que les taux prévus au II ou au III précités de l'article R. 8253-2 du code du travail devraient être substitués à celui du I dont l'OFII a fait application pour le calcul de la contribution en litige.

En ce qui concerne les moyens propres à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement :

19. En premier lieu, aux termes de l'article R. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / (...) / II.- Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine : " Le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mise à la charge de l'employeur d'un étranger en situation irrégulière par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fixé en fonction des zones géographiques du pays dont est originaire l'étranger, conformément au tableau ci-après : ". Le tableau annexé à cet arrêté prévoit que le montant de la contribution s'élève à 2 124 euros pour un réacheminement à destination du " Maghreb ", 2 398 euros pour le " Caucase/Europe Centrale ", 2 309 euros pour l'" Asie du sud-est/Moyen Orient ", 3 266 euros pour les " Amériques " et 2 553 euros pour l'" Afrique subsaharienne ".

20. En premier lieu, en retenant comme zones de destination le " Maghreb ", le " Caucase/Europe Centrale ", l'" Asie du sud-est/Moyen Orient ", les " Amériques " et l'" Afrique subsaharienne " au lieu de pays nommément désignés, les auteurs de l'arrêté du 5 décembre 2006 n'ont pas adopté une règle insuffisamment précise au point de méconnaître le principe de clarté et d'intelligibilité de la règle de droit, consacré par la Déclaration des droits et l'homme et du citoyen, dès lors qu'il reste possible de rattacher un travailleur étranger à l'une ou l'autre de ces zones en fonction de sa nationalité.

21. Par ailleurs, les zones de destination définies dans l'arrêté ministériel couvrent l'ensemble du territoire mondial. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté aurait exclu certains pays du champ d'application des contributions en litige, créant ainsi des exonérations non prévues par la loi, en méconnaissance du principe d'égalité, et en empiétant sur la compétence dévolue au législateur par l'article 34 de la Constitution.

22. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 5 décembre 2006 à l'appui de sa contestation de la sanction en litige.

23. En deuxième lieu, l'Inde, dont M. B... est originaire, est incluse dans la zone de destination " Asie du Sud-Est/Moyen-Orient " mentionnée dans l'arrêté du 5 décembre 2006. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision du 3 septembre 2019 est dépourvue de base légale au motif que l'arrêté du 5 décembre 2006 n'aurait pas prévu l'application de la contribution pour les étrangers originaires d'Inde.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. C... tendant à ce que l'OFII, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'OFII et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 21BX01131 de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à l'OFII la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 6 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023. Le rapporteur,

Frédéric A...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01131 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01131
Date de la décision : 07/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-07;21bx01131 ?
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