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02/03/2023 | FRANCE | N°21BX00512

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 mars 2023, 21BX00512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le président de l'université des Antilles a fixé sa résidence administrative à Schœlcher en Martinique à compter de l'année universitaire 2019/2020.

Par un jugement n° 1901068 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 et 12 février 2021 et le 2

2 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Jabot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le président de l'université des Antilles a fixé sa résidence administrative à Schœlcher en Martinique à compter de l'année universitaire 2019/2020.

Par un jugement n° 1901068 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 et 12 février 2021 et le 22 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Jabot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 24 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le président de l'université des Antilles a fixé sa résidence administrative à Schœlcher en Martinique à compter de l'année universitaire 2019/2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'université des Antilles une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation et de la violation des dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision attaquée ne mentionne pas les voies et délais de recours applicables ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 952-5 du code de l'éducation et 5 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- elle est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que la résidence administrative, au sens notamment du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, correspond au service dans lequel l'agent est affecté c'est à dire le lieu d'exercice principal de l'activité, qui est dans son cas à la Guadeloupe, et ne résulte pas de l'appartenance d'un poste à une composante universitaire, d'autant que son laboratoire de rattachement ne constitue pas un lieu physique mais un regroupement de chercheurs ;

- elle méconnait le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires et de sécurité juridique ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2022 et un mémoire non communiqué enregistré le 1er novembre 2022, l'université des Antilles, représentée par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de M. A... était irrecevable, l'arrêté du 22 juillet 2019 constituant une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Lecourt, représentant l'université des Antilles.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 juillet 2019, le président de l'université des Antilles a fixé la résidence administrative de M. A..., professeur des universités à l'université des Antilles, dans la commune de Schœlcher en Martinique à compter de l'année universitaire 2019/2020. Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2019 et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice causé par cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué précise dans le point 5 que " la décision contestée, qui se borne à entériner la résidence administrative de M. A..., n'entre dans aucune des catégories de mesures qui doivent être motivées en application du code des relations entre le public et l'administration " et dans le point 6 que M. A... " ne peut utilement soutenir que la décision querellée aurait méconnu les règles d'abrogation et de retrait des décisions administratives créatrices de droit ". Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient omis de répondre aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de la méconnaissance des dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration relatives à l'abrogation et au retrait des décisions créatrices de droits. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'irrégularité sur ces points doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La circonstance que la décision attaquée ne comporte pas la mention des délais et des voies de recours ouverts contre elle est sans incidence sur sa légalité.

4. Aux termes de l'article L. 952-5 du code de l'éducation : " Les présidents d'université et les directeurs d'établissement peuvent accorder, à titre exceptionnel, des dispenses en tout ou partie aux obligations de résidence et de présence qu'implique toute fonction universitaire d'enseignement et de recherche. " L'article 5 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences dispose que : " Les enseignants chercheurs sont astreints à résider au lieu d'exercice de leurs fonctions. Des dérogations individuelles peuvent être accordées par le président ou le directeur de l'établissement dans les limites compatibles avec les besoins du service. " La résidence au sens de ces dispositions s'entend de la résidence personnelle de l'agent, c'est-à-dire le territoire de la commune sur lequel se situe son domicile.

5. Il ressort des pièces du dossier que par l'arrêté du 7 mars 2016, pris au visa de l'article 5 du décret du 6 juin 1984, la présidente de l'université des Antilles a " autorisé (M. A...) à résider administrativement en Guadeloupe à compter de l'année universitaire 2015/2016 ". Cet arrêté précise également que son service statutaire d'enseignement est partagé entre le département des lettres et des sciences humaines, situé dans la commune de Saint-Claude à la Guadeloupe, et la faculté de lettres et sciences humaines, située dans la commune de Schœlcher en Martinique, et qu'aucun frais financier ne saurait être imputable à la faculté des lettres et sciences humaines du fait de cette résidence au titre des enseignements effectués sur le site de la Martinique. Au vu de son contenu, et en dépit de l'utilisation du terme de " résidence administrative ", cette décision avait uniquement pour objet d'autoriser M. A... à déroger à l'obligation de résidence prévue par les dispositions citées au point précédent et non de fixer sa résidence administrative. Dès lors, l'arrêté attaqué, pris pour l'application du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat, et qui ne se prononce pas sur cette dérogation, ne peut être regardé comme retirant ou abrogeant l'arrêté du 7 mars 2016. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration relatives aux règles de retrait et d'abrogation des décisions créatrices de droit.

6. La décision attaquée ne constituant pas l'abrogation d'une décision créatrice de droit, ni le refus d'un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, elle n'avait pas à être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

7. Dès lors que cette décision n'a pas été prise pour l'applications des dispositions de l'article L. 952-5 du code de l'éducation et de l'article 5 du décret du 6 juin 1984, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

8. Selon l'article 2 du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État, la résidence administrative d'un agent est le territoire de la commune sur lequel se situe le service où cet agent est affecté.

9. En l'espèce il ressort des pièces du dossier que M. A... est affecté à l'UFR lettres et sciences humaines située sur la commune de Schœlcher et exerce son activité d'enseignement sur plusieurs établissements. S'il fait valoir que son lieu d'exercice principal se situe à la Guadeloupe, où il a contribué à mettre en place le département pluridisciplinaire de lettres et sciences humaines dont il a assuré la direction jusqu'en 2015, il ressort de la déclaration de service prévisionnel et de suivi établie au titre de l'année 2019-2020 qu'il a assuré 124 heures d'enseignement au département pluridisciplinaire situé à Saint-Claude en Guadeloupe et 94,5 heures d'enseignement sur le campus de Schœlcher ainsi que 24 heures d'équivalent TD pour la direction du master histoire, civilisations et patrimoine situé sur ce campus de Schœlcher et 8 heures pour le suivi des étudiants de ce master. Par ailleurs, les heures d'enseignement assurées au sein du département des sciences juridiques et économiques, situé à Pointe-à-Pitre ne peuvent être prises en compte pour justifier de la fixation de sa résidence administrative sur le campus de Saint-Claude. Ainsi, le nombre d'heures effectuées pour le bénéfice du site de Schœlcher étant plus élevé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le président de l'université aurait entaché sa décision d'erreur d'appréciation en fixant sa résidence administrative sur la commune de Schœlcher.

10. Dès lors que cette décision n'a pas pour objet de se prononcer sur l'obligation de résidence de l'intéressé, il ne peut faire valoir qu'elle constituerait une rupture d'égalité par rapport à ses collègues de la même UFR d'affectation qui ont obtenu une autorisation de résidence personnelle en Guadeloupe. De même dès lors que cette décision n'a pas pour objet de remettre en cause la possibilité de fixer sa résidence personnelle à la Guadeloupe, et que cette possibilité constitue une dérogation soumise au respect de l'intérêt du service, le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique doit être écarté.

11. Enfin, si le requérant fait valoir que la décision a en réalité pour but de l'évincer de son mandat d'élu ou de le pousser à démissionner, il n'apporte pas d'éléments suffisants pour étayer ses allégations, alors en outre qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a pu participer aux élections au sein du département pluridisciplinaire de lettres et sciences humaines. Le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir doit dès lors être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'université des Antilles, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'université, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande l'université des Antilles sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université des Antilles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au président de l'université des Antilles.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Christelle C...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00512 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00512
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT HUBERT JABOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-02;21bx00512 ?
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