Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre
de séjour, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer un certificat de résidence
d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de procéder au réexamen
de sa situation.
Par un jugement n° 2106652 du 24 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Perrin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 4 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente
une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'erreur de fait commise par l'administration sur la nationalité de son épouse, marocaine et non algérienne, était de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ;
- la préfète et le tribunal se sont mépris sur les dispositions applicables à la demande de regroupement familial devant être présentée par son épouse ; cette demande ne relève pas de l'article 4 de l'accord franco-algérien, mais de l'article R. 434-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de présenter sur place une demande au bénéfice d'une personne en situation régulière en France, ce qui était son cas ; en outre, le tribunal n'a pas tenu compte de ce que la demande de regroupement familial déposée par son épouse avait été rejetée le 8 août 2019 au motif qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes ;
- à la date de l'arrêté, il résidait régulièrement en France depuis pls de quatre ans, était marié depuis près de deux ans et justifiait de plus de trois ans de vie commune avec son épouse, titulaire d'une carte de résident et mère de ses deux enfants âgés de deux ans et six mois, ainsi que d'une fille de nationalité française issue d'une précédente union ; il a perdu tout contact avec sa famille en Algérie qui n'a pas accepté son mariage avec une ressortissante marocaine ; c'est ainsi à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit au moyen tiré de la méconnaissance 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité algérienne, a résidé régulièrement en France en qualité d'étudiant du 22 août 2017 au 14 novembre 2019. Il a épousé le 12 janvier 2019 une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident, et par une décision du 8 août 2019, la préfète de la Gironde a rejeté la demande de regroupement familial présentée à son bénéfice par son épouse au motif de l'insuffisance des ressources de cette dernière. Le 16 octobre 2019, M. C... a sollicité un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", que la préfète de la Gironde lui a refusé par un arrêté du 4 octobre 2021. Il relève appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le 4 octobre 2021, date de l'arrêté contesté, M. C..., qui résidait régulièrement en France depuis plus de quatre ans, était marié depuis près de trois ans à une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident, que le couple avait deux filles nées le 27 décembre 2019 et le 7 mars 2021, et que Mme C... était en outre mère d'une enfant de nationalité française, née le 6 août 2014 d'une précédente union. Si l'arrêté du 4 octobre 2021 relève que M. C... est défavorablement connu des services de police pour des faits de " vol simple " commis le 2 novembre 2020, il ressort des pièces du dossier que ces faits, qui ont donné lieu le même jour à un rappel à la loi, correspondent à la soustraction frauduleuse de deux jeux vidéo d'un montant total de 69,90 euros au préjudice d'un supermarché, ce qui ne suffit pas à faire regarder l'intéressé comme représentant une menace pour l'ordre public. Dans ces circonstances, le refus de titre de séjour porte au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué,
le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2021.
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " L'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2021 implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait, qu'il soit fait droit à la demande de titre de séjour rejetée par l'arrêté du 4 mars 2021. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106652 du 24 mai 2022
et l'arrêté de la préfète de la Gironde du 4 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un certificat
de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois
à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur
et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01983